Témoignages d’Abu Amir, le 24 août 2025 – Compte rendu des deux ateliers de soutien psychologique pour les femmes Deir al-Balah et ville de Gaza

Abu Amir 24 8 25 ateliers psy IMG 5455 Témoignages d’Abu Amir, le 24 août 2025 - Compte rendu des deux ateliers de soutien psychologique pour les femmes Deir al-Balah et ville de Gaza

Atelier à Deir al-Balah

Au cœur des souffrances quotidiennes qui accablent les femmes déplacées dans la bande de Gaza, se dessinent des histoires de douleur et de privation, comme un miroir d’une réalité catastrophique et implacable. Dans les camps, saturés de tentes et des douleurs de leurs habitants, les femmes survivent entre les cris des enfants et l’absence des maris, entre la perte et la privation des conditions minimales d’une vie digne. La guerre acharnée qui continue de ravager la bande de Gaza ne leur a laissé aucune lueur d’espoir : les bombardements incessants et les déplacements forcés les ont privées de leurs maisons et de tout sentiment de sécurité, les projetant face à la dureté d’un quotidien sans autre soutien que leur foi et leur patience. Tandis que les bombes tombent comme la pluie, elles emportent avec elles les petits rêves que chacune nourrissait d’une vie normale, d’une vie semblable aux droits humains les plus élémentaires, où que ce soit dans le monde. Dans cette atmosphère tragique, le soutien psychologique n’est plus un luxe, mais une nécessité urgente, dernier fil qui retient l’espoir.

Dans ce contexte, les équipes de l’UJPF ont poursuivi leur travail vital de soutien psychologique auprès des femmes déplacées. Cette semaine, une nouvelle séance intitulée « Voyage en moi-même : une minute de calme » a été organisée. Elle a constitué une tentative pour alléger le poids des souffrances, une petite fenêtre laissant filtrer la lumière au milieu de l’obscurité. Vingt femmes du camp Al-Asdiqaa, à l’ouest de Deir al-Balah, y ont participé : certaines étaient des mères ayant perdu leurs enfants sous les décombres, d’autres des épouses de prisonniers ou de martyrs. Toutes portaient sur leurs visages les traits d’une tristesse qui ne les a pas quittées depuis le début de la guerre. L’objectif de la séance était d’apporter aux participantes des techniques simples de méditation et de pleine conscience, pour les aider à retrouver un peu de l’équilibre psychologique perdu dans une réalité emplie de peur et de privation.

La séance a commencé par une introduction intitulée « Où suis-je maintenant ? », invitant chaque participante à exprimer une émotion ressentie sur le moment. Très vite, la rencontre s’est transformée en un espace sûr où les larmes ont coulé avant les mots. Une femme quadragénaire, ayant perdu sa maison, a confié son sentiment « d’inutilité », en disant : « Je n’ai ni toit, ni sécurité. Tout ce que j’ai, c’est ce moment où je peux respirer en paix, ne serait-ce qu’une minute. » Vint ensuite l’exercice « Respirer le calme », basé sur l’inspiration et l’expiration profondes, comme une tentative désespérée de convaincre le corps qu’il existe une échappatoire au stress qui s’intensifie. Dans les yeux des femmes, on lisait de sincères efforts pour s’accrocher à cet instant, fût-ce brièvement.

L’exercice « Voyage en moi-même » ressemblait à une plongée dans les douleurs enfouies. Les participantes, yeux clos, furent invitées à écouter les sons environnants. Et à chaque écho lointain d’une explosion, leurs corps frissonnaient, mais la concentration sur la respiration leur rendait une part de maîtrise sur leurs peurs. À ce moment, une jeune femme d’une vingtaine d’années a commenté : « Au début, mes pensées s’entrechoquaient, comme des cris incessants. Mais en me focalisant sur ma respiration, j’ai senti que je détenais une clé magique pour mettre fin au vacarme intérieur, ne serait-ce que provisoirement. »

La séance incluait aussi l’activité « Cahier de gratitude », difficile à pratiquer dans un contexte de privation et de perte. Pourtant, les femmes réussirent malgré tout à écrire des phrases empreintes de sincérité et de simplicité. L’une d’elles a noté : « Je suis reconnaissante que ma petite fille soit encore à mes côtés et que je ne l’aie pas perdue sous les ruines. » Une autre a écrit : « Je remercie Dieu de respirer encore, malgré toute cette douleur. » Ces phrases résonnaient comme des actes de résistance face à la mort, un refus de voir leur humanité écrasée par la guerre.

