Union juive française pour la paix

Témoignage d’Abu Amir, le 9 octobre 2025 – De la douleur à l’espoir : une séance de thérapie psychologique pour les femmes déplacées dans le camp Al-Irada – à l’ouest de Deir al-Balah

Abu Amir 9 10 25 atelier psy IMG 1993 Témoignage d'Abu Amir, le 9 octobre 2025 - De la douleur à l’espoir : une séance de thérapie psychologique pour les femmes déplacées dans le camp Al-Irada – à l’ouest de Deir al-Balah

Dans le camp Al-Irada, à l’ouest de Deir al-Balah, trente femmes déplacées se sont réunies dans une tente dont les murs semblaient simples, mais qui portait en son intérieur un poids émotionnel dépassant la capacité de l’espace. C’étaient des femmes alourdies par des années de déplacement, l’amertume de la guerre, la privation et la perte de contrôle, traînant derrière elles la mémoire des conflits et des pertes successives. Pourtant, ce matin-là, elles s’assirent en cercle autour d’une équipe spécialisée de l’UJFP venue leur offrir bien plus qu’un simple soutien psychologique traditionnel : leur offrir une occasion de redécouvrir l’espoir.

La rencontre débuta par une musique douce qui s’éleva dans l’espace, brisant le mur de tension et offrant aux cœurs fatigués une chance de reprendre leur souffle, tandis que la voix de la psychologue s’écoulait calmement vers elles : « Aujourd’hui, nous ne parlerons pas de l’espoir comme d’un rêve différé ou d’une attente passive, mais comme d’une force active pouvant se transformer en plan concret qui commence par de petites étapes et grandit avec nous jour après jour. » Dès les premiers instants, les participantes comprirent qu’elles allaient vivre une expérience différente : une expérience qui ferait de l’espoir une notion tangible et pratique, et non plus un mot entendu dans des discours auxquels elles s’étaient habituées.

Le premier exercice les plaça face à leur propre force intérieure. Chacune reçut une petite carte portant l’inscription « Je peux », et il leur fut demandé de se souvenir d’un moment de leur vie où elles avaient surmonté un obstacle paraissant insurmontable. Le silence fut lourd au début, mais il se brisa rapidement lorsqu’une femme prit la parole. Elle raconta comment elle avait sauvé son nourrisson d’une mort certaine lors d’une nuit de fuite agitée, et comment, malgré sa faiblesse physique, elle avait ressenti une force extraordinaire qui l’avait poussée à continuer. Alors, les autres ne purent retenir leurs larmes : certaines pleurèrent avec intensité, d’autres esquissèrent un sourire timide, comme si ce récit leur avait rendu un sentiment oublié de résilience. L’exercice eut un effet profond : il leur donna un sentiment d’efficacité personnelle et restaura leur confiance en leur capacité de survivre malgré les pertes.

Ensuite vint le deuxième exercice. L’équipe expliqua que l’espoir ne signifie pas attendre la fin de la guerre, mais la capacité de tracer un chemin par des étapes claires, même petites. Elles furent invitées à choisir un grand objectif qui occupait leur esprit, comme reconstruire une maison, reprendre les études ou lancer un petit projet, puis à le diviser en tâches simples, réalisables dans le camp. Une jeune mère déclara qu’elle avait toujours rêvé de retourner à l’université, mais qu’elle découvrait que sa petite étape pour aujourd’hui pouvait être de lire une histoire à ses enfants avant de dormir, car cela la rapprochait de son rêve par un chemin rempli d’amour et d’apprentissage. Ce moment fut magique : l’atmosphère s’imprégna d’un sentiment que les grands objectifs n’étaient plus impossibles mais accessibles grâce aux petits détails. L’impuissance acquise commença à s’estomper, remplacée par un sentiment de contrôle et d’efficacité.

Le troisième exercice fut l’« Ancre de l’espoir ». Les participantes s’assirent, fermèrent les yeux, tandis que le spécialiste leur demanda d’évoquer un souvenir positif gravé dans leur mémoire : un instant de sérénité, si simple soit-il : le sourire d’un enfant, l’odeur du pain chaud, ou une caresse tendre d’une mère disparue. L’exercice fut accompagné d’une musique rêveuse et de la voix apaisante qui guidait leur respiration vers la détente. La scène était émouvante : après quelques minutes de silence, les visages des femmes semblaient plus calmes, et certaines souriaient spontanément, comme si elles touchaient réellement ces instants qui les avaient autrefois sauvées de l’obscurité. L’une d’elles dit après l’exercice, d’une voix tremblante : « Pour la première fois depuis longtemps, j’ai senti que je détenais une clé pour échapper à mes pensées noires quand je le veux. » Elles comprirent que cet exercice n’était pas un simple imaginaire, mais une technique psychologique scientifiquement prouvée, appelée « ancrage positif », qui permet à l’esprit de contrôler ses tempêtes intérieures.

