Le 9 septembre 2025
« L’absence de pression internationale effective, la poursuite de l’approvisionnement d’Israël en armes, le maintien des accords de coopérations économiques, sécuritaires, scientifiques et culturelles réconfortent beaucoup d’Israéliens dans l’idée que la politique menée par leur gouvernement bénéficie d’un soutien international. De nombreux chefs d’État s’indignent et condamnent Israël, mais ces déclarations ne sont pas suivies d’effet. Nous en avons assez des mots creux. »
« Pour notre avenir et pour l’avenir de tous les habitants d’Israël / Palestine et des pays de la région, nous vous implorons : sauvez-nous de nous-même ! Exercez une vraie pression internationale sur Israël pour un cessez-le-feu immédiat et durable. »
C’est en ces mots que l’appel des « Citoyens israéliens pour une pression internationale réelle sur Israël », signé par plus de 4 000 citoyen-nes israélien-nes, implorait en novembre dernier la communauté internationale de sanctionner Israël.
L’une des particularité de cet appel aura été d’être signé au-delà des cercles habituels de l’extrême-gauche israélienne. Des professeurs émérites qui n’étaient pas forcément engagés pendant leur carrière, une ancienne ambassadrice, un ancien procureur général, des proches d’otages et même de personnes tuées le 7-Octobre ont signé.
Initiatrice de cet appel, Yaël Lerer affirme que deux tiers des signataires habitent actuellement en Israël, représentant-es d’une minorité trop silenciée. Elle ajoute que peu de citoyen-nes palestinien-nes d’Israël n’ont signé le texte, par peur de représailles.
Tout en appelant à poursuivre la lutte, Yael Lerer partage sa frustration : « lorsque nous avons publié notre lettre ouverte, nous voulions porter cette voix dissidente, mais nous n’avons eu que très peu de couverture médiatique. »
Le collectif « Franco-israélien·nes pour des sanctions internationales »
Outre cette lettre ouverte à la communauté internationale et leur participation assidue au mouvement de solidarité, Yaël Lerer et son collectif « Franco-israélien·nes pour des sanctions internationales » se rassemblent chaque dimanche à Paris, place Saint-Michel, pour exiger la fin du génocide à Gaza, l’application de sanctions contre Israël, la suspension de l’accord d’association UE-Israël et l’application d’un embargo militaire efficace.
« Une chose importante que nous a permis ce texte a été de nous mettre en réseau : un tiers des signataires habitent en dehors d’Israël, et participe activement aux différentes initiatives du mouvement de solidarité avec le peuple palestinien », explique Yaël Lerer, interrogée par l’Agence Média Palestine. « Mais nous voulions faire plus, et cela a été possible grâce à ce nouveau réseau d’action. »
Le 27 mai dernier, les collectifs de 12 villes européennes ont appelés à des rassemblements simultanés devant leurs ministères des affaires étrangères respectifs. « Nous nous sommes aperçus que ce type d’événement pouvait attirer de nouvelles personnes, c’est pourquoi nous avons décidé de nous réunir chaque semaine à Paris, pour renforcer notre contact avec la rue. »
Outre ce rendez-vous hebdomadaire, le collectif Franco-israélien·nes pour une pression internationale sur Israël participe aux manifestations nationales et à différentes initiatives locales, comme la lecture la semaine passée des noms des enfants palestinien-nes tué-es à Gaza depuis le début du génocide, une lecture solennelle et un moment de recueillement qui s’est étendue sur trois soirs d’affilée.
« La société israélienne ne va pas arrêter le génocide »
Le collectif franco-israélien s’adresse au gouvernement français, et à la communauté internationale plus qu’à la société israélienne elle-même. « Maintenant, toutes les manifestations en Israël exigent la fin de la guerre. Les Israéliens comprennent que c’est Israël lui-même qui bombarde les otages, que la guerre ne les sauvera pas, que Netanyahou sacrifie les otages et les soldats, et c’est contre cela qu’ils manifestent. J’espère que ça va aider, sincèrement. »
« Mais en réalité, il n’y aura pas de changement réel sans action internationale, et c’est donc pour cela que notre action s’adresse avant tout à la communauté internationale. La société israélienne ne va pas arrêter le génocide, c’est aux États de l’empêcher », déclare Yaël Lerer avant de saluer prudemment les sanctions prises hier par l’Espagne : « on a déjà vu par le passé de grandes déclarations qui n’ont pas été suivies d’action. À voir donc, si cette liste d’action, qui est très intéressante, sera effectivement appliquée… Pendant ce temps en France, on condamne, on condamne, mais on ne fait rien. »
« À l’heure où Netanyahou déclare l’expulsion de tous les Gazaouis, il faut tout faire pour arrêter Israël, on ne peut pas compter sur un changement de sa société », poursuit Yael Lerer. Elle prend pour exemple le verdict prononcé dimanche par la cour suprême israélienne, qui reconnaît que les prisonnier-es palestinien-nes sont délibérément affamé-es pendant leur détention en Israël et requiert qu’ils et elles reçoivent trois repas par jour. « En fait, c’est le minimum : ce n’est pas un jugement radical, c’est la base des droits humains que de recevoir de la nourriture en détention. Malgré cela, Ben Gvir et Netanyahu ont aussitôt attaqué les juges de la cour suprême, affirmant qu’ils ne favorisaient pas leur pays. »
Yaël Lerer évoque les mouvements israéliens comme « le bloc contre l’occupation », Free Jerusalem, ou le mouvement de Refusniks, ces Israélien-nes qui refusent de servir l’armée et salue la détermination de ces activistes dont son propre mouvement est proche, mais elle précise : « Ce qu’il faut comprendre, c’est que la solution ne viendra pas de l’intérieur, il faut une pression internationale et une action concrète pour arrêter Israël », explique Yaël Lerer. « Depuis des années, on dit que la société israélienne change, que son gouvernement va tomber. Mais les véritables opposant-es ne représentent qu’une minorité, la pression intérieure est insuffisante. »