Soulèvement de la population contre les profiteurs de guerre
Les manifestations se poursuivent à Deir al-Balah pour le deuxième jour consécutif, alors que les marchés sont complètement fermés jusqu’à nouvel ordre, dans un geste sans précédent des habitants pour exprimer leur rejet des prix élevés qui sont devenus un fardeau pour eux. C’est une colère contre les pratiques des commerçants qui ont monopolisé les produits de base, ce qui a exacerbé les souffrances de la population à la lumière des conditions économiques difficiles.
Cette fermeture est une réponse directe à ce que les habitants décrivent comme la cupidité de nombreux commerçants, qui ont exploité les circonstances critiques que traverse la bande de Gaza et ont augmenté les prix à des niveaux inacceptables, considérant que cette exploitation n’est pas différente de l’agression, car elle vise les moyens de subsistance et la dignité de la population.
Alors que la manifestation se poursuivait à Deir al-Balah, un certain nombre de commerçants se sont déplacés vers Nuseirat, où ils ont essayé de pratiquer les mêmes politiques de monopole. Les habitants de Nuseirat ne les ont pas tolérés et ont plutôt fait comme leurs voisins de Deir al-Balah en annonçant aujourd’hui la fermeture de tous les marchés de Nuseirat. Cette mesure est une prise de position claire contre ce que les habitants décrivent comme un commerce du sang du peuple en temps de crise.
Les habitants ont vu l’exploitation des souffrances du peuple par les commerçants comme une trahison du peuple, considérant ces commerçants comme semblables à l’agresseur israélien qui tue et détruit le peuple palestinien. Malgré les conditions difficiles que traverse Gaza en raison des bombardements et du siège, les habitants ont vu que ceux qui exploitent la nécessité sont des partenaires indirects dans la destruction de la société.
Pour la première fois depuis le début de la guerre, un mouvement populaire audacieux a émergé contre les marchands monopolisateurs, les habitants du centre de la bande de Gaza ayant osé se rendre dans les entrepôts et les magasins de certains de ces marchands et pris ce qu’ils ne pouvaient plus acheter en raison des prix élevés.
Cette mesure, qui peut paraître inhabituelle, reflète la détérioration de la situation dans laquelle vivent les habitants de la bande de Gaza, elle est le résultat naturel de longues années de siège, de famine et de marginalisation. Les souffrances n’étaient pas seulement le résultat de la dernière guerre, mais plutôt une accumulation des souffrances que le peuple palestinien de Gaza a subies au cours de nombreuses années de pressions économiques et de restrictions imposées.
Le blocus israélien, qui s’est accompagné d’agressions répétées contre la bande de Gaza, n’avait pas seulement pour objectif de détruire des habitations, des installations publiques et des infrastructures, mais semble également chercher à briser le moral de la société palestinienne et à démanteler sa cohésion morale.
La politique de blocus ne visait pas seulement à contrôler les approvisionnements et les ressources, mais aussi à déstabiliser la société et à créer un fossé entre les individus d’une même nation. Lorsque les gens atteignent un point où ils perdent l’espoir d’obtenir ce qui est nécessaire à la vie, ils sont obligés de prendre des mesures qui ne leur seraient pas venues à l’esprit dans d’autres circonstances, et ils peuvent avoir recours au pillage des magasins d’alimentation, non pas par criminalité, mais par survie.
De nombreux habitants considèrent que ces politiques ne sont pas aléatoires, mais plutôt qu’elles font partie d’un plan plus vaste visant à affaiblir les liens communautaires et à saper les valeurs qui ont longtemps été un pilier fondamental de la société palestinienne. Les citoyens pensent que l’armée israélienne ne cherche pas seulement à détruire des bâtiments et des installations, mais vise également à affaiblir l’esprit de détermination et à promouvoir un état de chaos et de désintégration morale dans la société. Un peuple sans morale et sans cohésion est facile à contrôler et devient moins capable de résister, ce que l’occupation israélienne cherche à obtenir par de longues années de siège et de campagnes militaires répétées.
