Heureusement, les odieuses déclarations de Valls contre les Roms provoquent de saines colères. En voici deux que nous apprécions particulièrement :
Lettre ouverte à l’insupportable Manuel Valls
Par Jean ORTIZ
Monsieur le ministre,
…Je vous ai écouté à France Inter puis à RMC, chez Jean Jacques Bourdin. Mal réveillé, j’ai cru entendre un dirigeant du Front national. J’ai même un moment pensé que, journaliste bien-pensant, vous interviewez le ministre de gauche J.J. Bourdin.
…Un peu d’eau fraîche sur le visage comme jadis le matin dans les « camps de concentration » d’Argelès, de Barcarès, où furent accueillis nos parents Républicains espagnols, et me voilà lucide.
…Non je ne rêvais pas. Il s’agit bien du ministre hollandien de l’Intérieur, Catalan naturalisé Français en 1982, et pas d’Albert Sarraut ni de Daladier, déjà ministres des barbelés « de gauche » dans les années 1930.
…Il y a en France environ 20.000 Roms, oui vous avez bien lu : « seulement » 20.000, mais si l’on en croit le ministre des « expulsions forcées » (dénoncées par l’agence moscoutaire Amnesty International), ils menacent la sécurité de notre pays, plus que le chômage, les huit millions et demi de pauvres, les coûts ravageurs de l’accumulation du capital, la « Françafrique », les ripoux en col blanc, les vampires du CAC40, les licencieurs boursiers….
Les Roms, les « voleurs de poules », voilà le danger, voilà le nouveau bouc-émissaire stigmatisé pour faire peur au « petit peuple », pour faire avaler l’austérité « de gauche », les trahisons, les reniements de ce gouvernement « caniche des Etats-Unis », un rôle que ne veulent même plus jouer les Anglais.
…Comme nous ne sommes pas aux Etats-Unis, on ne peut pas autoriser le port d’armes contre les Roms…Mais il y a des mots souvent aussi redoutables que les armes. Ecoutons le ministre « socialiste » tourner en rond : « Il est illusoire de penser que l’on règlera le problème (des Roms) par l’insertion ». Pas besoin par conséquent de « stratégie d’intégration » comme le demande Mme Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne. Les Roms « ont vocation à retourner en Roumanie et en Bulgarie ». Place donc aux pandores. Les Roms sont sans doute insolubles dans la civilisation… « Une majorité doivent être reconduits à la frontière »(M.Valls). Au nom de cette « libre circulation » garantie par les accords et traités européens ? Les Roms, c’est bien connu, sont réfractaires à « l’insertion », au droit à la santé, à l’éducation, au logement…Le ministre se flatte d’avoir démantelé 242 « campements » depuis le premier janvier 2013 …11.982 migrants jetés à la rue et confrontés à une exclusion et une précarité redoublées. Rien ou si peu leur est proposé à la place.
« Etre de gauche » pour vous paraphraser Monsieur, ce n’est pas valser avec Guéant et Hortefeux,
ce n’est pas être le chouchou de la droite pour des raisons carriéristes,
c’est faire la chasse aux exploiteurs sans foi ni loi, à ceux qui « s’enrichissent en dormant », pas aux pauvres.
« Etre de gauche », c’est avoir un coeur solidaire
ce n’est pas patauger dans les marécages pourris qui font le jeu du Front National
nous resservir la « guerre des civilisations »,
c’est préférer Jaurès à ce Clémenceau que vous aimez tant,
c’est être avec les communards contre Thiers et les Versaillais,
c’est considérer que l’autre, « l’étranger », est un autre vous-même
que vous n’existez que par lui.
Mais pour comprendre tout cela, Manolo, il faut être de gauche.
…Qu’escomptez-vous Manuel Valls ? Donner des gages à l’extrême-droite pour acquérir le statut de « présidentiable » ? A ce prix, vous vous déshonorez, et avec vous la fonction que vous occupez.
Jean Ortiz Hernandez
Source : http://www.legrandsoir.info/lettre-ouverte-a-l-insupportable-manuel-valls.html
Manuel, souviens-t-en…
« Quand on est de gauche, on n’a pas la matraque en guise de cœur. C’est un Français d’origine manouche qui t’écrit et qui écrit au Français de fraîche date que tu es. C’est un fils de «brigadiste» qui se rappelle à toi. Souviens-t’en: «Celui qui n’a pas de mémoire n’a pas d’avenir.» »
Par Jean-Claude Lefort, Député honoraire, Fils de Manouche.
Manuel, tu as déclaré hier soir, sur BFMTV, que la situation était très différente pour toi, relativement à celle des Roms, car ta famille espagnole était venue en France pour fuir le franquisme.
