5 Novembre 2025. Paris.
Plus de deux ans après le début du génocide à Gaza1 dont la qualification juridique a récemment été confirmée par une Commission internationale indépendante d’enquête de l’ONU2 Al-Haq, Avocats pour la Justice au Proche Orient (AJPO), l’Union juive française pour la paix (UJFP), Survie, Nidal et Stop Fuelling War, soutenues par la coalition Guerre à la Guerre et dans la stratégie juridique par Droit et Mouvements Sociaux (DMS), adressent une mise en demeure au 1er ministre et aux organisateurs du salon Milipol.
Alors que le procès contre Lafarge mise en examen pour complicité de crimes contre l’humanité en Syrie s’ouvrait hier sur le volet de financement de terrorisme, l’État et les organisateurs du salon Milipol prennent le risque d’être poursuivis en justice en soutenant indirectement le génocide et autres crimes internationaux commis par Israël.
Les associations estiment que la participation à 24e édition du salon Milipol Paris, « salon de la sécurité intérieure des États », du 18 au 21 novembre prochain au parc des expositions de Villepinte, d’entreprises et délégations qui livrent directement ou indirectement des armes à Israël, favorise la perpétration de violations graves et répétées du droit international telles que des atteintes d’une ampleur considérable à la vie et à l’intégrité physique ou psychique de civils, de destructions de biens à caractère civil, situés sur le territoire palestinien occupé, et au Liban.
Bien que le salon accueille des personnes morales et physiques potentiellement impliquées dans la commission de crimes internationaux (crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocides) sur d’autres territoires, tels que l’Ukraine ou le Soudan, nos associations concentrent leurs efforts et attention sur ceux actuellement commis par Israël en Palestine et au Liban.
La continuité des frappes israéliennes à Gaza, malgré un accord de cessez-le-feu conclu le 9 octobre 2025 entre Israël et le Hamas, qui n’a pas suffi à protéger les Palestinien.ne.s témoigne de l’urgence de la situation à Gaza. Ce cessez-le-feu ne saurait être invoqué pour contester que le génocide à Gaza, qui se poursuit avec un bilan humain de 68 643 morts et 170 655 blessés au 29 octobre 20253.
Nous rappelons que la France s’est positionnée à plusieurs reprises sur la nécessité d’une halte des livraisons d’armes à Israël, que ce soit en votant en faveur de la résolution A/ES-10/L.31/Rev.1 adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 18 septembre 2024, ou encore par une déclaration conjointe adoptée avec le Royaume-Uni et le Canada le 19 mai dernier. Ces prises de position reflètent les engagements internationaux de la France ainsi que les dispositions d’ordre public du code pénal français sur les crimes internationaux et sur la complicité et le recel de ces mêmes crimes, telles qu’interprétées par la Cour de cassation dans la jurisprudence Lafarge, que tous les acteurs, publics et privés sont tenus de respecter.
Pourtant, nombre d’entreprises annoncées au salon Milipol entretiennent encore des relations commerciales directes ou indirectes avec Israël, et les délégations israéliennes et intermédiaires sont autorisées à être visiteurs au salon et y faire leur marché d’armes. Or, promouvoir depuis des mois sur le site internet de Milipol des entreprises israéliennes et d’autres nationalités qui continuent de livrer des armes à Israël, et à fortiori leur visite ou l’exposition de leurs armes au salon Milipol renforce leur pouvoir économique et accroit leur visibilité.
Les mises en demeure rappellent donc aux organisateurs du salon et à l’exécutif que maintenir la participation de ces entités conduirait à soutenir indirectement les auteurs ou complices du genocide et des autres crimes internationaux commis par Israël dans le Territoire Palestinien Occupé. Les contrats de promotion, d’accueil ou d’exposition de telles entités seraient illicites en ce qu’ils violeraient des dispositions légales d’ordre public.
