Les couloirs du Palais des Nations à Genève sont, depuis quelques jours, maintenus sous haute sécurité, ainsi que cela avait été le cas lors de la conférence de suivi du processus de Durban en avril dernier.
Les ONGs accréditées ne pourront avoir qu’au mieux deux participants, qui devront, dès 8 heures du matin, tenter de se procurer le laisser-passer.
Pourquoi un tel déploiement de forces de sécurité? Que craint le Conseil des Droits de l’Homme?
La mission, à qui l’ancien Président du Conseil des droits de l’homme, Martin Ihoeghian Uhomoibhi, avait demandé un rapport d’enquête à propos de l’agression commise par l’armée israélienne contre Gaza, entre décembre et janvier 2009, va remettre officiellement son rapport à ce même Conseil.
Ce rapport, qui va au-delà de l’agression elle-même puisque sont interrogés l’ensemble des mécanismes de la colonisation dont le blocus imposé à la population de Gaza, depuis 2006 analyse l’ensemble des conséquences de cette agression pour les populations palestinienne et israélienne. Se trouve bien établie la responsabilité pénale des auteurs des crimes de guerre, voire des crimes contre l’humanité. Il est regrettable que la mission n’envisage les crimes contre l’humanité que comme une possibilité, alors que de nombreux experts en droit international ont considéré que de tels crimes étaient imputables aux responsables israéliens.
La mission considère, par la façon dont elle pose la question, que les factions armées palestiniennes doivent être abordées sur le même plan que l’armée et les responsables israéliens. Cette approche ne tient pas compte du fait que les factions armées palestiniennes ne sont pas une armée d’occupation et d’agression. La question de la nécessité et de la proportionnalité dans l’usage de la force ainsi que celle des attaques indiscriminées ne peut être imputée à la résistance palestinienne. La mission, même si elle contextualise l’agression de Gaza dans l’occupation subie depuis 1967, ne souligne pas assez clairement qu’il y a un agressé et un agresseur.
Cette précision est importante. Il faut regretter qu’elle ne soit pas plus explicite, d’autant que le rapport rend parfaitement responsable l’armée israélienne d’intention et de planification compte tenu de sa performance technologique qui en fait une des meilleures armées au monde, si ce n’est la meilleure et qui comme telle avait tous les moyens nécessaires pour éviter de bombarder des zones dans lesquelles se trouvait la population civile.
A propos de la stratégie employée par cette armée, la mission a, à plusieurs reprises, rappelé les opérations et les tactiques employées par les forces armées israéliennes lors de la guerre de 2006 contre le Liban. Ce parallèle n’est pas inintéressant et montre bien que cette armée refuse d’utiliser tout autre stratégie que celle de la politique de la terre brûlée et du fait accompli au prétexte d’un droit à la légitime défense basé sur la loi de la jungle et non sur la Rule of Law..
Mais le rapport n’évacue pas le fait que les factions armées palestiniennes, en envoyant des rockets et des tirs de mortier sur la population civile israélienne, sont responsables -au sens entendu par le statut de la Cour pénale internationale- de crimes de guerre.
Un des points importants de ce rapport, qui redit fermement le droit du peuple palestinien à sa souveraineté basée sur le droit des peuples à l’autodétermination, est le fait que les rapporteurs demandent au Conseil de Sécurité que tout ce qui concerne la situation en Palestine -du côté israélien comme du côté palestinien- soit abordée à la lumière du Chapitre 7 de la Charte des Nations unies.
Ce rapport rappelle avec force l’importance de l’avis consultatif de la CIJ à propos de la construction illégale du mur à propos de la responsabilité des Etats Parties aussi bien à la 4ème Convention de Genève qu’au Statut de Rome en ce qui concerne leur obligation de faire respecter le droit humanitaire international et le droit international.
Pour que tout ce qui est pointé par la mission d’enquête et dénoncé comme autant de crimes de guerre, il est à espérer que ce rapport permettra que le droit des Palestiniens à la justice soit enfin reconnu, que les responsables israéliens des crimes de guerre soient traduits en justice et jugés.
La mission en consacrant les nombreuses violations dont ont été victimes les Palestiniens de Gaza ouvre la possibilité pour une enquête internationale qui pourrait être une des bases, si la communauté internationale se décide à donner des suites pénales à ces violations.
Espérons, pour la lutte contre l’impunité -seule garantie de la paix et de la sécurité internationales-, que mardi 29 septembre les membres du Conseil des Droits de l’Homme manifesteront la volonté politique de voir adopté ce rapport de façon à ce que les recommandations soient transmises tant au Secrétaire général de l’ONU qu’au Conseil de Sécurité et que celles concernant l’Assemblée génarale et le Procureur de la Cour pénale internationale soient mises en place le plus rapidement possible.
Espérons que les tentatives de délégitimation du travail de la mission du Conseil des Droits de l’Homme échoueront et que la communauté internationale prendra pour une fois ses responsabilités à l’égard du peuple des Nations en conformité avec la Charte de l’ONU.
Mireille Fanon-Mendès France
26 septembre 2009