La rencontre s’est conclue par « Une minute de calme », un instant de silence durant lequel toutes ont mis en pratique ce qu’elles avaient appris. Dans ce silence, la tristesse se mêlait à l’espérance, comme si elles puisaient une force intérieure pour affronter des jours à venir peut-être encore plus cruels. Une participante d’une cinquantaine d’années a confié : « Je n’aurais jamais imaginé qu’une minute suffirait pour me donner l’impression d’avoir trouvé un refuge intérieur. Je vais en faire une habitude quotidienne afin de ne pas me laisser engloutir par le désespoir. »

Cette séance n’a pas été un simple entraînement à la méditation ou à la respiration, mais un espace de confidence et de vulnérabilité, sans crainte d’être jugées. Grâce à ces activités interactives, les femmes ont pu ressentir que la paix n’est pas toujours à chercher à l’extérieur, mais qu’elle peut se cacher dans les profondeurs de leur être. Certes, la guerre leur a volé leurs maisons, leurs rêves et leurs proches, mais elle n’a pas réussi à leur arracher le droit de chercher une minute de calme intérieur.

Cet atelier a confirmé que le voyage le plus puissant n’est pas celui qui nous éloigne des décombres de la réalité, mais celui qui nous plonge dans nos âmes meurtries à la recherche des restes de paix. Alors que les bombardements et la destruction continuent, le soutien psychologique demeure une artère de vie, redonnant aux femmes déplacées une part d’espoir et de résilience. Et, entre douleur et larmes, persiste un espace minuscule où germe l’espérance, pour que les femmes de Gaza se relèvent des décombres, portant en elles un message clair : « Nous résisterons par la vie, nous résisterons par la paix que nous créons en nous-mêmes. »

Atelier dans le camp d’Isra

Au cœur de la tragédie que vit la bande de Gaza, où la guerre assiège les habitants dans des camps de déplacés et laisse derrière elle des scènes de destruction et de perte, les femmes demeurent les plus affectées par le poids de ces conditions cruelles. Dans des camps tels que celui d’Isra, au centre de Gaza, la vie quotidienne se transforme en une bataille pour la survie, où la dureté de la perte se combine avec le fardeau des responsabilités, plaçant les femmes face à face avec les images de ruines et les échos d’explosions incessantes. Ici, dans une réalité encerclée par l’injustice et la souffrance, l’espoir et la créativité deviennent des artères vitales, une tentative fragile de préserver une humanité broyée sous le poids de la guerre.

C’est dans cet esprit que les équipes de l’UJPF ont poursuivi leurs efforts essentiels en offrant un soutien psychologique aux femmes affectées, en organisant une séance particulière intitulée : « Malgré la guerre – Nous vivons et créons – Nous semons l’espoir dans les ruines ». Cette rencontre n’était pas une simple activité ordinaire, mais une fenêtre d’expression et de libération, une tentative de reconstruire de petites poches de sérénité au cœur de l’enfer. Vingt-cinq femmes déplacées y ont participé, apportant avec elles des histoires de douleur, de nostalgie et de peur, mais trouvant également un espace pour respirer un peu de l’espoir perdu.

La séance a débuté par une activité symbolique intitulée « La graine de l’espoir », où chaque participante était invitée à évoquer un souvenir qui lui avait offert une lueur de lumière au milieu de l’obscurité. L’une d’elles raconta avoir vu son enfant sourire malgré la faim, et ressentit que ce sourire surpassait la dureté du siège. Une jeune femme évoqua le moment où, après une nuit de bombardements intenses, elle entendit le chant des oiseaux, y voyant un message secret que la vie n’était pas encore vaincue. Cette ouverture posa les bases d’un terrain commun, renforçant l’idée que l’espoir pouvait renaître, même au milieu des décombres.