Avec 39 exposants, Israël fait partie du top 10 des États les plus représentés au salon Milipol, permettant à Israël de promouvoir et d’exporter non seulement des équipements et technologies militaires mais également une idéologie destructrice et coloniale.
Au Bourget, le gouvernement avait la veille de l’ouverture ordonné de recouvrir les stands d’entreprises israéliennes dont les armes participaient aux offensives à Gaza, n’empêchant nullement les entreprises et délégations israéliennes de passer des contrats au salon. Or, les associations rappellent dans leur mise ne demeure que “l’argument selon lequel ces entreprises ne présenteraient au salon que des armes n’ayant pas été utilisées lors des offensives à Gaza est totalement irrecevable. D’une part, il est illusoire — à moins d’en apporter la preuve et de détailler les mesures prises en ce sens — de prétendre pouvoir distinguer, parmi des armes fongibles ou interchangeables, celles destinées à la défense de celles employées dans des offensives.
La campagne génocidaire d’Israël est une seule et même stratégie globale, incluant sa stratégie de défense. De la même manière, une entreprise qui vend du matériel militaire à Israël ne peut garantir que celui-ci sera utilisé exclusivement sur certains territoires (par exemple en Cisjordanie et non à Gaza)”.
En autorisant la venue de ces entreprises et délégations sur le sol français, la France bafoue les engagements et dispositions d’ordre public rappelés ci-dessus. Elle renforce la campagne génocidaire d’Israël, s’en rend à nouveau complice, et légitime par la même le sentiment d’impunité de l’appareil politique et militaire israélien.
Cette nouvelle action judiciaire s’inscrit dans un mouvement de mobilisation plus large, qui s’intensifie en France et dans le monde, pour dénoncer la course à la militarisation, encouragée par les États comme la France et Israël, pour permettre d’enrichir leurs industries d’armement. Le petit pays qu’est la France est devenue le 2e exportateur d’armes au monde, et le chiffre d’affaires d’armement d’Israël a doublé en 5 ans sur le dos des Palestinien.ne.s. Les armes israéliennes sont parfois vendues en étant étiquetées “testées au combat”, en violation flagrante de la dignité des victimes. Les services publics sont par ailleurs de plus en plus dégradés partout au profit du budget militaire.
La coalition Guerre à la guerre fait partie de ce mouvement et soutient ces nouvelles mises en demeure. Elle écrivait hier dans un communiqué que “Milipol illustre aussi les liaisons incestueuses entre la sécurité d’État et l’industrie de l’armement. Civipol est une société anonyme dont le capital est contrôlée à 40 % par le ministère de l’Intérieur et à 60 % par des multinationales de la « sécurité » (Thales, Airbus Defence&Space et Idemia), tandis que la marque Milipol est détenue par un groupement d’intérêt (GIE) dont font partie l’inévitable Thales et deux autres acteurs privés, Visiom et Protecop.
Selon elle, les armes utilisées par l’Occident, pour coloniser ou exterminer des peuples comme le peuple palestinien, sont issues du même système qui réprime en interne des militant-es, des défenseur-es des droits humains et des personnes migrantes qui luttent pour leurs droits. L’action en justice est un pas supplémentaire vers un droit de regard du justiciable sur le commerce de l’armement, et la fin de ce système.
Contacts presse :
DMS: droitetmouvementssociaux@proton.me
Al-Haq : joel.alhaq@gmail.com
Survie et la coalition Guerre à la Guerre : camille.lesaffre@survie.org
AJPO: d.cochain@ajpo-france.org
- https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/040325/pas-d-espoir-de-paix-durable-sans-justice-des-juristes-du-monde-entier-se-mobilisent-p[↩]
- https://www.un.org/unispal/document/commission-of-inquiry-report-genocide-in-gaza-a-hrc-60-crp-3/[↩]
- https://www.ochaopt.org/content/reported-impact-snapshot-gaza-strip-29-october-2025[↩]
Note-s






