Par Denis Godard.
Bien sûr le pouvoir et les médias dominants voudraient réduire la manifestation du premier mai à Paris à une polémique contre des « violents » et des « casseurs » et faire oublier ainsi la violence du pouvoir.
Faire oublier, en se concentrant sur « ce qui détruit », que « ce qui nous détruit » c’est toute la logique du pouvoir. Et qu’il y a des deux côtés, celui du pouvoir comme celui du mouvement, une dialectique entre destruction et construction.
Précisons d’abord que cette dialectique opère de manière totalement asymétrique dans les contenus comme dans les conséquences. Quelle indécence de s’indigner sur un Mac Do saccagé quand des milliers meurent en Méditerranée !
Il y a un lien entre ce que ce pouvoir veut détruire, nos solidarités, nos espaces et nos droits et libertés et ce qu’il construit, des murs, des frontières, des prisons, des atomisations et des précarités. La politique criminelle, raciste et liberticide contre les sans-papiers, les migrant-e-s et tou-te-s les étranger-e-s en est la pointe la plus avancée.
Mais il y a aussi un lien entre ce que ce à quoi ce mouvement s’attaque et ce qu’il construit. Et l’intervention des sans-papiers et migrant-e-s ce premier mai en est aussi le symbole.
Lundi soir, devant le dispositif policier annoncé pour dissuader de manifester, des collectifs de sans-papiers réunis dans la Marche des solidarités ont appelé en urgence à se rassembler place de la République pour assurer de pouvoir accéder collectivement à la manifestation.
Partis de République en métro, ces collectifs ont pu ainsi déboucher collectivement sans contrôles, en amont de la manifestation, Quai de la Rapée, avant toute fermeture des stations, réunissant finalement la CSP75, la CSP93, le CSP Paris 20, le CTSP Vitry, le Collectif Schaeffer d’Aubervillers, Intégration 21, les occupant-e-s de Paris 8, les étudiant-e-s sans-papiers d’Ile-de-France, des groupes de migrant-e-s, le collectif des travailleurs et travailleuses de l’asile en lutte, des résident-e-s des foyers et des collectifs locaux de solidarité avec les sans-papiers et migrant-e-s. Ils ont été rejoints par le cortège du DAL.
Avec leurs slogans et leurs percus, les collectifs ont animé pendant plus d’une heure ce lieu où affluaient des milliers de manifestant-e-s, syndicalistes, étudiant-e-s, zadistes, etc. Ils ont diffusé des milliers de tracts pour appeler tout le mouvement social à manifester à leurs côtés le 2 juin prochain de la place de la République au Sénat contre la loi asile-immigration.
Ils ont formé un pôle derrière les cortèges étudiant-e-s et devant les cortèges syndicaux montrant leur détermination à réclamer la rue comme illustration de leur revendication, qui devrait être celle de tout le mouvement, à la liberté de circulation et d’installation.
Bien sûr ce cortège a subi, comme tout-e-s les manifestant-e-s, les lacrymos envoyés par la police pour mettre fin à la manifestation.
Mais, partie prenante, jusqu’au bout, de tout le mouvement, refluant avec lui après avoir avancé avec lui, unissant les différents collectifs, les sans-papiers et migrant-e-s ont montré, ce premier mai, par leur détermination et leur capacité à rassembler, ce qu’ils/elles participent à construire contre la logique du pouvoir. Et qui ne pourra pas se construire sans eux et sans elles.
Denis Godard, 2 mai