TSAHAL 2014 : la graisse et les drones

Le gouvernement israélien vient de décider une augmentation de 2.75 milliard shekel (environ 500 millions d’Euros) du budget de la défense pour l’année 2014. L’essentiel de cette somme n’ira pas à l’achat de nouveaux équipements ou à la modernisation des moyens militaires, mais au salaire des officiers et de la multitude de fonctionnaires que l’on peut voir flâner dans le quartier de la Kirya à Tel Aviv. Malgré le « secret défense » qui entoure le ministère de la défense et son budget, on évalue à 40% la part de ce budget alloué aux salaires, c’est-à-dire environ 4 milliards d’Euros.

Contrairement à une image répandue, l’armée israélienne n’est plus, et cela depuis des décennies, ce corps petit et musclé qui tire sa force de l’intelligence de ses officiers et du courage de ses soldats, mais un gigantesque pachyderme plein de graisse superflue.
Certains des déboires de cette armée, comme l’échec de l’invasion du Liban en 2006, sont liés à ces changements structurels.
Depuis les années soixante-dix, s’est constitué dans ce qu’on appelle le complexe militaro-industriel, une véritable caste d’officiers de fonctionnaires et d’hommes d’affaire – souvent des officiers supérieurs recyclés dans les affaires après avoir quitté l’uniforme à l’âge de 45 ans – qui sont devenus un lobby extrêmement puissant contre lequel les dirigeants politiques sont impuissants. Car peu nombreux sont les politiciens israéliens qui oseraient refuser une augmentation du budget militaire, régulièrement revendiquée par ce lobby au nom de nouvelles menaces existentielles qui s’accumuleraient dans la région et argumentée par des rapports alarmistes des services de renseignement militaires.

On pourrait à première vue penser qu’il est préférable pour la paix dans la région d’avoir une armée israélienne obèse et donc moins performante, préoccupée davantage par ses salaires et autres privilèges que par une volonté de conquêtes territoriales et de victoires militaires. Dans une certaine mesure, cela est vrai et les échecs militaires répétés des dernières décennies semblent le confirmer. Mais ce n’est vrai que partiellement : tout comme d’autres forces armées des pays industrialisés, l’armée israélienne s’appuie de plus en plus sur des technologies de pointe, et le rôle des unités combattantes décroit. Les drones remplacent de plus en plus les bataillons de fantassins et les divisions blindées, et c’est de bureaux climatisés, et à des dizaines de kilomètres de l’objectif visé, que l’on sème la mort et la destruction à Gaza.

En ce sens, ces photos de généraux israéliens obèses qui passent leurs soirées en compagnie d’hommes d’affaires qui leur promettent une seconde carrière en échange de contrats juteux ne doivent pas nous faire oublier celles de jeunes lieutenants à lunettes rondes qui, bien au chaud dans leurs bureaux et sans prendre aucun risque mènent la guerre du XXIème siècle, une guerre pas moins sanglante et meurtrière que celles du siècle précédent.