Elle présente son nouveau livre La résistance des bijoux, contre les géographies coloniales (Édition Rot. BO. Krik, 15€), le 7 juin 2023 à Paris, à la librairie Les nouveautés à 18h (45bis rue du Faubourg du Temple), une rencontre animée par Sarah Bénichou et le 8 juin 2023 à Marseille à la librairie l’hydre à mille têtes à 19h (96 rue Saint-Savourin), une rencontre animée par Eyal Sivan.
À la mort de son père, Ariella Aïsha Azoulay découvre qu’il n’était pas un français naturalisé israélien comme il l’avait affirmé toute sa vie, mais un Juif algérien d’Oran, descendant de générations de bijoutiers. En deux récits autobiographiques, l’autrice déploie par fragments l’histoire de sa famille pour mettre en parallèle les colonialismes français en Algérie et sioniste en Palestine. Elle saisit nombre de continuités dans ces deux entreprises impériales, à commencer par le déni de l’identité maghrébine des Juifs d’Afrique du Nord et la destruction méthodique de l’enchevêtrement séculaire des mondes juifs, arabes et berbères.
Son nouveau film, Le Monde comme un bijou dans le creux de la main, Désapprendre le pillage impérial II [العالم كجوهرة في كف اليد ,אלעלאם כג׳אוהרה פי כף אליד] [58 minutes, 2022] sera projeté le 12 juin 2023 à 19h30, à Paris au CICP (21 ter rue Voltaire), soirée organisée par l’UJFP et le 17 juin à Bruxelles, au Civa à 18h (55 rue de l’Ermitage).
Le monde comme un bijou dans le creux de la main parcourt livres ouverts, objets pillés et cartes postales pour chercher les fondements impériaux du monde dans lequel nous vivons. Dans ce vaste paysage, il se concentre sur la destruction du monde Juif Musulman qui existait en Afrique du Nord, le rendant à nouveau imaginable et habitable. Raconté à la première personne, par une Juive Algérienne et une Juive Palestinienne, le film refuse les histoires impériales de ces lieux.
Les objets retenus captifs dans les musées et les archives situés hors des territoires où ils ont été pillés ne sont que la partie émergée de l’iceberg du pillage colonial massif de l’Afrique. Ce long et durable saccage ne peut être abordé uniquement par le discours de la restitution, surtout lorsque des arguments sont avancés en faveur de la restitution d’objets individuels ; il exige plutôt une remise en question des fondements impériaux du monde dans lequel nous vivons. Le film considère ces objets comme faisant partie de la richesse substantielle accumulée grâce l’extraction des matières premières, du travail, du savoir et des compétences, y compris la «richesse visuelle» obtenue en plaçant les gens devant les caméras des colonisateurs.
Avant la colonisation de l’Afrique du Nord par les Français, ce monde était celui de mes ancêtres. Le film insiste sur mon – sur notre – droit à refuser de considérer que ce monde est révolu. En s’énonçant à la première personne du singulier, et en collaboration avec Nadia Ammour qui chante et lit une partie du récit, le film invite chacun·e de nous à « désapprendre le pillage impérial » à partir de multiples approches. Il nous engage à étudier de près des catalogues et des livres, à retoucher et recontextualiser des photos troublantes en les juxtaposant avec des informations qui concernent les circonstances du pillage, à regarder un extrait du film La bataille d’Alger, à percer des pièces de monnaie avec lesquelles les bijoutier·es juif·ves fabriquaient des bijoux et à répondre à l’appel de nos ancêtres juif·ves vivant dans le monde musulman qui, à la fin des années 1940, ont exhorté leurs compagnons jui·ves – lesquels parlaient en arabe, exprimaient leurs craintes et rêvaient en arabe – à résister à la campagne sioniste européenne visant à détruire la Palestine, et avec elle l’ensemble du monde judéo-musulman.
M’exprimant en tant que juive algérienne je mobilise la caméra pour remettre en question et refuser la manière dont les juif·ves algérien·nes, comme d’autres juif·ves dans des pays musulmans, ont été transformé·es en espèces disparues. Bien que les musées renforcent leur extinction en présentant leurs objets pillés comme des artefacts d’un monde révolu, nos ancêtres – à travers leurs objets – peuplent ces musées et attendent notre résistance au processus continu de leur disparition. Le film transforme ces objets, qui sont généralement conçus et exposés comme les spécimens d’un « passé » irrémédiablement perdu, en autant d’appels à refuser l’ordre imposé par l’impérialisme et le capitalisme racialisé – « l’Histoire » y compris. Des livres, des ordres écrits ou tacites, des documents d’archives, des photographies, des cartes postales, des traités et des déclarations, sont présentés comme autant de lieux où se manifeste le triomphe impérial dont la violence inhérente est célébrée comme appartenant aux affres de l’Histoire. Plutôt que d’accepter ce verdict en considérant le sort de ces documents comme scellé et les objets comme des œuvres d’art et des reliques de « l’Histoire », le film les présente comme des invitations à la résistance, à la réinterprétation et à la revendication d’un monde jugé « disparu ».
Le film a été tourné dans l’espace de mon exposition Errata, organisée à la Fondation Antoni Tàpies (Barcelone), sur une invitation de Carles Guerra. Dans cet espace, les livres étaient ouverts de manière à les aborder moins comme des comptes rendus visuel et textuel scellés et inaltérables du « passé », qu’en tant qu’éléments qui peuvent encore être rejetés, recomposés, révisés, inversés, effacés et revendiqués.
Ce film est une suite de Sans papiers – Désapprendre le pillage impérial (Un-Documented – Unlearning Imperial Plunder, 2019).
Scénario, paroles & réalisation : Ariella Aïsha Azoulay
Caméra : Bona Manga Bell, Adel Ben Bella, Chant et musique (karkabou, kalimba & bendir) interprétés par Nadia Ammour, Montage : Juna Suleiman, Production : Eyal Vexler, Montage sonore : Ziad Fayed, Prise de son : Ziad Fayed, Rinka, Design graphique : Haitham Haddad, Sous-titrage : Anaïs Farine et Pierre Girard (terjaverse).