La séance se conclut par l’activité du « Mur de l’espoir collectif ». Sur des papiers colorés, chacune écrivit de courtes phrases exprimant de petits objectifs ou des réalisations simples qu’elles avaient accomplies, et les accrochèrent toutes ensemble sur un mur blanc. Petit à petit, le mur se transforma en une fresque vibrante de vie, ses couleurs et ses mots semblant crier : « Nous existons, nous sommes capables. » Des phrases comme « J’apprendrai une nouvelle compétence », « Je prendrai soin de moi malgré tout », « J’aiderai mes enfants à rêver » semblaient s’imprimer dans les cœurs avant d’être fixées au mur. Une jeune femme contempla la fresque et dit : « Ce ne sont pas des papiers, c’est notre vie que nous redessinons de nos propres mains. » À ce moment-là, les voix des femmes se rejoignirent pour former un réseau de soutien mutuel, car elles découvrirent que l’espoir grandit quand il est partagé, et que la force se multiplie lorsqu’elle repose sur la solidarité.

Ces activités n’étaient pas de simples exercices psychologiques, mais une traduction pratique de théories scientifiques en psychologie positive. La séance montra que diviser les objectifs stimule la motivation, que se rappeler consciemment de beaux souvenirs réduit l’anxiété, et que le soutien collectif renforce l’immunité psychologique. L’atelier fut un voyage complet : il commença par l’exploration intérieure de la force personnelle, se poursuivit par la planification de la vie quotidienne, fut renforcé par l’ancrage d’instants positifs, et s’acheva par un mur collectif enracinant l’esprit de solidarité.

Les voix des femmes après la séance portaient une profondeur particulière. Une femme ayant perdu son mari déclara : « Je pensais que l’espoir signifiait la fin de la guerre, mais aujourd’hui, j’ai compris que l’espoir, c’est d’aider mes enfants à dormir paisiblement cette nuit, et cela, je peux le réaliser dès maintenant. » Une jeune femme dit : « J’étais noyée dans l’attente, mais aujourd’hui je sens que je tiens une boussole qui me guide. » Une troisième confirma que l’idée de diviser les objectifs lui donnait l’impression d’être sortie d’un labyrinthe pour emprunter un chemin clair. Ces témoignages n’étaient pas de simples paroles, mais des preuves que la séance avait provoqué un véritable changement intérieur.

L’importance de cet atelier ne se mesure pas seulement aux heures qu’il a offertes, mais à ce qu’il a semé dans l’âme des participantes : une capacité à affronter demain avec de nouveaux outils. Il redéfinit pour elles l’espoir, de rêve vague à plan d’action concret, et leur fournit des stratégies pratiques pour surmonter l’impuissance imposée par le déplacement et les conditions difficiles. Il créa un espace sûr pour exprimer et partager la douleur, transformant les récits de souffrance en force collective bâtissant solidarité et résilience. L’atelier illustra que la guérison psychologique ne se réalise pas en un instant, mais commence par de petits pas fondés sur la conscience et la détermination.

À un niveau plus profond, il prouva que l’être humain peut transformer sa souffrance en énergie motrice, et que même dans les pires circonstances, l’espoir peut naître de la douleur, à condition qu’il existe un environnement professionnel et bienveillant. Finalement, les femmes quittèrent la salle en emportant avec elles des papiers colorés, mais ce n’étaient pas de simples papiers : c’étaient les clés d’un nouveau voyage vers l’avenir, un voyage prouvant que l’espoir n’est pas une illusion, mais une stratégie de survie et d’émancipation.

(Voir aussi les chroniques et articles postés par Brigitte Challande du Collectif Gaza Urgence déplacé.e.s quotidiennes sur le site d’ISM France et du Poing, article hebdomadaire sur le site d’Altermidi, et sur l’Instagram du comité Palestine des étudiants de Montpellier..)

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