Après le meurtre de Georges Floyd victime de la violence policière, l’Amérique brûle, mais qui sont les vrais pyromanes ?

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Depuis une semaine, dans de nombreuses villes des États-Unis, un large mouvement de protestation sans précédents depuis le mouvement des Black Panthers des années 1960/70 a brutalement émergé en réaction au meurtre d’un homme noir par un policier et, plus généralement, en protestation contre les violences policières racistes répétées et révélées ces dernières années par de nombreux intellectuels et militants, notamment les Black Lives Matter : soit « les vies noires comptent… ».

Du lynchage dont fut victime le jeune Ennett Till en 1955 par des suprémacistes blancs et qui inspira le poignant Strange fruit popularisé par Billie Holiday à l’asphyxie par strangulation d’un homme noir de 46 ans par un policier raciste, le rapprochement de ces deux événements tragiques a plus qu’une valeur symbolique : réduits à n’être qu’une chose – un outil ou une marchandise si l’on pense à l’esclavage – les victimes, qu’elles soient afro-américaines à Minneapolis ou arabes de l’autre côté du mur d’apartheid israélien, rappellent non seulement le caractère crapuleux des crimes racistes, mais aussi la responsabilité des États dans leurs dérives de plus en plus répressives. Non, la mort de Georges Floyd n’est pas un accident isolé, elle est le résultat d’une politique concertée qui vise à délégitimer toute protestation en l’assimilant à de la délinquance quand ce n’est pas du « terrorisme » !

Cet événement tragique, s’il n’est pas propre aux États-Unis, révèle la situation intérieure désastreuse d’une nation dont le présent reste profondément marqué par un passé esclavagiste que les illusions perdues de la présidence Obama – pour ne citer que l’Histoire récente – n’ont pas permis de dépasser.

Comment aurait-il pu en être autrement alors que la crise sanitaire frappe aujourd’hui de plein fouet le continent américain et rend encore plus vulnérables celles et ceux qui sont, plus qu’ailleurs parmi les pays dits « développés », exclus de toute protection sociale et sanitaire, réduits à un chômage massif, exposés au mépris des dominants ? Comment en serait-il autrement alors que le successeur d’Obama, l’irresponsable Donald Trump, multiplie les provocations à l’échelle nationale et internationale, appelle au retour à l’ordre et que ses propos haineux et ses menaces de va-t-en-guerre le désignent à l’évidence comme le véritable incendiaire, réduisant le monde à n’être à ses yeux qu’un vaste champ de bataille ?

Ce mouvement de protestation embrasant de nombreuses villes nord-américaines, et qui ne se limite pas aux seuls Noirs, ne devrait pas nous étonner : il n’est pas autre chose qu’un appel urgent à la dignité, à l’égalité et à la justice, pour que Georges Floyd et de nombreuses victimes du racisme ne soient pas mort-e-s pour rien…

Nos amis de Jewish Voice for Peace qui mènent le même combat que le nôtre pour l’égalité des droits en Palestine-Israël et la fin de l’apartheid en Israël, ne s’y sont pas trompés en apportant leur entière solidarité aux Afro-américains en deuil et en colère.

Ces valeurs de dignité, d’égalité et de justice sont aussi celles que l’UJFP partage sans distinction avec toutes les victimes du racisme structurel : ici en France, quand nous les réclamons pour les réfugiés et que le gouvernement d’Emmanuel Macron envoie ses policiers réprimer toute forme de manifestation solidaire, comme ce fut le cas ce 30 mai.

L’ampleur inattendue des manifestations nationales aussi bien le 30 mai que le 2 juin– les premières du monde d’après ! – en faveur des migrants et en hommage à Adama Traoré révèle aussi comment le traitement social et policier de la crise liée au Covid a frappé durement les populations racisées des quartiers populaires. 

Qu’on ne s’y trompe pas : la violence policière à l’encontre de nos frères et sœurs noirs en France n’est pas moins inquiétante que de l’autre côté de l’Atlantique, comme le rappellent les déclarations récentes de la chanteuse Camélia Jordana : elle s’inscrit dans l’histoire brutale et douloureuse de la gestion des populations colonisées par la République. La dignité noire en France ne peut que communiquer intimement avec l’Afrique et les Amériques : c’est ce que nous enseigne le philosophe Norman Ajari.

En Palestine/Israël, quand l’État d’apartheid exclut les Palestiniens de leur terre et de leurs droits, la société civile palestinienne par l’intermédiaire de la campagne BDS s’est immédiatement reconnue dans la politique de répression qui a conduit au meurtre de Georges Floyd : ces Palestiniens, violentés par les soldats israéliens en permanence, sont effectivement aussi en butte au racisme colonial en Israël comme dans les territoires qu’il occupe, n’auront connu aucune trêve pendant la crise sanitaire et continuent d’être mutilés ou tués…

Comme le souligne Gideon Levy, « Le maire de Minneapolis, Jacob Frey, qui se trouve être juif, a très vite présenté des excuses à la communauté noire de sa ville. « Être Noir en Amérique ne devrait pas être une condamnation à mort », a-t-il dit. Être Palestinien ne devrait pas davantage être une condamnation à mort, mais aucun maire juif israélien n’a jamais rien dit de tel. »

Pour que justice soit rendue après le meurtre de Georges Floyd, contre toutes les formes de répression policière portant atteinte à la libre expression et à la vie humaine, l’UJFP exprime sa solidarité avec le combat des Black Lives Matter et par-delà le combat de tous les Afro-descendants et de tous les dominés : notre engagement dans la lutte contre le racisme d’État en France, en Palestine-Israël, comme ailleurs dans le monde est plus que jamais légitime et nécessaire.

La Commission Communication externe, pour la Coordination nationale de l’UJFP, le 3 juin 2020.