Abu Amir, 7 juillet 2025, Gaza.
Dans l’obscurité imposée par la guerre à Gaza, entre les tentes du déplacement et l’inconnu qui entoure le quotidien des femmes, cet atelier de soutien psychologique est comme une petite fenêtre à travers laquelle les âmes accablées de tristesse peuvent apercevoir une lueur d’espoir. L’atelier a ciblé les femmes déplacées du nord de Gaza et a été accueilli dans le camp d’Al-Isra, un lieu qui gémit de douleur mais continue de battre au rythme de la vie.
L’intitulé de l’atelier, « Ta voix est vie… et ton corps parle », a été inspiré par la souffrance des femmes dont les voix ont été étouffées sous les décombres des traumatismes, et qui ont stocké la douleur dans leurs regards tremblants et leurs épaules affaissées.
La séance a commencé par une musique douce, dont les notes se glissaient délicatement dans le cœur des participantes. Une musique non pas pour divertir, mais pour établir un lien entre le moment présent et ce qui a été enfoui au plus profond d’elles-mêmes. Les femmes se sont assises en cercle, au centre duquel une petite bougie fut allumée, symbole d’un espoir suspendu à un fil ténu. L’animatrice a demandé à chaque participante de fermer les yeux quelques instants, de prendre une profonde inspiration, puis d’expirer lentement, comme pour libérer quelque chose de lourd de leur poitrine. L’exercice de respiration a été répété cinq fois, et à chaque expiration, l’animatrice murmurait : « Tu vas bien, tu es ici, tu es forte. »
Le premier axe de l’atelier a commencé par une activité interactive intitulée « Mon visage parle pour moi ». Chaque femme devait choisir un sentiment intérieur et l’exprimer uniquement à travers les expressions de son visage, sans prononcer un mot. Tristesse, nostalgie, crainte, ou même un petit éclat de lumière soudainement ressenti. Des rires nerveux, des larmes silencieuses, des regards hésitants… un langage muet mais aussi clair que les bombardements. Ce moment fut le début d’une brèche dans le mur du silence qui serrait l’âme de ces femmes.
L’atelier a ensuite évolué vers son deuxième axe, dans lequel l’animatrice a raconté une histoire vraie inspirée de l’expérience d’une femme déplacée. C’était l’histoire d’une mère cherchant son enfant sous les décombres, et des mots qu’elle n’a pas pu dire, de peur que ceux qui lui restaient ne s’effondrent. À ce moment-là, l’émotion des femmes est montée, leurs voix ont commencé à trembler. L’animatrice a ouvert l’espace au partage :
« Laquelle d’entre vous a déjà senti les mots coincés dans sa gorge ?
Laquelle a retenu une larme par peur d’avoir l’air faible ? »
Les témoignages se sont succédé, l’un après l’autre.
Une femme d’environ cinquante ans a pleuré en silence en disant :
« Je n’ai pas serré ma fille dans mes bras depuis le début de la guerre, nous avions toutes les deux peur de nous effondrer si nous pleurions ensemble. »
Une étudiante a partagé un rêve récurrent :
« Je fuis les bombardements, mais personne ne m’attend. »
À chaque témoignage, un véritable soulagement avait lieu, comme si chaque mot retirait une pierre posée sur le cœur.
Dans cette partie, un exercice a été introduit, intitulé « Je parle… donc j’existe ».
Chaque participante a été invitée à former une phrase commençant par :
« Je ressens… » ou « J’ai besoin de… »
Des phrases simples, mais douloureusement sincères :
« Je ressens de la peur. »
« J’ai besoin des bras de ma mère. »
« Mon foyer me manque. »
« J’ai besoin de dormir sans trembler. »
Une courte séquence musicale a été dédiée à une pièce jouée au qanûn, accompagnée d’une voix douce répétant une seule phrase :
« Tout redeviendra comme avant… un jour. »
Pendant cette mélodie, il a été demandé aux femmes d’écrire un mot sur un papier coloré décrivant leur ressenti du moment. Les papiers ont été dispersés au centre du cercle, comme de petites histoires cherchant un lecteur.

La responsabilité sociale n’a pas été absente de l’atelier. Les participantes ont abordé le thème : « La liberté d’expression et la responsabilité de la parole. »
Comment nos mots peuvent-ils soutenir ou blesser les autres ?
Comment exercer notre droit à nous exprimer même au milieu du chaos, sans transmettre la peur ou amplifier la douleur ?
Une femme âgée a dit :
« Je croyais tout ce que j’entendais et je le répétais à tout le monde. Aujourd’hui, j’ai appris que poser la question : (D’où as-tu entendu cela ?) est en soi une manière de protéger les autres de la panique. »
L’atelier s’est conclu par un message collectif intitulé : « Nous sommes une seule voix ».
Les participantes se sont levées côte à côte, tenant un long ruban de tissu sur lequel était écrit :
« Nous méritons d’être entendues, nous méritons d’être étreintes, nous méritons la vie. »
Une musique de clôture a été jouée, suivie d’un dernier exercice de respiration.
Puis vint un silence solennel.
Ce silence n’était plus celui de la peur comme au début, mais celui d’âmes apaisées, libérées de leurs fardeaux, et remplies de lien et de sécurité.
Les femmes ont quitté l’atelier les larmes aux yeux — mais cette fois, leurs regards disaient :
« Nous sommes là… et nous avons enfin parlé. »
Photos et vidéo ICI
(Voir aussi les chroniques et articles postés par Brigitte Challande du Collectif Gaza Urgence déplacé.e.s quotidiennes sur le site d’ISM France et du Poing, article hebdomadaire sur le site d’Altermidi, et sur l’Instagram du comité Palestine des étudiants de Montpellier..)