A l’occasion de Roch Hachana, le nouvel-an juif, et à l’invitation du Consistoire central, le Premier ministre Édouard Philippe a présenté les vœux du gouvernement à la synagogue parisienne de la rue Buffault. Cela aurait pu être l’occasion d’envoyer un message d’encouragement et d’espoir à une « communauté » que l’on ne cesse de décrire comme « inquiète », si ce n’est « terrorisée ». Il n’en fut rien, bien au contraire, la présence du pompier pyromane déchu Manuel Valls au côté du Premier ministre donnant d’ailleurs le ton…
Priorité fut donc donnée à la peur. C’est avec l’air grave qu’il est coutume d’emprunter, et non sans une certaine verve lyrique, qu’Edouard Philippe compara l’antisémitisme à « une bête qui emprunte à la fois à l’hydre et au phénix ». Un racisme immortel, capable d’emprunter plusieurs visages pour sans cesse se renouveler donc. Mais à quel visage en fait-il incomber l’intégralité de la responsabilité ? À celui de « l’ultraviolence du terrorisme islamiste ». Le mot est lâché, certes enrobé des précautions d’usage, mais tout de même, la petite musique qui s’en dégage est limpide : pas d’antisémitisme sans islamisme.
Pas un mot, bien sûr, sur l’antisémitisme virulent de l’extrême-droite extra-parlementaire, celui qui se donne aussi bien à voir aux États-Unis qu’en Hongrie ou en France. Mais ce visage là – ou cette tête de l’hydre là, pour filer la métaphore du Premier ministre – ne dérange pas grand monde dans la mesure où il est sioniste. L’extrême-droite antisémite et le sionisme ont en effet en commun de considérer les Juifs comme des corps étrangers aux sociétés auxquels ils appartiennent et de favoriser leur regroupement en Israël.
Dès lors, il est clair que ce n’est pas tant l’antisémitisme que la critique du sionisme qui pose problème. A ce sujet, Édouard Philippe se fait la voix de son maître en reprenant tel quel les propos que le Président avait tenu cet été lors de la cérémonie du Vel d’Hiv, tout en faisant preuve d’initiative – d’aucuns diraient de talent de contorsionniste – en rappelant que la baisse des actes antisémites « ne doit pas faire oublier une autre réalité, celle de la banalisation de l’antisémitisme et de sa forme réinventée (…), l’antisionisme. »
Il aura réussi le triple tour de force d’alimenter la confusion entre judaïsme et sionisme en tenant ce genre de propos dans une synagogue et pendant une période de fêtes religieuses, de monter les Juifs contre les Musulmans et d’absoudre par son silence l’extrême-droite antisémite. Tout cela, l’Union Juive Française pour la Paix le condamne avec la plus grande fermeté et réaffirme le droit à l’exercice de la critique d’une idéologie politique et d’un régime inique qui relève de la liberté de conscience.
Le Bureau national de l’UJFP, le 3 octobre 2017