Un voyage à Hebron pour manifester notre position en tant que juifs contre l’occupation israélienne

Tandis que leur bus roulait vers la ville palestinienne de Hebron, les militants juifs américains se mirent à chanter « Olam Khessed Yibaneh », un chant hébreu sur la construction d’un monde de miséricorde. Plus loin, arrêtés par la police israélienne, ils entonnèrent « Lo Yisa Goy » le chant hébreu bien connu des camps d’été qui annonce que « une nation ne devrait pas lever l’épée contre une autre nation ».

Les 45 militants, dont Peter Beinart, auteur sioniste de gauche, portaient des tee-shirts marqués « L’occupation n’est pas notre judaïsme ». Ils se trouvaient à Hebron pour apporter un point de vue juif religieux dans le combat contre l’occupation militaire des terres de Palestine par Israël. Ils sont venus en délégation du Centre pour la Non-Violence Juive, un nouveau groupe qui cherche à contester le gouvernement israélien sur la base d’une éthique juive. Vingt-cinq militants environ, membres d’autres groupes tel « Tout ce qui reste de la Gauche : Collectif contre l’Occupation » 1, qui a aussi aidé au programme de la journée, ont rejoint à Hebron.

Tandis que la Cisjordanie est un aimant central pour la militance, la manifestation du Centre pour la Non-Violence Juive a été unique de par sa thématique juive. Les militants ont affirmé que c’était l’action directe explicitement juive la plus importante en Cisjordanie en solidarité avec les Palestiniens à ce jour, reflet d’une critique grandissante d’Israël parmi les jeunes juifs progressistes.

En sus de Beinart, le groupe comprenait un autre critique connu en la personne de Brant Rosen, le rabbin fondateur de la synagogue non sioniste Tsedek Chicago (Justice Chicago).

« La raison pour laquelle nous sommes venus était de renforcer l’action non-violente palestinienne et israélienne contre l‘occupation » a dit Ilana Sumka, la responsable du Centre pour la Non-Violence Juive.

Six manifestants ont été détenus, mais relâchés ensuite.

Beinart a appelé à une action juive directe en Cisjordanie dans une tribune d’Haaretz en 2014. Il a établi un rapprochement entre la manifestation juive en faveur des Palestiniens et « l’Été de la Liberté » de 1964, quand des militants blancs ont aidé à enregistrer des électeurs noirs dans le sud pour attirer l’attention sur l’oppression des Africains Américains.

Beinart a dit que le Centre pour les militants du Centre pour la Non-Violence Juive ne se contentaient pas d’utiliser leur identité juive comme un « slogan publicitaire » mais qu’ils ressentaient un véritable élan religieux à soutenir les Palestiniens.

Le groupe a commencé sa journée à Bethléem dans le hall de l’Hôtel de la Sainte Famille où étaient descendus les militants, âgés de 20 à 30 ans pour la plupart. Ils se sont passé des bouts de papier avec les noms et numéros de téléphone d’avocats israéliens à appeler en cas d’arrestation. Ashley Borer, une professeure de philosophie de Chicago de 27 ans, avait participé à l’organisation du voyage, en dépit de la désapprobation de nombreux membres de sa famille. Elle a dit qu’elle était là pour « extirper le soutien aveugle à Israël » des institutions juives.

« Est-ce que tout le monde se consacre à une action de résistance de base admirable, fantastique, aujourd’hui ? » a-t-elle demandé. « Ouh ! » ont répondu plusieurs participants.

Le principal événement de la journée, inhabituel, a été la création d’un cinéma improvisé dans une ancienne usine de métallurgie située dans l’une des zones de plus forte tension d’Hebron, où vivent à la fois des colons juifs et des Palestiniens. L’idée du « Cinéma Hebron » était venue du groupe militant palestinien Jeunes contre les Colonies, qui s’est joint aux militants juifs à Hebron.

Brant Rosen, un rabbin de Chicago, participe à un projet militant de nettoyage d’une cour à Hebron, sous le regard de soldats et de colons (photo Naomi Zeveloff)

Armés de sacs de popcorn marqués « Cinéma Hebron », de bouteilles d’eau, de pêches et de pommes, les militants juifs se sont répartis en trois groupes : ceux qui étaient prêts à prendre le risque d’être arrêtés, ceux qui y étaient prêts aussi mais ne voulaient pas être en première ligne, et ceux qui souhaitaient éviter l’arrestation. Puis ils ont pris place dans plusieurs minibus, volontairement répartis ainsi pour ne pas apparaître comme le grand groupe de militants qu’ils étaient.