Vint ensuite l’activité collective « Notre jardin », où les femmes reçurent des feuilles et des crayons de couleur afin de dessiner une graine d’espoir grandissant dans leur cœur. L’une d’elles dessina un olivier majestueux et déclara, d’une voix tremblante : « Cet arbre me rappelle notre maison détruite, mais il demeure le symbole de ma force, comme l’olivier qui est resté debout durant des siècles. » Une autre esquissa un livre ouvert, expliquant : « Mon rêve est de reprendre mes études et de continuer ce que la guerre a interrompu. » Une femme âgée, quant à elle, dessina une rose rouge, affirmant qu’elle représentait sa fille martyre, qui resterait vivante dans son cœur tant que la vie continuerait.

La séance ne s’est pas limitée aux dessins, mais s’est prolongée avec une activité pratique émouvante intitulée « Nous semons à partir des ruines », utilisant des matériaux simples comme de vieux journaux et des morceaux de tissu usé pour créer des œuvres artistiques reflétant l’idée de créativité née du néant. L’une des participantes, tenant un morceau de tissu coloré, dit : « Quand je tiens ce fil, j’ai l’impression de saisir le fil de l’espoir que je ne laisserai jamais tomber. » Cette activité incarnait la capacité humaine à transformer les cendres en message de vie, et à donner un sens nouveau même dans les lieux les plus sombres.

Le moment le plus marquant fut celui de « L’histoire de la résilience », où les femmes, assises en cercle, partagèrent leurs récits de douleur et de créativité. Une femme quinquagénaire, les larmes coulant sur ses joues, confia : « Je n’aurais jamais cru pouvoir créer quelque chose de beau au milieu de ces ruines. Quand j’ai dessiné une petite fleur, j’ai senti que je venais de planter l’espoir à nouveau dans mon cœur. » Une jeune participante, rappelant ses souvenirs d’enfance liés au dessin, expliqua que la séance lui avait permis de se reconnecter à son être profond : « Ce moment a été comme un pont vers mon vrai moi. J’avais oublié que j’aimais dessiner, mais aujourd’hui je m’en suis souvenue, et j’ai senti que la vie pouvait renaître avec de simples traits de couleur. »

La séance fut aussi l’occasion de partager des récits encore plus douloureux. Une mère parla de la perte de trois de ses enfants et dit : « Il ne me reste plus rien, si ce n’est m’apprendre à rester forte, peut-être parce que je n’ai pas le luxe de m’effondrer. » Une adolescente raconta comment elle avait perdu sa maison et ses rêves, mais qu’elle avait tout de même choisi de dessiner un soleil sur sa feuille, ajoutant : « Même si je n’ai plus de maison, j’aurai toujours le ciel. » Ces témoignages n’étaient pas de simples mots, mais des cris venus du cœur de la souffrance, portés par des femmes qui ont vécu l’injustice dans toutes ses dimensions.

La conclusion fut aussi émouvante que le début. Toutes reconnurent que cette séance, malgré sa simplicité, avait réussi à recharger leurs âmes d’une dose d’espoir qui s’étiolait. Les animatrices confirmèrent que de telles activités ne sauvent pas les vies de la guerre, mais qu’elles sèment de petites graines capables de donner aux cœurs la force de continuer. Cette expérience a ancré la vérité que le plus beau jardin est celui que nous cultivons dans nos cœurs, et que la plus belle créativité est celle qui jaillit des entrailles de la souffrance.

Ce compte rendu de la séance révèle que la guerre à Gaza n’est pas seulement une guerre contre la pierre, mais aussi une guerre contre l’âme, la mémoire et la dignité humaine, laissant les femmes face à des blessures ouvertes que rien ne panse sinon l’espoir et la créativité. Tandis que le monde continue de se taire, les femmes de Gaza poursuivent leur mission de créer de la beauté à partir du néant, et de semer l’espoir dans une terre ensevelie sous les ruines, affirmant ainsi que la résilience n’est pas un choix mais un destin, et que la vie, malgré toute son injustice, mérite d’être vécue, ne serait-ce qu’avec une petite fleur dessinée sur une feuille usée.

(Voir aussi les chroniques et articles postés par Brigitte Challande du Collectif Gaza Urgence déplacé.e.s quotidiennes sur le site d’ISM France et du Poing, article hebdomadaire sur le site d’Altermidi, et sur l’Instagram du comité Palestine des étudiants de Montpellier..)

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