Farband, c’est l’Union des Sociétés Juives de France, une des associations qui entretient depuis de très nombreuses années la mémoire du judéocide et de la résistance juive au nazisme. Que trouve-t-on sur leur site, au moment même où ce communiqué est publié ? Un appel à une commémoration au cimetière de Bagneux avec le texte qui suit :
« ZAKHOR – SOUVIENS-TOI des SIX MILLIONS de nos frères et sœurs, anéantis dans les plus grandes souffrances par les barbares nazis ;
ZAKHOR – SOUVIENS-TOI des combattants héroïques du Ghetto de Varsovie et des autres Ghettos qui, les armes à la main, ont défendu l’honneur du Peuple Juif ;
ZAKHOR – SOUVIENS-TOI des dizaines de milliers de soldats, résistants et partisans tombés sur tous les fronts en combattant l’ennemi nazi ;
ZAKHOR – SOUVIENS-TOI des combattants juifs qui se sont sacrifiés pour l’Indépendance et l’existence de l’État d’Israël. »
Cette dernière phrase, sans rapport avec le contexte qui la précède, procède d’un redoutable anachronisme, aplatit le temps et annule la perspective historique.
Les résistants, juifs ou non, au nazisme se battaient contre la barbarie, contre le pire des racismes exterminateurs. Ils se battaient pour bâtir un monde d’égalité, de fraternité, de respect.
En 1948, et cet épisode n’est plus discuté chez les historiens depuis l’ouverture des archives, la future armée israélienne a procédé à l’expulsion délibérée du peuple palestinien (plan Dalet) accompagnée d’une conquête coloniale et de nombreux crimes de guerre. Même si les acteurs de ce nettoyage ethnique n’en ont pas tous eu conscience sur le coup, l’histoire est limpide aujourd’hui.
Assimiler la résistance au nazisme à la conquête sioniste de la Palestine, c’est réécrire l’histoire, c’est nier au passage la Nakba (la catastrophe pour le Palestiniens), c’est donc une forme de négationnisme.
L’antisémitisme comme le génocide nazi sont des crimes européens et le peuple palestinien n’a rien à voir avec cette sinistre histoire européenne.
La résistance juive au nazisme a été principalement communiste (en France la MOI) ou bundiste. Le commandant en second de l’insurrection du ghetto de Varsovie, Marek Edelman, était bundiste. Jusqu’à sa mort en 2009, il a très vivement critiqué le sionisme et l’État d’Israël. Il a refusé toute récupération politique de la part des gouvernements israéliens successifs
La référence aux victimes du nazisme et aux résistants a été longtemps inexistante en Israël. Et les survivants du génocide ont été dans un premier temps méprisés, appelés les « savons » par les tenants de l’homme nouveau israélien (ceux qui n’avaient pas combattu le nazisme), puis oubliés dans les négociations israélo-allemandes pour le versement direct à l’État d’Israël des réparations qui auraient dû leur revenir. Nombre de ces survivants, aujourd’hui dans la misère, ont protesté et manifesté ces dernières années en Israël, en portant leur étoile jaune pour que justice leur soit rendue.
Mettre sur un même plan les résistants au nazisme et ceux qui sont tombés dans une guerre menée par le sionisme contre le peuple palestinien a un côté obscène : cela vise à justifier, coûte que coûte et en forçant l’histoire, la colonisation et l’écrasement des Palestiniens. Farband a-t-il aussi l’intention « d’honorer » les soldats israéliens tués pendant la guerre de Suez (1956) ou les invasions du Liban ?
68 ans après la Nakba, refuser de voir historiquement ce qu’elle a été et glorifier comme résistants ceux qui ont procédé à un nettoyage ethnique et à des crimes de guerre tourne littéralement le dos aux idéaux de la résistance.
Tant que les droits fondamentaux du peuple palestinien (liberté, égalité, justice) seront niés, « l’indépendance et l’existence d’Israël » signifieront AUSSI nettoyage ethnique, colonialisme et apartheid.
Assimiler la résistance au nazisme à l’apologie d’une politique raciste est une injure à nos morts. L’UJFP dénonce cette récupération éhontée.
Le Bureau national de l’UJFP, le 3 octobre 2016