Le président du CRIF et plusieurs personnalités d’extrême droite s’en sont pris au Maire de Lyon. Son crime ? Avoir invité Salah Hamouri, présenté comme un « terroriste », à une conférence et suspendu un voyage de lycéens à Auschwitz. La manœuvre a fait long feu, l’une et l’autre affirmations étant mensongères. Mais cette opération ne visait pas que Grégory Doucet…
Il fut un temps où le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), issu de la Résistance, jouait son rôle de représentant des juifs de France. Au-delà des divergences qui nous séparaient, j’estime qu’un homme comme Théo Klein l’incarna dans les années 1980 avec un esprit d’ouverture. Et se souvient-on qu’un de ses successeurs, Henri Hajdenberg, rencontra Yasser Arafat en 1999 ?
Depuis le début du siècle, quel changement ! La droite a fait main basse sur le CRIF et a exclu la plupart des hommes et des femmes de gauche de ses instances. Henri Cukierman, Richard Prasquier et Francis Kalifat l’ont transformé en une sorte d’ambassade bis d’Israël. Avec le nouveau président, Jonathan Arfi, la dérive continue. Ses récentes prises de position accentuent encore l’ambition d’infléchir la politique française au Proche-Orient.
Depuis quelques jours, c’est l’organisation à Lyon, le 1er février, d’une conférence sur le bilan des accords d’Oslo avec la participation de Salah Hamouri qui sert de prétexte à une opération commune au CRIF et aux plus extrémistes des personnalités d’extrême droite.
Jonathan Arfi en personne a relayé les attaques de ces dernières contre le Maire de Lyon et repris à son compte la diffamation de l’avocat franco-palestinien récemment privé de son droit de résidence à Jérusalem, sa ville natale, puis expulsé d’Israël. Comme Gilles-William Goldnadel, qui s’est déshonoré en « pardonnant » à Dieudonné, Gilbert Collard, fier d’avoir interviewé Renaud Camus, et bien sûr l’ineffable Meyer Habib, le seul (ir)responsable ayant reçu a l’Assemblée le raciste et homophobe Bezalel Smotrich, le président du CRIF a dépeint Salah Hamouri en « terroriste » ayant préparé un attentat contre le grand rabbin séfarade Ovadia Yosef.
Or, chacun le sait, cette fable a été inventée par le Shin Bet sans autre preuve que la dénonciation calomnieuse de ses agents. La vérité, c’est qu’Israël, État de droit anglo-saxon, pratique le « plaider coupable ». Lequel a permis à Salah Hamouri de subir 7 ans de prison au lieu de 14. Auxquels se sont ajoutés de longs mois de détention administrative – c’est-à-dire sans jugement.
À cette première diffamation contre Salah Hamouri s’en est ajoutée une seconde: contre le Maire de Lyon, Grégory Doucet. De concert, des comptes Twitter pro-israéliens et de la fachosphère ont établi un lien entre l’invitation de Salah Hamouri et l’annulation d’un voyage de lycéens à Auschwitz. Cette infamie a fait long feu: une personnalité peu suspecte de sympathie pour les Palestiniens a reconnu dès hier que cette « information » était doublement fausse (voir ci-dessous).
On le comprend sans mal : Jonathan Arfi et ses amis fascisants jouent en réalité au billard. Ils ciblent Salah Hamouri pour mieux taper sur le Quai d’Orsay, qui a osé protester contre son expulsion (voir ci-dessous). Ce faisant, ils prennent un risque énorme : leur démarche alimente en effet le cliché antisémite selon lequel un « lobby juif » prétendrait dicter sa loi aux autorités françaises.
C’est dire que le CRIF est loin de jouer le rôle majeur qu’il s’attribue dans le combat indispensable contre la haine des juifs. D’abord parce qu’il se refuse à insérer véritablement ce combat dans la lutte d’ensemble contre le racisme, tombant fréquemment dans une concurrence des victimes profondément nuisible. Ensuite parce que ses efforts sont contredits par sa défense inconditionnelle de la politique israélienne.
Comment prétendre lutter contre le racisme et ne pas critiquer le nouveau gouvernement israélien qui, pour la première fois depuis 1948, comporte des suprémacistes, racistes et homophobes auxquels Benjamin Netanyahou a confié des ministres essentiels ? Le CRIF peut-il se taire devant les assassinats quotidiens de Palestiniens, voire les justifier au nom des juifs de France sans mesurer qu’il crée ainsi de dangereux amalgames ? Est-il possible de se dire attaché aux libertés en France et rester silencieux devant leur remise en cause ouverte en Israël ?
Cette schizophrénie porte un coup considérable à la bataille contre le racisme et l’antisémitisme, qui suppose une défense intransigeante des valeurs démocratiques en Israël et en Palestine occupée comme en France. En cette Journée internationale de la commémoration de l’Holocauste, il importe de le rappeler.