Par Maurice Buttin (8/2/23)*
Depuis des mois de jeunes résistants palestiniens des « territoires occupés » de Cisjordanie et de Gaza – selon la terminologie des médias – se heurtent à une terrible répression de l’armée d’occupation israélienne. L’année 2022 a été la plus meurtrière depuis des années. 230 Palestiniens ont été tués, des centaines blessés. L’année 2023 a tristement commencé. Pratiquement un Palestinien tué tous les jours depuis le 1er janvier !
Si les médias évoquent les « territoires palestiniens occupés », ils n’emploient que très rarement le mot OCCUPATION. Avant d’aborder ce terme pour la Palestine, j’en évoquerai deux, celle de la France hier et celle d’une partie de l’Ukraine aujourd’hui.
En France, nul ne contestera que pendant la période précitée, tuer un militaire allemand ou un collaborateur (un Kollabo, comme l’on disait à l’époque) n’a jamais été considéré comme un acte « terroriste », sinon par des collaborateurs notoires comme Pétain, Laval, Darlan, Doriot, etc. et autres collaborateurs de moindre envergure.
En Ukraine, de vaillants soldats résistent contre l’armée russe. A ma connaissance, ils n’ont jamais été traités de « terroristes » ! Il n’en est pas de même pour les résistants Palestiniens. Ainsi, le quotidien La Croix, pourtant, en général, favorable à ce que justice soit rendue à la cause palestinienne, sans oublier, bien sûr, la sacro-sainte sécurité d’Israël – commence, le 30 janvier dernier, un long article par cette phrase : « Deux attaques terroristes perpétrées par des Palestiniens ont visé en quelques heures des habitants juifs… ».
Quid des « territoires palestiniens occupés » depuis plus de cinquante-cinq ans ! Cette énoncée doit être changée. En juin 1967 des territoires palestiniens ont bien été occupés par l’armée israélienne. Mais, depuis le 15 novembre 1988, celle-ci occupe la Palestine, Etat proclamé ce jour-là par le Conseil National Palestinien, Etat reconnu à part entière par l’UNESCO, et bien d’autres organismes des Nations Unies depuis 2011, Etat, membre observateur à l’ONU – comme le Vatican – depuis le 29 novembre 2012, jour anniversaire du partage de la Palestine mandataire.
Le 26 janvier, des combats d’une rare intensité ont opposé, dans le camp de réfugiés de la ville cisjordanienne de Jénine, l’armée d’occupation israélienne, avec blindés, tireurs d’élite et bulldozers, selon les médias à des « militants armés de faction locales et islamistes ». Pour être plus vrai, à des résistants palestiniens. Dix Palestiniens ont été tués. Parmi eux des civils, dont une femme de 59 ans par deux balles dans la tête et deux enfants. Au cours de l’opération des gaz lacrymogènes ont été employés, atteignant un service pédiatrique. Pendant plusieurs heures, des ambulanciers ont été empêché d’accéder au camp pour récupérer les 29 blessés par balles. Les bulldozers ont détruit des maisons, dont celle de « terroristes », un club sportif local, qui servait de centre médical d’urgence. Toute la population a été soumise à la terreur et à des punitions collectives, comme la coupure d’électricité…
En représailles, le 27 janvier, un Palestinien a tué huit civils israéliens, près d’une synagogue du quartier de Neve Yaacov, une colonie israélienne illégalement construite à Jérusalem-Est. Il a aussitôt été « abattu » – formule des médias lorsqu’il s’agit d’un Palestinien. Un Israélien tué, lui, a forcément était « assassiné ». Le lendemain, un adolescent de 13 ans, armé, a tiré sur un groupe de colons, blessant un jeune israélien d’une vingtaine d’années et son père. Deux hommes du groupe, armes automatiques en bandoulière, ont répliqué blessant le jeune garçon, arrêté par la police.
Tous ces dramatiques évènements se sont passés dans une colonie, en Palestine occupée. Rappelons à ce sujet la résolution 2334 du Conseil de Sécurité des Nations Unies adoptée le 23 décembre 2016 qui « condamne toutes les mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut du Territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, notamment la construction et l’expansion de colonies de peuplement, le transfert de colons israéliens, la confiscation de terres, la destruction de maisons et le déplacement de civils palestiniens, en violation du droit international humanitaire et des résolutions pertinentes ».
Dès lors, tout colon israélien, installé à ses risques et périls dans une colonie, collabore, de facto, à sa façon, à l’armée d’occupation israélienne, d’autant qu’il est souvent lui-même armé de sa vie Si sur un plan humain la mort violente de civils, qu’ils soient Israéliens ou Palestiniens est toujours à déplorer, un colon tué par un résistant palestinien paye son côté « collaborateur ». Le plus important de ces « collaborateurs » n’est-il pas le nouveau ministre de la Sécurité nationale l’avocat d’extrême droite, Itamar Ben-Gvir, inculpé plus d’une cinquantaine de fois par la justice depuis son adolescence, notamment pour incitation à la haine et au terrorisme, qui vit dans une colonie parmi les plus radicale de Cisjordanie occupée ?
Au lendemain de l’opération menée par l’armée d’occupation israélienne dans le camp de Jénine, la France a exprimé sa « vive préoccupation face au risque d’escalade, y compris dans la bande de Gaza (…). Elle a rappelé son attachement (…) à l’impératif de protection de civils dans les territoires occupés qui incombe à Israël ». Au lendemain de la mort des 8 civils israéliens, en revanche, elle a rappelé « sa solidarité pleine et entière avec Israël dans sa lutte contre le terrorisme, tout particulièrement après l’attaque ignoble » précitée. Toujours deux poids, deux mesures !
Au lendemain des deux évènements, les dirigeant Etats-Uniens pour leur part se sont dits « tristes après la mort de Palestiniens innocents ». En revanche, ils ont condamné une « attaque épouvantable » contre les civils israéliens. Toujours deux poids, deux mesures.
Le comble est venu d’un expert sur BFM TV, dont je ne citerai pas le nom par pudeur. Il exposait la distinction qu’il y avait lieu de faire entre les deux évènements : d’un côté, l’assassinat d’une femme palestinienne à sa fenêtre n’était qu’une « bavure » de l’armée israélienne ; de l’autre, l’assassinat de huit Israéliens était un « ignoble crime ». Sans commentaire !
Mgr Michel Sabbah, aujourd’hui patriarche émérite latin de Jérusalem, a redit, lors de sa visite en France en avril 2001 : « La violence palestinienne et la violence israélienne qui lui répond sont les deux effets d’une même cause : l’occupation israélienne. Pour stopper la violence, il faut donc mettre un terme à cette cause ».
*Maurice Buttin, président par intérim du Comité de Vigilance pour une Paix Réelle au Proche-Orient. Membre des C.A. de « Pour Jérusalem », des « Amis de Sabeel-France » et de « Chrétiens de la Méditerranée ».