Tu as été naturalisé français en 1982. Franco est mort en 1975. Sept ans avant ta naturalisation. Quand tu es devenu français, il n’y avait donc plus de dictature en Espagne. Tu avais donc « vocation », selon tes mots, à retourner dans ton pays de naissance, en Espagne. Tu ne l’as pas fait et je comprends parfaitement, de même que je comprends totalement ton souhait de devenir français. Cela sans l’ombre d’un doute.
Tu avais «vocation» à retourner à Barcelone, en Espagne où tu es né, pour reprendre tes propos qui concernaient uniquement les Roms. Celui qui t’écrit, en ce moment, est un Français d’origine manouche par son père. Mon père, manouche et français, est allé en 1936 en Espagne pour combattre le franquisme, les armes à la main, dans les Brigades internationales. Pour la liberté de ton pays de naissance, et donc celle de ta famille. Il en est mort, Manuel. Des suites des blessures infligées par les franquistes sur le front de la Jarama, en 1937. Je ne te demande aucun remerciement, ni certainement pas la moindre compassion. Je la récuse par avance. Je suis honoré en vérité qu’il ait fait ce choix, quand bien même il a privé ma famille de sa présence alors que je n’avais que neuf ans et ma sœur, dix-huit.
La guerre mondiale est venue. Et les camps nazis se sont aussi ouverts aux Tziganes. Tu le sais. Mais un nombre énorme de Manouches, de Gitans et d’Espagnols se sont engagés dans la Résistance sur le sol français. Ton père aurait pu en être. Il en avait l’âge puisque il est né en 1923. Georges Séguy et d’autres sont entrés en résistance à seize ans. Je ne lui reproche aucunement de ne pas l’avoir fait, bien évidemment. Mais je te demande le respect absolu pour celles et ceux qui se sont engagés dans la Résistance contre le franquisme, puis ensuite contre le nazisme et le fascisme. Contre ceux qui avaient fait Guernica. Et pourtant, à te suivre, ils avaient «vocation» à retourner ou à rester dans leur pays d’origine, ces «étrangers, et nos frères pourtant»…
Manuel, «on» a accueilli la Roumanie et la Bulgarie dans l’Union européenne alors que ces pays ne respectaient pas, et ne respectent toujours pas, un des fondamentaux pour devenir ou être membre de l’Union européenne: le respect des minorités nationales. Sensible à cette question pour des raisons évidentes, je m’en étais fortement inquiété à l’époque. En tant que député, je suis allé à Bruxelles, auprès de la Commission, pour prouver et dire que ces pays ne respectaient pas cette clause fondamentale. On m’a souri au nez, figure-toi.
Et aujourd’hui, dans ces pays, la situation des Roms s’est encore aggravée. Pas améliorée, je dis bien «aggravée». Et ils ont «vocation» à rester dans leurs pays ou à y revenir? C’est donc, pour toi, une espèce humaine particulière qui pourrait, elle, supporter les brimades, les discriminations et les humiliations de toutes sortes? Ces pays d’origine ne sont pas des dictatures, c’est certain. Mais ce ne sont pas des démocraties pleines et entières pour autant. Alors toi, l’Espagnol devenu français, tu ne comprends pas? Fuir son pays, tu ne comprends pas? Toi, tu ne comprends pas que personne n’a «vocation» à rester ou revenir dans son pays? Sauf si tu es adepte de conceptions très spéciales, à savoir que ce qui vaudrait pour un Roumain ne vaudrait pas pour un Espagnol. Tu sais pourtant que le mot «race» va disparaître de nos lois. À juste titre car il n’y a pas de races, juste une espèce humaine. Et les Roms en sont.
La fermeté doit s’exercer là où se trouvent les responsabilités. Pas sur de pauvres individus qui n’en peuvent plus. Savoir accueillir et savoir faire respecter nos lois ne sont pas deux concepts antagoniques. Mais quand on est de gauche, on n’a pas la matraque en guise de cœur. C’est un Français d’origine manouche qui t’écrit et qui écrit au Français de fraîche date que tu es. C’est un fils de «brigadiste» qui se rappelle à toi. Souviens-t’en: «Celui qui n’a pas de mémoire n’a pas d’avenir.»
Pour l’heure, Manuel, j’ai la nausée. Tes propos me font gerber, même pire. Nos pères auraient donc fait tout ça pour rien ou pour «ça»?
Ils sont morts pour la France, Manuel. Pour que vive la France. Inclus «ces étrangers, et nos frères pourtant».
Jean-Claude Lefort
Source : http://www.humanite.fr/politique/manuel-souviens-t-en-550018