Je ne sais pas comment commencer à écrire.
À chaque instant surgit une nouvelle, ou se dévoile un plan inattendu, annoncé par l’empereur du Moyen-Orient… ou peut-être le grand Satan ? Je ne sais quelle appellation est la plus juste, mais ce qui est certain, c’est que c’est bien lui : Benyamin Netanyahou. Celui qui semble désormais décider du sort des peuples et tenir entre ses mains les fils du chaos, tel un parrain qui ne craint rien et ne respecte personne.
Oui, c’est Netanyahou, l’homme au bras long, qui agit à sa guise, quand il veut, sans la moindre crainte du monde entier. Aucune loi ne le limite, aucun traité ne l’arrête, et pas même un sentiment de honte face aux scènes de sang et de destruction qu’il provoque. Il piétine toutes les règles internationales et poursuit ses plans avec assurance, comme si le monde s’était soumis à sa folie ou y participait par un silence complice.
En cette époque où les significations changent comme changent les positions, le conseil des ministres israélien s’est réuni, et le Premier ministre a dévoilé son plan qu’il a présenté comme une « vision sécuritaire future pour la bande de Gaza ». Un plan qui porte entre ses lignes beaucoup de poudre, mais enveloppé dans un langage diplomatique soigneusement calibré. Le mot d’ouverture qui a suscité la polémique fut le remplacement du terme « occupation » de la bande par celui de « prise de possession ». Comme si nous assistions à une séance linguistique plutôt qu’à une réunion de guerre, ou comme si ce changement de vocabulaire pouvait modifier la réalité tragique sur le terrain.
Ce choix de terme ne semble pas fortuit : il vise à présenter le plan comme une intervention légale et légitime, et non comme une action militaire replongeant la région dans le sang et la ruine. Employer « prise de possession » revient à enjoliver le crime et à l’offrir à la communauté internationale sur un plateau juridique, emballé de prétextes sécuritaires, dans une tentative de vendre un projet dont le seul objectif est d’imposer un contrôle total sur Gaza et de supprimer toute forme de souveraineté palestinienne.
Un plan en cinq principes… pour des résultats catastrophiques
Le plan repose sur cinq piliers principaux, présentés comme des propositions pour mettre fin à la guerre, mais qui, en réalité, ouvrent la voie à une nouvelle forme d’occupation à long terme :
- Désarmement du Hamas, exigence prioritaire constituant la pointe de la lance du projet militaire.
- Récupération des prisonniers israéliens, vivants ou morts, y compris les dépouilles de ceux tombés lors des affrontements.
- Désarmement complet de la bande de Gaza, incluant toutes les factions armées et toute capacité militaire potentielle.
- Imposition d’un contrôle sécuritaire israélien permanent sur l’ensemble de la bande, ce qui équivaut pratiquement à une occupation continue avec des moyens modernisés.
- Mise en place d’un gouvernement civil de remplacement pour le Hamas et l’Autorité palestinienne, sans préciser l’identité de ce gouvernement, comme si l’on pouvait importer l’alternative d’une autre planète.
Ces principes, bien que présentés de manière ordonnée sur le papier, signifient, une fois appliqués, une destruction systématique des dernières composantes de la vie politique et sociale à Gaza, consolidant une réalité d’occupation sous l’appellation de « contrôle sécuritaire temporaire ». Temporaire dans le discours politique, mais permanent dans l’intention et la planification.
Conséquences humanitaires prévisibles
L’un des aspects les plus graves de ce plan est le déplacement forcé prévu de plus d’un million de Palestiniens du nord de Gaza vers le sud, sous prétexte « d’évacuation des zones d’opérations ». Mais cette évacuation ne sera pas pacifique : elle se fera probablement sous un déluge de bombardements, transformant la fuite vers le sud en un exode massif à travers les ruines et les corps des victimes, et non en un transfert sûr comme le prétendent certains discours politiques.
