Ali Abunimah – Les générateurs d’urgence sont à court de carburant dans au moins 19 établissements de santé dans la bande de Gaza, alors que le siège meurtrier d’Israël sur le territoire se durcit.
Le ministère de la Santé à Gaza a annoncé mardi que les générateurs avaient cessé de fonctionner dans 16 cliniques de soins primaires et trois grands hôpitaux, mais que le personnel médical avait reçu l’ordre de rester à son poste et de faire ce qu’ils pouvaient pour aider les patients.
Mardi, l’agence de coordination humanitaire de l’ONU OCHA a averti que « le combustible d’urgence pour les installations critiques à Gaza sera épuisé dans les 10 prochains jours », à moins que les donateurs n’interviennent pour prévenir une « catastrophe humanitaire ».
Mais pour les patients et le personnel médical exposés en première ligne, la catastrophe est déjà en cours, et ce n’est que le dernier chapitre de l’effondrement imposé du système de santé de Gaza.
À l’hôpital pour enfants al-Nasr, le directeur des soins intensifs, le Dr Raed Mahdi, a déclaré que la vie de dizaines d’enfants de son unité était menacée.
Confirmant le ministère de la Santé, Mahdi a déclaré que le surpeuplement et la pression sur le personnel médical et les fournitures avaient atteint un point de crise dans son hôpital, alors que les enfants étaient transférés d’autres installations qui avaient perdu tout approvisionnement électrique.
À l’hôpital Muhammad al-Durra, dans l’est de Gaza – du nom d’un enfant palestinien assassiné par les forces israéliennes en 2000 au début de la deuxième Intifada – des médecins ont déclaré lors d’une conférence de presse lundi que des départements entiers avaient déjà fermé leurs portes et que des patients avaient dû être renvoyés.
S’exprimant lors de la conférence de presse, Jamal al-Durra, le père de Muhammad, a appelé à une intervention internationale urgente, disant que permettre à la crise de continuer équivaudrait à « tuer mon fils une seconde fois ».
« La crise du carburant menace les services de dialyse pour 400 patients souffrant d’insuffisance rénale dans la bande de Gaza », a déclaré lundi le groupe palestinien des droits de l’homme Al-Haq.
En raison de la crise énergétique chronique, la dialyse à Gaza est déjà un traitement risqué.
Al-Haq a ajouté que les hôpitaux de Gaza sont actuellement incapables d’effectuer leurs 200 opérations par jour « en raison de la dégradation et de la perte de centaines de réserves de sang en raison du manque de refroidissement nécessaire – une conséquence de la pénurie d’électricité délibérément imposée à Gaza. »
Les hôpitaux ferment leurs portes
En raison des restrictions actuelles imposées par Israël à l’approvisionnement en électricité de Gaza, la population de deux millions de personnes, dont la moitié sont des enfants, ne reçoit actuellement pas plus de huit heures d’électricité par jour. Parfois, cette fourniture chute à seulement trois ou quatre heures…
« Les hôpitaux ont déjà commencé à fermer. Sans financement, davantage de fournisseurs de services seront forcés de suspendre leurs opérations dans les semaines à venir, et la situation se détériorera dramatiquement, avec des impacts sur l’ensemble de la population », a déclaré le coordinateur humanitaire par intérim pour les Nations Unies, Roberto Valent. « Nous ne pouvons pas permettre que cela se produise. »
« Le système de santé de Gaza est sur le point de s’effondrer car les hôpitaux du territoire assiégé vont connaître une panne générale d’électricité d’ici fin février », a averti Ashraf al-Qidra, porte-parole du ministère de la Santé.
Le 23 janvier, le ministère de la Santé de l’Autorité palestinienne à Ramallah a alloué près de 300 000 dollars pour acheter du carburant en urgence, mais cette fourniture ne sera suffisante que pendant 10 jours et « ne résoudra pas la crise structurelle de l’électricité imposée par Israël ».
Retards mortels
Alors que le système de santé de Gaza s’effondre, Israël rend également plus difficile aux Palestiniens l’accès à des traitements en dehors du territoire assiégé, et qui sauveraient des vies.
Le nombre de Palestiniens autorisés à entrer et sortir de Gaza à travers le passage d’Erez, contrôlé par Israël, et le passage de Rafah avec l’Égypte – qui a été fermé pendant des années sauf de rares exceptions – a fortement diminué l’année dernière.
La sortie des Palestiniens de Gaza à travers Erez a chuté de 50% en 2017, par rapport à 2016, selon OCHA.
En moyenne, il n’y avait que 7 000 sorties par mois en 2017, comparativement à plus de 500 000 par mois avant l’an 2000.
Le taux d’approbation d’Israël pour les sorties médicales via Erez est tombé à 54%, contre 62% en 2016 – le taux le plus bas depuis 2006, selon OCHA.
