Un rappel, d’abord. Le blocus de Gaza imposé aux Palestiniens par Israël avec le soutien des USA et dans le silence de l’UE, dure depuis de longues années, 2005 en fait, entrecoupé d’attaques militaires violentes. Il est hermétique depuis 2007 et la seule sortie au sud, vers l’Égypte, est aussi bouclée à double tour depuis la prise du pouvoir par les militaires égyptiens en 2013.
Privés de libre circulation par la terre et la mer, les Palestiniens de Gaza n’ont aucun contrôle non plus sur leur espace aérien. Si les déplacements à l’intérieur de Gaza ne sont plus limités par la présence des colonies israéliennes -démantelées en 2005, les colons relogés en Cisjordanie occupée- la circulation vers le reste de la Palestine est impossible et la bande de Gaza n’en reste pas moins sous occupation. Plus d’1 800 000 personnes qui veulent travailler, se soigner, étudier, rencontrer leurs familles, y sont emprisonnées dans des conditions sanitaires et humanitaires très détériorées. La qualité de l’eau est notamment un problème majeur car l’eau potable est quasiment introuvable alors que les eaux usées se répandent dans les sols et la mer. Non pas par incurie des Gazaouis, mais parce que les destructions causées par les attaques israéliennes sont immenses, les réparations impossibles tandis que la livraison du carburant qui fait fonctionner centrale électrique ou usine de traitement des eaux est aux mains des Israéliens ou de l’Egypte. Et la nourriture se fait rare dans ce pays de fraises et de roses car les fermiers n’ont pas souvent accès à leurs terres, régulièrement sous le feu des soldats de l’autre côté de la frontière avec Israël et dans la zone dite tampon, alors que les pêcheurs ne peuvent s’éloigner de la côte sans se faire tirer dessus, arrêter et confisquer leurs bateaux. Sans parler de l’écroulement de l’économie générale de Gaza, usines et ateliers inutilisables et commerce avec le monde extérieur interdit.
Le blocus de Gaza est une punition collective pour les Palestiniens qui en 2006 ont voté, lors d’élections transparentes, sous contrôle de l’UE, pour des représentants, le Hamas, qui ne plaisaient ni à Israël ni à son puissant parrain états-unien. Punition collective, violation des droits humains fondamentaux, ce blocus est illégal en plus d’être cruellement immoral.
Le monde regarde. Parfois des paroles de condamnation formelle brisent ce silence complice –surtout quand se produisent des attaques militaires récurrentes, toujours plus meurtrières, qui tuent, blessent, mutilent et détruisent délibérément le peuple et la terre de Palestine à Gaza. Et puis, devant l’intransigeance de l’occupant, les puissances qui pourraient imposer les pressions nécessaires se taisent à nouveau.
Alors ce sont les citoyens, hommes et femmes qui font de la solidarité contre l’oppression une vertu cardinale et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes un impératif, qui assument les responsabilités dont les chancelleries se défaussent. D’autres époques ont vu les brigades internationales se dresser contre le fascisme. En Palestine les internationaux viennent s’interposer, témoigner, et parfois en mourir, comme Rachel Corrie en 2003 à Gaza [1].
Pour Gaza le défi est relevé depuis plusieurs années, de briser le blocus par la mer. La mer, espace de liberté de mouvement, source de vie et de communication. Des bateaux ont tenté courageusement et avec beaucoup de persévérance d’atteindre Gaza, mais très peu ont réussi (dont le Liberty et le Free Gaza en 2008 [2]).
Une véritable flottille internationale est partie vers la Palestine en 2010 et la violence coloniale s’est abattue : 10 morts, des Turcs, lors de l’assaut par les commandos aéroportés israéliens dans les eaux internationales. Le message clair et violent visait à décourager tout soutien aux Gazaouis contre le siège qui veut les mettre à genoux. Pourtant en 2011, une deuxième Flottille de la Liberté s’est préparée à voguer vers Gaza. Seul un petit bateau français, le Dignité, a échappé au piège tendu en Grèce sur instruction du gouvernement israélien. Les autres bateaux bloqués, le Dignité est parti seul vers Gaza. Attaqué, arraisonné par la marine de guerre israélienne en eaux internationales, puis volé et endommagé tandis que les militantEs et l’équipage étaient kidnappés et emmenés de force en Israël.
Les autres tentatives ont aussi échoué : un bateau mené uniquement par des militants juifs en 2011, l’Estelle en 2012, qui a fait escale en France sur le chemin de Gaza, et puis ce fut le beau projet de briser le blocus à partir de Gaza en 2013 avec « l’Arche », détruit par un missile dans le port de Gaza pendant l’attaque meurtrière de 2014.
Mais échec en apparence seulement car s’il est vrai que ces bateaux n’ont pu atteindre Gaza, la mobilisation des peuples autour de ces projets de solidarité ne s’est pas démentie et l’intérêt médiatique non plus. Les images de ces bateaux et/ou militants courageux, tous civils, attaqués, battus, par une machine de guerre impressionnante font écho aux tableaux de mort et de destruction infligées aux Palestiniens et mettent en lumière les crimes de guerre qui sont la constante de la politique israélienne à l’encontre du peuple palestinien.
Cette violence et ces intimidations ne viennent pourtant pas à bout de la résistance des Palestiniens ni de la solidarité internationale et une nouvelle flottille se prépare.
En 2015, trois bateaux, « descendants » de la campagne bateau de 2011, vont encore tenter de se rendre en Palestine par la mer. L’un d’eux est déjà en mer. La Marianne, navire norvégien-suédois, a quitté la Suède et descend vers le Sud par la Baltique d’abord, la mer du Nord, la Manche et l’Atlantique avant de passer Gibraltar et d’entrer en Méditerranée rejoindre les autres bateaux.
Dans son périple le Marianne fera escale fin mai en France, à la pointe de Bretagne, comme l’avait fait l’Estelle, où le mouvement de solidarité l’accueillera. A son bord, en plus de l’équipage, des militantEs auxquels se joindront des personnalités plus tard pour le dernier élan vers Gaza.
La campagne française 2011 avait pour piliers la Plateforme [3] et le Collectif national pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens. Ces deux éléments essentiels du mouvement de solidarité en France ont décidé d’apporter leur soutien financier à la troisième flottille, comme pour l’Arche de Gaza et plus modestement pour l’Estelle [4].. Ils ont aussi décidé de faire connaître le plus largement possible cette nouvelle campagne contre le blocus aux médias et aux politiques, afin qu’ils agissent enfin, car ce blocus doit tomber et la justice l’emporter enfin sur la violence coloniale.