Au cœur des camps érigés par les crises, sous un ciel chargé de peur et de nostalgie, la femme déplacée continue de résister en silence, à la recherche d’une fenêtre de lumière dans un mur de douleur. Dans ce contexte, les équipes de l’UJPF poursuivent leur noble mission humanitaire, non seulement en fournissant les besoins essentiels, mais aussi en accompagnant les âmes fatiguées vers la guérison, et en redonnant aux cœurs la capacité de battre à nouveau.
Cette semaine, la rencontre fut différente… Une rencontre portant un titre aussi vibrant que la terre et la patience de ses femmes :
« Semences d’espoir sur une terre de résilience : soin de soi et de la communauté pour un avenir meilleur ».
Cette session est venue redonner une voix aux femmes et leur dire : « Vous n’êtes pas seules ».
Au milieu des tentes et de la douleur, quinze femmes déplacées du camp de l’Amitié, à l’ouest de Deir al-Balah, se sont réunies dans un petit espace, riche de vie. Elles ont partagé leur douleur et leur espoir, apprenant ensemble que prendre soin de soi n’est pas un luxe, mais un acte de survie.
À un moment où la vie semblait suspendue, les femmes ont commencé à semer de petites graines… Des gestes simples, porteurs d’une promesse d’avenir, même depuis sous les décombres.
La session a commencé par une introduction chaleureuse, où l’équipe a tenté de créer un espace sûr pour les participantes, en reconnaissant les pressions énormes auxquelles les femmes font face, et en soulignant l’importance de prendre soin de soi, surtout pour celles qui prennent soin des autres – car on ne peut donner ce que l’on n’a pas.
L’une des participantes, mère de cinq enfants, a exprimé sa gratitude ainsi :
« Je ne m’attendais pas à ce que quelqu’un me demande comment je me sens. On me demande toujours : as-tu nourri tes enfants ? As-tu de l’eau ? Mais qu’on me pose une question sur moi…c’est la première fois. »

Activité 1 : « Que me reste-t-il ? » – Découvrir ses ressources intérieures au milieu des tempêtes
Au début de la session, un silence a régné lorsqu’on a posé aux femmes une question simple dans ses mots mais profonde dans son sens :
« Malgré tout ce que vous avez perdu, que vous reste-t-il ? »
La question a d’abord paru difficile ; les pertes étaient immenses, les soucis trop lourds pour percevoir ce qui reste de soi sous les décombres de la souffrance. Mais peu à peu, les voix ont commencé à émerger, comme des gouttes de pluie après la sécheresse.
Oum Iyad, mère de quatre enfants, a dit d’une voix tremblante :
« Il me reste mon cœur… malgré tout, je peux encore aimer. J’aime mes enfants, j’aime ma mère qui est restée avec moi, j’aime la vie, même de loin. »
Et en posant la main sur sa poitrine, elle a ajouté :
« Cet amour, la guerre ne me l’a pas volé. »
Oum Lina, une femme au début de la quarantaine, a parlé avec un sourire chargé de tristesse :
« Il me reste la nostalgie de ma maison, de l’odeur du pain qui y cuisait. Personne ne peut me prendre ma mémoire, et mes souvenirs sont mon trésor aujourd’hui. »
Puis une dame âgée a levé la tête et déclaré avec une confiance surprenante :
« Il me reste la foi. Quand ma maison s’est effondrée et que je me suis retrouvée à dormir sur le sable, j’ai dit : Seigneur, ne me laisse pas m’écrouler avec elle. Depuis ce jour, je me dis chaque matin : tu es encore en vie… et tant que tu respires, il y a un nouveau départ. »
Cette activité a eu un impact profond. Les femmes ont compris qu’elles n’avaient pas tout perdu, comme elles le croyaient, mais qu’il leur restait en elles des graines de patience, des lueurs d’espoir, et des forces sur lesquelles elles pouvaient reconstruire.
Activité 2 : « Prendre soin de soi n’est pas de l’égoïsme » – Un voyage vers le soin de soi en temps de besoin
Dans cette activité, l’équipe a déconstruit la fausse croyance selon laquelle prendre soin de soi est une forme d’égoïsme ou de luxe inapproprié en temps de crise. Le facilitateur a expliqué simplement :
« Prendre soin de soi ne veut pas dire ignorer ses enfants, mais plutôt s’aider soi-même pour pouvoir les servir. Prendre une pause pour respirer, afin de pouvoir donner à nouveau. »
Les participantes ont ensuite été invitées à répondre à cette question :
« Quel est le dernier moment de répit que vous avez vécu ? Et sinon, quel est celui que vous aimeriez revivre ? »
Oum Akram, la gorge nouée, a éclaté en sanglots :
« Depuis que nous avons fui, je n’ai pas eu une seule minute à moi. Je cuisine, je lave, je cours derrière les enfants, je cherche de l’eau. Je me suis oubliée… j’ai même oublié comment prononcer mon nom calmement. »
Puis, rassemblant ses forces, elle a dit :
« Mais dans cette session, quand vous avez parlé d’un ‘moment à moi’, je me suis souvenue que j’aimais dessiner. Je dessinais des fleurs et des maisons. Aujourd’hui, je n’ai ni papier ni crayons.
