Al-Araqib détruit (et reconstruit) pour la 200e fois

Message d’Azez mercredi dernier: « Ce matin, les Forces de démolition et de destruction d’Israël ont pris d’assaut le village d’al-Araqib et l’ont détruit pour la 200e fois ».

Al-Araqib, Israël, le 13 avril 2022…

…et dans les années 2000

Triste anniversaire pour les habitants d’al-Araqib: la 200e destruction de ce que fut leur village. Cette jolie agglomération entourée de champs et où vivaient 300 personnes est désormais un espace nu où ne subsistent que quelques constructions et le cimetière…

Au tournant de l’année 2000 l’Etat d’Israël a pris la décision de récupérer toutes les terres où elle avait rassemblé les quelques tribus bédouines qui avaient résisté à la Nakba, un espace clos situé au Nord du Néguev. Le plan, baptisé « Blueprint Negev » consistait à chasser les Bédouins pour « faire de la place » afin de créer des centres commerciaux, un amphithéâtre en plein air, une promenade avec bars et restaurants, des pistes cyclables ou de trekking, déplacer des administrations, d’y faire passer l’autoroute Yitzhak Rabin.. pour attirer et accueillir 500 000 colons (de préférence anglo-saxons)…


Des maisons bédouines ont été détruites, leurs champs empoisonnés, les oliviers et les arbres fruitiers abattus, certains villages même « effacés » des cartes (où Israël ne les y avait même pas représentés !). Le 27 juillet 2011 l’Etat décidait de s’attaquer au village le plus ancien, al-Araqib: fondé à la fin du XIXe siècle, il existait déjà 50 ans avant la création de l’Etat d’Israël, 50 ans avant que d’autres tribus bédouines ne soient forcées à s’installer à proximité..

27 juillet au matin, arrivée de l’impressionnante colonne venue pour raser al-Araqib et en chasser les habitants.

Le soir même le village était reconstruit grâce à la solidarité d’autres Bédouins et de militants juifs.

Et depuis, ce sont toutes les 3 semaines en moyenne que la police détruit ce qui reste du village et que les habitants d’al-Araqib reconstruisent et occupent leurs terres.

Devant la résistance de Bédouins (dans tout le Néguev) Israël a créé une police spéciale: Yoav, nommée en souvenir de l’Opération yoav (באוי עצבמ) dans le Néguev en 1948. Cette unité de police, hautement militarisée, est aussi connue pour son comportement raciste -une loi pour les citoyens juif et une pour les citoyens bédouins. Adalah en a d’ailleurs demandé la suppression pour cette raison.

A y regarder de plus la date de cette 200e destruction n’était pas due tout à fait au hasard: le lendemain commençaient les festivités liées à la fête de Pessah par la petite fête familiale du hametz (la recherche du pain levé)… Il fallait donc que ces braves policiers démolissent ce village avant les jours fériés auxquels Pessah leur donnent droit… Intéressant entrechoquement de dates: « Fête de la libération du peuple juif » et 200e destruction d’un village…

Mais à al-Araqib on ne s’embarrasse pas de ce genre de considération ou de discussions oiseuses. A peine la police partie, ses habitants se sont mis au travail et, récupérant les matériaux abandonnés, ont rapidement reconstruit un abri…

Ne manquant pas d’humour, Azez a même fait 2 petites vidéos sur sa page Facebook qui pourraient être utilisée comme des « tutos » pour reconstruire ce que la police a détruit…


Ci-dessus, reconstruction de la salle commune

Ne manquant pas d’humour, Azez a même fait 2 petites vidéos sur sa page Facebook qui pourraient être utilisée comme des « tutos » pour reconstruire ce que la police a détruit…

Et le samedi suivant, Bédouins d’al-Araqib et militants israéliens se retrouvaient comme chaque semaine pour manifester à Lehavim junction, le grand carrefour situé près du village sur la route 6 qui mène à Beer Sheva.

Note: le plan « Blueprint Néguev » a été un échec, seuls quelques communautés juives religieuses se sont installées dans le Néguev

Michel Ouaknine