par Ennasri Nabil, porte-parole du Collectif Resistance 30, membre du Collectif des Musulmans de France (CMF).
Vendredi 17 juillet 2009, Marseille, 5h du matin : j’attends le vol de la Brussels Airlines à destination de Tel Aviv. L’arrivée est prévue à 16h mais avec une escale à Bruxelles. L’objectif de mon voyage est de passer huit jours en Palestine pour visiter la vielle ville de Jérusalem et notamment la mosquée Al Aqsa, troisième lieu saint de l’islam. Seulement voilà : en m’installant dans l’avion en ce matin ensoleillé du mois de juillet, je ne me doutais pas du calvaire qu’allaient me faire subir les autorités israéliennes pendant presque 3 jours.
J’arrive donc à Bruxelles vers 8h et j’attends ma correspondance qui
est prévue à 11h. Première surprise : celle-ci se fera avec un appareil de la compagnie nationale israélienne El Al, connue pour ses contrôles de sécurité draconiens – et non avec un avion de la Brussels Airlines. Soit. Après m’avoir posé plusieurs questions, le personnel d’El Al me demande de patienter. Plus d’une heure s’écoule et je m’aperçois que tous les passagers, sauf quelques uns qui attendent également avec moi, prennent place à bord de l’avion. Ce dernier décolle alors sans nous. Sans nous donner aucune justification, le service de sécurité de la compagnie nous a refusé l’accès à l’appareil.
Mécontents, nous exigeons des explications. Après de longues discussions au bureau de la Brussels, on nous informe que nous
partirons pour Tel Aviv le soir même, mais cette fois avec un appareil
affrété par la compagnie belge. Après plus de 12 heures passées dans
les couloirs de l’aéroport de Bruxelles, nous voilà donc enfin en partance pour Tel Aviv.
Deuxième surprise (mais qui n’en était pas vraiment une, je me doutais bien que cela allait se produire) : à l’aéroport de Tel Aviv, lors de la vérification des passeports, je suis le seul, parmi tous les passagers, à qui on signale de passer par le service de sécurité. Je
m’y dirige donc. S’en suivra huit heures, de minuit à 8h du matin – parsemées d’interrogatoires, de plusieurs fouilles au corps assez
musclées, d?attente interminable dans une pièce où, tellement épuisé, je dormirai à même le sol. Passant d’un service à un autre, je me rends progressivement compte que mon cas se complique : en effet,
celle qui semble être la chef du service de sécurité de l’aéroport ne
croit pas à ma version des faits. « [i]Ce n’est pas pour du tourisme
religieux que vous êtes venu en Israël ! Dites-moi la vérité ! [/i]» m’assènera-t-elle régulièrement. D’un air martial, ponctuant ces phrases par des « [i]I don’t like you ! You’ve got a very bad opinion
about Israël [/i]», je comprends vite qu’internet m’a trahi. En fait, les
autorités israéliennes ont tout simplement « googleliser » mon nom. Et il est vrai que mon engagement en faveur de la cause palestinienne et
des droits des peuples a fait sortir de ses gonds notre responsable
israélienne.
Vers 8h du matin donc, elle me redonne mon passeport en m’affirmant
sèchement : « [i]You have nothing to do in Israël. Go back to France ![/i] ». Après avoir pris mes empreintes, on me dit que je dois reprendre le même vol, mais dans l’autre sens. Sauf que le prochain avion pour Bruxelles est à minuit et qu’il est 9h du matin. Deux agents israéliens me proposent alors d’aller dans un service où je « [i]pourrais
dormir convenablement et où on me donnera à boire et à manger [/i]». En arrivant au lieu-dit, je comprends vite que, pour la première fois de ma vie, je passerai ce samedi 18 juillet en détention, dans une
cellule à la porte blindée et où visiblement, tous ceux qui ne plaisent pas à Israël sont détenus jusqu’à leur expulsion du pays. A minuit, juste avant le décollage, les policiers israéliens m’emmènent directement à bord de l’avion dans lequel je passerai ma 3e nuit consécutive dans des conditions difficiles. Mon passeport ne me sera
restitué par le chef de bord qu’une fois l’atterrissage effectué.
Enfin, et pour couronner le tout, je suis rentré chez moi sans ma valise, laquelle est actuellement toujours bloquée à Tel Aviv.
Voilà donc le véritable chemin de croix qui m’a été réservé. Mon histoire, outre son aspect révoltant, doit être source de réflexion
car elle est significative de l’attitude des autorités israéliennes
envers les militants internationaux souhaitant se rendre en Palestine pour témoigner leur solidarité. Je ne suis pas le seul à avoir subi ce
traitement dégradant car il faut savoir qu’une véritablediscrimination a lieu dès le premier contrôle à l’aéroport de Tel Aviv. Les témoignages sont nombreux, et j’ai moi-même pu le constater en salle d’attente de l’aéroport, qui démontrent qu’Israël se livre systématiquement à des contrôles au faciès et ce, même à l’endroit de ressortissants européens.
En refusant l’accès à la Palestine à des militants des Droits de l’Homme, l’attitude arrogante et la politique discriminatoire d’Israël se révèlent au grand jour. Après une semaine passée devant le « barrage » de Rafah au mois de février dernier[1], cet épisode déplorable donne autorités israéliennes. Mais qu’Israël sache une chose : tous ces dénis de droit répétés ne font qu’accentuer, chez les militants, leur détermination à poursuivre le combat pour la justice et pour une Palestine libre?
[1] Cf. [i]Le « barrage » de Rafah ou comment étrangler la bande de Gaza[/i]