16 octobre 2025
Enfin, après deux ans de génocide, le fragile cessez-le-feu annoncé permet aux Palestinien·nes de Gaza d’entrevoir un apaisement dans l’horreur des massacres quotidiens, déplacements forcés et destruction de masse de leur lieu de vie. Cependant, le cessez-le-feu ne peut effacer les crimes israéliens passés, présents et à venir, en particulier en s’inscrivant dans un plan Trump qui bafoue le droit international. Nous n’accepterons pas un retour au statu quo du 6 octobre 2023 basé sur la poursuite de décennies d’occupation, colonisation, dépossession, nettoyage ethnique et apartheid.
Alors que le massacre quotidien des Palestinien·nes de Gaza par l’armée d’occupation israélienne devrait enfin cesser, un constat s’impose : il semble impossible de mesurer l’ampleur de la destruction infligée à la vie palestinienne dans toutes ses dimensions. Plus de 10% de la population a été tuée ou blessée ; en 24 mois, la guerre génocidaire d’Israël à Gaza a causé le plus grand nombre d’enfants tués, de journalistes tué·es et de travailleur·euses humanitaires de l’ONU tué·es que dans tous les conflits de l’histoire moderne. Familles décimées, affamées et usées par les déplacements forcés et répétés, milliers d’orphelins et d’amputé·es, enfances brisées… les séquelles physiques et psychiques sont immenses. La portion des infrastructures civiles détruites ou endommagées est aussi vertigineux : 78% de l’ensemble des bâtiments, 91% des écoles, 86% des terres agricoles, 94% des hôpitaux. Bien que les bombardements se soient enfin arrêtés, la lutte pour la survie continue dans ces conditions apocalyptiques.
La principale limite de l’accord de cessez-le-feu réside dans le fait qu’Israël conserve tous ses instruments génocidaires. En effet, le blocus illégal de la bande de Gaza (une punition collective selon l’ONU) est toujours en place, permettant à Israël de poursuivre sa politique de famine et privation de biens et systèmes essentiels à la survie en restreignant l’accès à l’aide humanitaire et aux matériaux de reconstruction. Les conditions incertaines du retrait des troupes israéliennes, qui conservent 58% de l’enclave, pérennisent la situation de surpeuplement et habitat indigne et continuent de poser un danger pour la survie des Palestinien·nes. L’accès des journalistes et observateur·ices internationaux·ales est toujours interdit, empêchant la documentation des violations de l’armée israélienne sur place et renforçant ainsi l’impunité. Sans une levée totale du blocus illégal, un accès humanitaire sans entrave, le retrait complet des troupes israéliennes, la réinstallation de l’UNRWA et un processus de reconstruction avec les Palestinien·nes au cœur du processus de décision, la nouvelle réalité qui s’ouvre avec ce cessez le feu laisse à Israël la possibilité de poursuivre sa politique génocidaire à bas bruit. Par ailleurs, si 2 000 Palestinien·nes ont été libéré·es des prisons israéliennes — la majorité sans avoir jamais été inculpé·es — plusieurs milliers restent incarcéré·es, sans perspective de sortie, exposé·es à la torture et aux mauvais traitements systématiques du système carcéral israélien. 78 Palestinien·nes ont été tué·es dans les prisons israéliennes depuis octobre 2023.
Sur le plus long terme, le plan en 20 points porté par l’administration Trump – un acteur clé dans la perpétration du génocide – n’est pas un règlement de paix mais le prolongement d’une politique coloniale. Le soi-disant « Conseil de paix » formé de dignitaires étrangers rappelle le mandat colonial britannique imposé en Palestine entre 1922 et 1948, dans lequel le peuple palestinien vivait sous tutelle, dépossédé de son droit à l’autodétermination, au profit de décisions favorables au mouvement sioniste imposées par des puissances occidentales. La Cisjordanie occupée, où l’annexion progressive par Israël s’intensifie, est délibérément omise, consacrant ainsi la fragmentation du Territoire Palestinien Occupé.
Tout véritable règlement de la situation en Palestine doit être bâti sur le droit international, en particulier le droit à l’autodétermination du peuple palestinien. L’avis consultatif de la Cour Internationale de Justice du 19 juillet 2024 a statué sur la marche à suivre pour réaliser ce droit : le retrait de l’armée israélienne de Gaza et la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, le démantèlement des colonies israéliennes et la fin du système d’apartheid mis en place par Israël. La Cour a aussi déterminé la responsabilité d’Israël de réparation pour les dommages incommensurables causés à Gaza comme en Cisjordanie. Il est plus que jamais urgent pour les États d’adopter les mesures prévues par la résolution de l’Assemblée Générale des Nations Unies du 18 septembre 2024 (AGNU) ES-10/24 afin de faire respecter le droit international en Palestine.
Le premier génocide retransmis en direct dans l’histoire ne peut rester impuni. Les coupables israélien·nes doivent être tenu·es pour responsables devant les juridictions nationales et internationales. Faute de quoi, cela établirait un précédent mondial dangereux et bloquerait toute résolution durable en Palestine : la « paix » ne peut exister sans justice. Des décennies de violations, crimes de guerre et crimes contre l’humanité – occupation illégale, colonisation, apartheid – jusqu’au génocide des Palestinien·nes ont une racine commune : l’impunité donnée à Israël. Ces crimes continueront tant que les États tiers n’agiront pas concrètement pour contraindre Israël à y mettre un terme pour et faire respecter le droit international en Palestine.
Les obligations des dirigeant·es français·es et européen·nes vis-à-vis du droit international demeurent intactes : l’avis consultatif de la CIJ doit être appliqué via la mise en place des mesures prévues par la résolution de l’AGNU du 18 septembre 2024 – en particulier un embargo sur les armes et l’interdiction du commerce avec les colonies -, l’Accord d’Association UE-Israël doit être suspendu pour non-respect par Israël de son article 2 sur les droits humains, et de véritables sanctions doivent être imposées à l’Etat israélien.