Quant au sud, il se verra doté de ce que l’on appelle des « camps d’hébergement », qui sont en réalité des camps de déplacement forcé, dépourvus des conditions minimales de vie digne. Ces camps seront installés dans un environnement assiégé, sous supervision militaire, avec une nourriture limitée, une eau contaminée, une infrastructure détruite et une communication réduite avec le monde extérieur ; comme si ceux qui y sont envoyés étaient arrachés à leur contexte humain et relégués aux marges de la vie.
Si ces conséquences se concrétisent comme prévu, elles ne constitueront pas seulement une nouvelle tragédie à ajouter au lourd passif palestinien : elles représenteront aussi une tache indélébile sur le front du monde spectateur, qui débat encore du langage des communiqués pendant que les corps sont broyés sous les décombres.
Ce qui frappe dans ce plan, c’est qu’il parle de « dispositions sécuritaires » et de « solutions politiques », tout en ignorant totalement le sort de la population civile, comme si elle n’était qu’un détail marginal dans un conflit qui ne la concernerait pas. Le plan ne mentionne ni la reconstruction, ni l’indemnisation des sinistrés, ni même la fin de la catastrophe humanitaire en cours. Il se limite à un scénario purement sécuritaire où l’avenir de Gaza se dessine entre les mains de l’occupant, et non de ses habitants.
La question des prisonniers palestiniens n’apparaît nulle part dans les documents du conseil, comme si elle ne méritait pas d’être mentionnée, ou comme si leurs détenteurs n’étaient pas des êtres humains. Et si un accord d’échange venait à être trouvé, ce ne serait qu’un épisode « passager » du plan, n’interrompant pas la guerre, mais lui offrant juste une pause avant la reprise des bombardements.
Soutien international : complice par le silence ou par l’aide
Le rôle des États-Unis dans ce plan ne sort pas du cadre habituel : un soutien massif au projet, comprenant le financement de centres d’aide et la fourniture de denrées alimentaires. Scène familière : d’abord on détruit les maisons, puis on distribue une « boîte alimentaire » ornée du drapeau américain, dans une tentative de présenter la tragédie comme une « opportunité d’aide humanitaire ».
Quant aux éléments les plus extrémistes du gouvernement israélien, tels que certains ministres ultra-radicaux, ils ont exprimé leur refus de toute aide et jugé toute discussion sur la fin de la guerre prématurée. Pour eux, le contrôle de Gaza n’est pas seulement un objectif politique, mais une « opportunité en or » à exploiter pleinement, sans le moindre égard pour le coût humain.
Un projet à long terme… sous le signe de la militarisation
D’après les détails opérationnels divulgués, le plan sécuritaire prendra plusieurs mois pour instaurer un contrôle complet sur la bande, tandis que l’application du modèle de la Cisjordanie à Gaza nécessiterait environ cinq années de combats continus. Ce qui signifie que toute annonce d’une « fin proche de la guerre » n’est qu’une tromperie médiatique.
On craint que la bande ne se transforme en une zone sécuritaire fermée, soumise à des campagnes de perquisitions, d’arrestations et à l’imposition d’un couvre-feu, dans une version actualisée — mais plus dure et plus brutale — de l’expérience d’occupation en Cisjordanie.
Conclusion : une tragédie dans un langage diplomatique
En fin de compte, ce plan n’est qu’un recyclage d’un vieux projet colonial, vêtu d’un nouveau costume linguistique. La « prise de possession » n’est rien d’autre qu’une occupation parfumée d’une légalité de façade, les frappes aériennes ne sont que des outils de domination, et le peuple palestinien, une fois de plus, est sommé de payer le prix d’une guerre qu’il n’a pas choisie, et abandonné à son sort dans une bataille que l’on veut trancher à la fois à l’encre et à la poudre.
Au milieu des décombres des maisons, des ruines des écoles et des corps des victimes, Gaza attend encore la justice, tandis que le monde s’attarde sur les mots… et oublie la vérité.
(Voir aussi les chroniques et articles postés par Brigitte Challande du Collectif Gaza Urgence déplacé.e.s quotidiennes sur le site d’ISM France et du Poing, article hebdomadaire sur le site d’Altermidi, et sur l’Instagram du comité Palestine des étudiants de Montpellier..)