« Le déclin se produit parallèlement à une augmentation progressive du nombre total de demandes de permis et de demandes de instruites pour des hôpitaux de Cisjordanie, à la suite de contraintes plus strictes via le passage de Rafah », a noté l’agence des Nations Unies.
En novembre, les autorités du Hamas ont cédé le contrôle du côté palestinien du passage d’Erez à l’Autorité palestinienne, soutenue par la communauté internationale, à la suite d’un accord de réconciliation signé le mois précédent.
« A ce jour, » cependant, « ce développement n’a eu aucun impact apparent sur le passage des Palestiniens de Gaza à travers les accès contrôlés par Israël et l’Égypte », a dit OCHA.
Dans la plupart des cas, les demandes infructueuses étaient dues à de longs délais ou à un manque de réponse, plutôt qu’à des refus catégoriques.
« Dans des situations telles que le traitement du cancer, les retards peuvent avoir des implications potentiellement mortelles pour la santé des patients », a rappelé OCHA.
Parfois, des retards ont été causés par l’Autorité palestinienne à Ramallah : au cours de l’été, son chef Mahmoud Abbas a imposé des sanctions à Gaza, notamment en retardant l’approbation des transferts médicaux vers les hôpitaux de Cisjordanie, dans le cadre de ses tentatives pour mettre le Hamas à genoux, tout en exacerbant la souffrance des civils.
Certains de ces retards se sont révélés mortels.
Al-Haq a appelé cette semaine l’Autorité palestinienne à « lever tous les obstacles à l’accès aux soins de santé pour les enfants venant de Gaza et à faire en sorte que les cas urgents soient immédiatement prioritaires, dans tous les cas relevant de sa compétence ».
Déni israélien
Mais il n’y a aucun doute sur où doit être placée la responsabilité générale.
En tant qu’occupant belligérant, « Israël a l’obligation permanente d’assurer le maintien de la vie civile dans la bande de Gaza, ce qui comprend la fourniture de services de base et d’infrastructures à la population civile », selon Al-Haq.
Le groupe affirme que « ce refus de permis de voyage entraînant des retards dans l’accès aux traitements, viole non seulement les droits à la santé et le droit à la vie, mais peut aussi constituer un traitement inhumain et dégradant » qui viole le droit international.
Pourtant, lundi, le ministre israélien de la Défense, Avigdor Lieberman, a osé prétendre qu’il n’y avait « pas de crise humanitaire » à Gaza.
Cela contredit même l’évaluation du chef de l’armée israélienne, Gadi Eisenkot, qui a déclaré au gouvernement israélien un jour plus tôt, selon Haaretz, que « la bande de Gaza est sur le point de s’effondrer en raison de l’aggravation de la crise humanitaire ».
« Dissimulateur et simpliste »
La semaine dernière, des diplomates israéliens ont présenté un plan de « réhabilitation humanitaire » pour Gaza lors d’une réunion des donateurs à Bruxelles.
« Israël s’attend à ce que la communauté internationale couvre les coûts de la mise en œuvre du plan, estimé à 1 milliard de dollars », a observé le groupe israélien des droits de l’homme Gisha.
Le groupe a rejeté le plan d’Israël comme étant « dissimulateur et simpliste », notant que le blocus écrasant d’Israël sur Gaza est ce qui a causé « les conditions humanitaires désastreuses ».
« L’état alarmant de l’infrastructure de Gaza, ses chances de développement économique et les conditions de vie de ses deux millions d’habitants dépendent en grande partie d’Israël », a ajouté Gisha.
Mais Lieberman, le ministre de la Défense, a clairement indiqué qu’Israël poursuivra sa politique de refus des services humanitaires de base aux civils de Gaza en tant que forme de chantage politique – un crime de guerre.
Parmi d’autres objectifs politiques, Israël tient en otage deux millions de personnes dans le but d’obtenir des informations sur plusieurs Israéliens détenus à Gaza, y compris les corps de deux de ses soldats tués lors de son invasion en 2014.
« Tant qu’il n’y a pas de progrès concernant les captifs [israéliens] et les personnes disparues, nous ne pouvons pas aller de l’avant avec toutes sortes d’initiatives pour [aider] la bande », a déclaré Lieberman. « En ce qui concerne sa réhabilitation, elle ne peut être qu’à une seule condition : la démilitarisation [de Gaza] ».
Gisha a également documenté comment Israël a durci son blocus de Gaza en 2017, avec une foule de nouvelles restrictions « introduites avec peu ou pas de justification quant à leur objectif et, apparemment, aucune considération de l’impact qu’elles auraient sur la vie des habitants de Gaza. »
* Ali Abunimah est un journaliste palestino-américain, auteur de The Battle for Justice in Palestine. Il a contribué à The Goldstone Report : The Legacy of the Landmark Investigation of the Gaza Conflict. Il est le cofondateur de la publication en ligne The Electronic Intifada et consultant politique auprès de Al-Shabaka.
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6 février 2018 – The Electronic Intifada – Traduction : Chronique de Palestine