Dans un bus qui serpentait dans les rues de Bethléem, Maya Rosen, une étudiante de l’Université de Princeton en fin de licence, a parlé de l’office du vendredi à venir pour le groupe dans le village palestinien de Susya. Elle a dit que son hôte l’avait félicitée par le terme hébreu Kol Hakavod (Chapeau ! Félicitations !) lorsqu’elle lui a dit qu’elle mangeait cacher. Il l’aide à respecter le Chabbat pendant son séjour.

Rosen s’est joint à la délégation avec plusieurs autres étudiants qui ont fait des dons selon des tranches traditionnelles de 18$ – chiffre qui désigne la vie dans la numérologie juive – pour aider au financement du voyage. Elle a dit que l’occupation était une « désacralisation du judaïsme et de la Torah et de ce que signifie faire partie de ce peuple ».

Si les militants étaient arrêtés, a-t-telle dit, ce serait aussi une « victoire » parce que cela « attirerait l’attention sur l’horreur des mauvais traitements à Hebron ».

À mi-chemin de Hebron, les militants ont été prévenus qu’un groupe d’Israéliens qui avait prévu de les rejoindre était stoppé par des soldats israéliens qui avaient ordonné à leur bus de faire demi-tour.

Les Juifs américains n’ont pas eu un tel obstacle en chemin. Ils sont arrivés à Hebron en passant par un marché palestinien animé où étaient vendus des pigeons et des lapins, vers le site de l’usine de métallurgie fermée. Deux bâtiments en parpaings pleins de détritus et de déchets métalliques étaient situés près de deux vieux oliviers en friche.

Mutasem Hashlamoun, un militant de Jeunes contre les Colonies, expliqua que le bâtiment était fermé comme de nombreuses entreprises palestiniennes depuis que Baruch Goldstein avait massacré 29 Palestiniens en 1994. Maintenant son groupe espérait ouvrir un cinéma pour que les Palestiniens s’y retrouvent.

Un autre Palestinien dit qu’il était heureux d’avoir l’aide de Juifs américains : « les colons veulent tout le temps faire état de problèmes entre les Palestiniens et les Juifs, mais ce n’est pas le cas ».

Il ne se passa guère de temps avant que huit soldats casqués n’arrivent et se tiennent derrière une barrière verrouillée, et se mettent à observer les militants juifs en train de débarrasser les déchets. Les militants firent une chaîne pour se passer les pièces de métal et se mirent à balayer la cour d’un bout à l’autre en chantant à voix forte : « je me suis levé ce matin, l’esprit à la liberté ».

Plusieurs colons juifs se joignirent aux soldats et commencèrent à filmer les militants avec leurs smart phones. Les militants se saisirent de leurs smart phones et filmèrent les colons.

« Merci de nettoyer cette propriété juive » cria un vieux colon. « Nous allons construire ici !»

Une autre femme colon, Tzipi Schlissel, dit qu’elle était choquée de cette tentative de Cinéma Hebron, avançant que les terroristes palestiniens dupaient les militants pour leur faire soutenir leurs objectifs « djihadistes ». Shlomo Ben Ra’anan, le père de Schlissel, un rabbi colon connu, avait été tué par un Palestinien en 1998.

Elle dit que « c’était très dur » de voir des militants juifs pour la défense des droits des Palestiniens, mais qu’elle n’en était pas surprise. « Pendant l’Holocauste, des Juifs ont aussi aidé Hitler ».

Au milieu de la matinée, le groupe a été informé que la police israélienne allait déclarer cette cour zone militaire fermée. Les militants qui voulaient éviter l’arrestation s’effacèrent tandis que ceux qui étaient disposés à être arrêtés s’assirent en tailleur sur l’herbe. Un policier arriva. « Ce rassemblement est illégal » dit-il. Il leur donna deux minutes pour partir, les avertissant qu’il userait de la force s’il le fallait.

Les soldats retirèrent les militants du sol un par un et les emmenèrent sur un chemin de pierre pentu tandis qu’ils chantaient un chant hébreu, laissant derrière eux le cinéma en l’état, inachevé. Six militants de nationalité israélienne furent incarcérés.
Le groupe passa le reste de l’après midi à essayer de se rendre à la prison où étaient leurs amis, mais furent arrêtés en chemin par les soldats. Lorsqu’ils essayèrent de discuter, les soldats leur assénèrent : « on ne dialogue pas ».

Un militant a un message pour les soldats : « nous sommes du Centre pour la Non-Violence Juive. Regardez le site ».

Par Naomi Zeveloff, 15 juillet 2016

Contact Naomi Zeveloff : zeveloff@forward.com ou sur Twitter @NaomiZeveloff

Traduction SF pour l’UJFP


Note-s
  1. <*> NDLT : jeu de mots en anglais dans le nom « All That’s Left » où « left » veut dire « reste » mais aussi « gauche »[]
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