Mais maintenant, je dessine sur le sable… je dessine des cœurs de palmiers. »
Cette activité a semé une idée nouvelle dans leurs cœurs : elles méritent de prendre soin d’elles- mêmes, même avec un geste simple ou une habitude discrète qui leur rend le sentiment d’exister.
Activité 3 : « Mon réseau de soutien » – Découvrir les liens chaleureux au milieu des ruines
Chaque participante a reçu une feuille sur laquelle on lui a demandé d’écrire les noms de personnes qui, à travers un geste ou une parole, leur ont fait sentir qu’elles n’étaient pas seules.
Beaucoup semblaient d’abord vouloir rendre la feuille blanche. Mais, peu à peu, les souvenirs ont surgi.
Oum Khaled, qui a perdu sa maison, a dit avec étonnement et reconnaissance :
« Je pensais que personne ne se souciait de moi. Mais je me suis rappelée qu’un jour, ma voisine Oum Mahmoud, bien que pauvre, m’a apporté une assiette de lentilles en me disant : tu es comme ma mère. J’avais oublié ce moment, mais aujourd’hui il revient comme une chaleur dans le froid. »
Oum Nour, veuve élevant seule ses trois enfants, a parlé de sa voisine de tente :
« Chaque fois que ma petite pleure, elle vient la prendre dans ses bras. Elle ne demande rien, ne se plaint jamais. Elle donne de la tendresse sans un mot. C’est mon réseau que je ne voyais pas. »
Une autre femme a ajouté :
« Je pensais être seule au monde, jusqu’à ce que ma voisine et moi commencions à partager pain, thé, et eau. On rit de tout et on pleure de tout. J’ai compris que la solitude est une illusion, et que la communauté autour de moi n’a pas disparu. »
Cette activité leur a montré que le soutien ne vient pas forcément d’actions grandioses, mais des gestes les plus simples : un regard, un plat, une parole tendre.
Activité 4 : « Petits pas vers l’espoir » – Transformer la douleur en actes quotidiens
Les femmes ont été encouragées à penser à des petits pas quotidiens qu’elles peuvent faire pour retrouver un sentiment de contrôle, même minime. On leur a donné des papiers colorés pour y écrire une « étape d’espoir » à laquelle elles s’engageraient, pour elles-mêmes ou leur communauté.
Oum Jihad, jeune mère, a dit :
« Je me laverai le visage chaque matin, et je regarderai mes yeux dans le miroir. Je sourirai, même si c’est un faux sourire. Parce que je veux me voir comme une personne, pas seulement comme un outil de survie. »
Une autre femme a écrit :
« Je dirai à ma fille chaque soir qu’elle est belle, pour qu’elle ne perde pas le sentiment de sa valeur au milieu de toute cette destruction. »
Une femme âgée, avec détermination, a déclaré :
« Chaque jour, je marcherai près de la tente, je respirerai l’air, et je dirai bonjour à mes voisines. C’est un petit pas, mais il me garde en vie. »
Les papiers se sont accumulés, chacun représentant une graine semée dans la terre de la résilience. Les mots devenaient des pierres pour bâtir un futur différent.
Activité 5 : « Partage d’expériences » – La voix des femmes inspire les femmes
Lors de cette dernière session, un espace a été ouvert pour que les femmes partagent leurs histoires et leurs conseils. Le cercle s’est transformé en véritable groupe de soutien, où chacune parlait, écoutait, et recevait compassion et reconnaissance.
Oum Tasneem a dit :
« J’ai appris que je ne suis pas seule. Je pensais que toutes les femmes étaient plus fortes que moi, que j’étais la plus faible. Mais en écoutant vos histoires, j’ai compris que chacune d’entre nous mène son propre combat… et pourtant nous sourions. »
Rana a ajouté :
« À partir d’aujourd’hui, je serai le réseau de soutien de ma voisine. Je consacrerai une heure par jour à jouer avec les enfants ensemble, à organiser notre tente. La solitude tue, le partage sauve. »
Une autre femme a conclu avec émotion :
« Parfois, tout ce dont tu as besoin, c’est d’entendre : tu n’es pas seule. Et c’est ce que j’ai entendu aujourd’hui de vous toutes. »
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Cette session n’a pas été seulement un atelier de soutien psychologique. Elle a été un événement humain profond, illuminant des coins oubliés du cœur des femmes. Elles ont découvert que ce qui leur reste en elles n’est pas une ruine fragile, mais un noyau solide sur lequel reconstruire. Elles ont appris que prendre soin de soi est un acte de résistance, et que le soutien communautaire n’est pas juste de l’aide, mais une vie vécue ensemble.
À la fin de la session, les femmes sont reparties avec des pas plus fermes, des regards plus lumineux. Il y avait dans l’air quelque chose qui ressemblait à l’espoir… quelque chose qui disait :
« Tant que nous prenons soin de nous-mêmes et que nous nous portons mutuellement, l’avenir reste possible. »
Lien vers les photos et vidéos ICI
(Voir aussi les chroniques et articles postés par Brigitte Challande du Collectif Gaza Urgence déplacé.e.s quotidiennes sur le site d’ISM France et du Poing, article hebdomadaire sur le site d’Altermidi, et sur l’Instagram du comité Palestine des étudiants de Montpellier..)