Un antisioniste israélien exclu du parti travailliste car accusé d’antisémitisme

7 octobre |Asa Winstanley pour The Electronic Intifada|Traduction LGr pour l’AURDIP |Actualités

l’article en anglais

Un antisioniste israélien de renom a été exclu du parti travailliste mardi dernier, la bureaucratie du parti l’accusant à tort d’antisémitisme.

Le professeur de philosophie à la retraite, Moshé Machover, déclara à The Electronic Intifada que son renvoi du principal parti d’opposition du Royaume-Uni est une “violation claire de la justice naturelle,” un acte “staliniste” et “complètement antidémocratique.”

Il a déclaré qu’il prendrait des conseils juridiques et qu’il réfléchissait à faire appel de la décision.

Machover est bien connu des milieux universitaires et de solidarité avec la Palestine pour être un militant et cofondateur de Matzpen, un groupe de socialistes israéliens dissidents, actif dans les années 60 et 70. Il vit à Londres depuis 1968.

Un porte-parole du dirigeant du Parti Travailliste, Jeremy Corbyn, a déclaré qu’ils ne commentaient pas les mesures disciplinaires.

Mais The Electronic Intifada pense que le bureau du dirigeant est en fait en train d’examiner l’expulsion.

Dans une lettre de la “Direction des conflits” du Parti Travailliste, il est dit à Machover qu’un article qu’il a écrit “semble correspondre à la définition de l’antisémitisme de l’Alliance Internationale pour la Commémoration de l’Holocauste.”

La lettre ainsi que l’article peuvent être lus en entier ici.

L’article, “L’antisionisme n’est pas l’antisémitisme”, a été publié dans un bulletin par le groupe des Marxistes du Parti Travailliste et distribué à la conférence du parti la semaine dernière.

Machover nous dit que l’article “fut très bien accueilli à la conférence” et qu’il reçu “un très positif et large assentiment.” Cela mit la droite du parti sur la défensive, et maintenant ils attaquent, dit-il.

Selon les Marxistes du Parti Travailliste, le vice-président du Mouvement Travailliste Juif, Mike Katz accusa Machover d’être un “historien amoral,” bien qu’il n’ait pas contesté les faits exposés dans l’article de Machover.

Dans l’article, Machover soutient que dans le Parti Travailliste, une “campagne visant à assimiler l’opposition au sionisme à de l’antisémitisme a, en fait, été soigneusement orchestrée avec l’aide du gouvernement israélien.”

Machover cite aussi, de façon critique, Reinhard Heydrich, l’un des lieutenants d’Hitler les plus connus : il aurait écrit en1935 que le “gouvernement [nazi] se trouve en accord total avec le grand mouvement spirituel à l’intérieur de la communauté juive elle-même, qu’on appelle sionisme.”

Sam Matthews, l’élu travailliste qui écrivit la lettre de renvoi à Machover, n’a pas spécifié quelle partie de l’article il considérait antisémite.

S’adressant au Times la semaine dernière, un législateur de l’aile droite du parti travailliste, John Mann, a demandé à ce que les Marxistes du Parti Travailliste soient “virés du parti, chacun d’entre eux.”

Mann, qui est un des chefs de rang de l’opposition contre le leader de l’aile gauche du parti, Jeremy Corbyn, a déclaré que la “publication calomnieuse [du groupe], au contenu antisémite, est juste bonne pour le tri sélectif.”

Déformation des propos

Le rapport du Times déforme les propos tenus dans le bulletin, prétendant qu’ils “évoquent la ‘ressemblance entre sionistes et nazis’ ” – l’article ne contient pas en réalité de tels propos.

Le rapport omet également de mentionner le fait que Machover est un Juif israélien, et suggère à tort qu’il ait cité l’officiel nazi en l’approuvant.

Machover déclara à The Electronic Intifada qu’il avait cité “le grand monstre Heydrich” afin d’évoquer les liens historiques incontestables qu’il y eu entre une minorité sioniste des Juifs allemands des années 30 et le Parti nazi.

Machover a été exclu plutôt que suspendu, car la bureaucratie travailliste affirme qu’il a violé le règlement du parti en écrivant des articles pour le Weekly Worker, le journal du Parti Communiste de Grande Bretagne.

“L’adhésion ou le soutien à un autre parti politique” est un motif pour une expulsion immédiate, explique la lettre.

S’entretenant avec The Electronic Intifada, Machover déclara qu’il n’était ni membre du Parti Communiste de Grande Bretagne ni des Marxistes du Parti Travailliste.

Ces derniers lui demandèrent s’ils pouvaient utiliser son article et il donna son accord. Le Weekly Worker est un “forum ouvert” qui est très démocratique dans sa politique de publication, dit-il. Il prit la parole à plusieurs réunions du Parti Communiste de Grande Bretagne.

Il ajouta à The Electronic Intifada qu’il avait aussi prit la parole dans la prestigieuse école privée Eton il y a quelques années : “Je suis allé là-bas. Suis-je pour autant lié à Eton ? Je ne sais pas ! Si on m’invite à parler d’Israël/Palestine, généralement je réponds. C’est ce que je fais.”

Machover souligne que le dirigeant travailliste Jeremy Corbyn a été chroniqueur pendant 10 ans au Morning Star, qui est étroitement associé au Parti Communiste Britannique – un autre groupe de gauche.

Depuis que Corbyn – militant de longue durée pour la Palestine – a été élu à la tête du parti, les travaillistes font face à des “crises d’antisémitisme”, pour l’essentiel montées de toute pièce.

Mettant sur pied une tentative acharnée mais vaine de rester au pouvoir, l’aile droite du parti a fait équipe avec les groupes de lobbying pro-Israël, comme Les Amis Travaillistes d’Israël et le Mouvement Travailliste Juif, pour faire passer les sympathisants des droits palestiniens pour des antisémites.

La lettre à Machover marque la première fois connue où les officiels du Parti Travailliste citent le document de l’Alliance Internationale pour la Commémoration de l’Holocauste contenant une “définition opératoire” de l’antisémitisme comme justification pour une “notification formelle d’enquête.”

Les groupes de lobbying pro-Israël font la promotion de ce document controversé parce qu’il affirme que “déclarer que l’existence de l’Etat d’Israël est une entreprise raciste” est un exemple d’“antisémitisme.”

Jusqu’à aujourd’hui, la direction du Parti Travailliste n’a approuvé qu’une définition de deux phrases de l’antisémitisme, contenue dans un document controversé, qui ne mentionne pas Israël. Cette lettre semble contredire cette distinction.

Le document pourrait aussi déterminer que prôner un état unique et démocratique sur la Palestine historique, dans lequel Juifs, Musulmans et Chrétiens auraient des droits pleins et égaux, est antisémite, parce que selon les termes de la définition cela pourrait être perçu comme “nier aux Juifs leur droit à l’auto-détermination.”

La lettre ainsi que l’article peuvent être lus en entier ici.