Témoignage de Marsel, du Centre Ibn Sina, le 18 février 2025 – Une tristesse infinie

 » À Gaza, même les oiseaux, qui ont des ailes, ne migrent pas »

J’ai reçu sur mon téléphone un message d’une institution humanitaire m’invitant à recevoir un colis humanitaire, qui n’est pas un simple avis, mais représente pour les déplacés une faible lueur d’espoir dans les ténèbres, un point de lumière dans un monde marqué par les douleurs de la guerre et les tragédies des génocides, leur donnant une chance de survivre.

Je me suis rendu à l’adresse mentionnée dans la lettre. À mon arrivée, la scène qui s’offrait à moi fut un choc en soi. Une longue file d’attente, étirée comme des bras tristes se dirigeant vers le ciel, deux rangées parallèles : l’une pour les hommes, l’autre pour les femmes, toutes deux se rejoignant en un point de douleur.

J’ai fait la queue, et en silence, car j’ai décidé d’endurer cette attente épuisante. Je ne me suis pas demandé comment abréger ces moments qui me séparent de ce que je croyais être une lueur d’espoir.

En observant les visages autour de moi, un homme d’une cinquantaine d’années a attiré mon attention, debout devant moi, avec le poids du temps sur les épaules. Son dos est courbé, comme si la lourde charge de la souffrance et de la douleur l’avait écrasé. J’ai tendu la main avec une simple question : « Pourquoi l’un de vos fils ne vous aide-t-il pas ? » Il m’a regardé avec des yeux imbibés d’une mer de tristesse, et a dit d’une voix intermittente : « Mes enfants ? Sont-ils là… sous les décombres de notre maison ? »

Une autre femme à côté de moi a soupiré, et la femme qui parlait avec des yeux embourbés dans la tragédie m’a regardé et a dit d’une voix presque jusqu’au dernier souffle : « Quant à moi… J’ai trouvé ma mère dans le massacre de l’Ecole des fidèles. Une crypte pleine de douleurs que le temps ne peut guérir. »

Chaque pas dans cette file révélait une blessure plus profonde, une douleur plus profonde. Alors que mon tour approchait, j’ai senti le poids des mots remplir l’espace autour de moi, alors j’ai pris ma décision. Je me suis retiré tranquillement pour ne plus entendre d’histoires, et je n’ai plus eu envie d’autre chose que de quitter cet endroit, silencieux, et j’en suis revenu avec une tristesse infinie.

(Voir aussi les chroniques et articles postés par Brigitte Challande du Collectif Gaza Urgence déplacé.e.s quotidiennes sur le site d’ISM France et du Poing, article hebdomadaire sur le site d’Altermidi, et sur l’Instagram du comité Palestine des étudiants de Montpellier..)

    Tous les dossiers