Cette situation est devenue un avertissement de la gravité de l’état de la société à Gaza, où les gens sont poussés au bord du désespoir, au vu de l’absence d’options disponibles et de l’accumulation des crises économiques et sociales. Aujourd’hui, le peuple palestinien se rend compte que son unité et sa solidarité sont le seul moyen de surmonter ces conditions difficiles, et il voit que la détermination face à l’occupation ne se limite pas à la résistance à l’agression militaire, mais s’étend à la lutte contre la cupidité et l’exploitation interne, et à la protection de la cohésion de la société et de ses valeurs morales, afin que le peuple palestinien reste fort face aux tentatives de destruction systématique. »
Suivi quotidien de la situation dans le nord de Gaza
L’armée israélienne poursuit ses opérations militaires intensives à Jabalia, au nord de la bande de Gaza, dans une attaque considérée comme l’une des campagnes militaires les plus violentes et les plus féroces dans cette zone au milieu de l’étonnante résistance des citoyens qui ont refusé de quitter leurs terres. Cette campagne s’inscrit dans le contexte d’une stratégie israélienne de contrôle des zones septentrionales de la bande, dans un contexte de craintes croissantes pour le sort des civils pris au piège, qui ne trouvent aucun moyen d’échapper à ces violents combats.
Malgré le démenti de l’armée israélienne sur les informations circulant sur le soi-disant « Plan des Généraux » qui vise à évacuer les habitants des zones nord pour permettre l’établissement de colonies israéliennes, ce qui se passe sur le terrain donne des indications claires sur la mise en œuvre de ce plan. Ces derniers jours, on a assisté à une fragmentation notable des zones du nord de la bande de Gaza, avec des routes et des rues coupées et des restrictions de mouvement des civils, forçant des dizaines de milliers d’entre eux à fuir vers le sud, abandonnant derrière eux leurs maisons et leurs biens, dans une opération d’évacuation à grande échelle qui indique une politique systématique d’expulsion de la population de la zone.
Les rapports de terrain indiquent qu’environ 55 000 civils ont été évacués de Jabalia sur ordre de l’armée israélienne, ce qui a conduit à une diminution significative de la densité de population, offrant à l’armée un environnement plus adapté pour mener à bien ses opérations avec un minimum de restrictions.
L’armée israélienne affirme que ces opérations visent à « terminer la mission » en éliminant complètement les capacités militaires du Hamas à Jabalia, et en arrêtant tout mouvement ou opération militaire qui pourrait menacer la sécurité israélienne.
Toutefois, les indications sur le terrain indiquent que cette campagne militaire ne vise pas le Hamas, mais plutôt les civils. Depuis le début de l’opération militaire dans le nord de la bande de Gaza, les rapports indiquent que le nombre de morts civils a dépassé le millier, en plus de milliers de blessés. Malgré la présence des équipes de la défense civile qui s’efforçaient de sauver les civils des décombres, leur exposition aux bombardements directs et la destruction de leurs derniers équipements et véhicules les ont obligées à suspendre leur travail, laissant les civils pris au piège sans aucune assistance ni secours. Ces blessés appellent quotidiennement à l’aide, mais sans réponse en raison du manque d’équipements nécessaires.
Dans une démarche visant à exercer une plus grande pression sur les civils et à les forcer à quitter leurs zones, les forces israéliennes ont détruit la plupart des puits et des principaux points d’eau à Jabalia et dans le nord, privant les habitants de l’accès essentiel à l’eau potable. Les autorités israéliennes ont également imposé un siège strict au nord de la bande de Gaza, empêchant toute aide humanitaire ou alimentaire d’y parvenir, ce qui a aggravé la crise de la faim et de la soif au sein de la population.
Le siège comprend également la destruction et les bombardements répétés d’hôpitaux et de centres de santé, ce qui accroît les souffrances des blessés et des malades, et rend la fourniture de soins médicaux presque impossible. En conséquence, les habitants vivent dans des conditions catastrophiques qui combinent toutes les formes de souffrance, des bombardements, des destructions, la famine et la soif, en plus du manque de fournitures médicales, ce qui détériore encore plus leur santé et leurs conditions psychologiques.
Ces conditions font partie de la politique de pression globale pratiquée par les forces israéliennes, qui vise à déplacer de force les habitants de leurs terres et des zones où ils vivent depuis de nombreuses années, dans un processus d’évacuation brutal qui oblige les familles palestiniennes à affronter la mort pour défendre leurs maisons, ou à les abandonner dans l’inconnu, portant avec elles la douleur et les horreurs de la guerre.
(Voir aussi les chroniques postées par Brigitte Challande du Collectif Gaza Urgence déplacé.e.s sur les sites d’AlterMidi et ISM France)