Au cœur de la tragédie que vivent les habitants de la bande de Gaza, les enfants demeurent le maillon le plus faible et le plus durement touché, notamment durant les fêtes, ces moments qui, ailleurs, sont synonymes de joie et de célébration. Tandis que les enfants du monde entier attendent l’Aïd al-Adha avec impatience, ceux de Gaza l’appréhendent avec des yeux remplis de peur. Pour eux, la fête s’est transformée en un nouveau chapitre de douleur et de souffrance.

Plus de cadeaux, plus de rituels festifs, plus de jeux, ni de visites, ni de vêtements neufs. À la place : des tentes dispersées sur la plage, des larmes suspendues aux paupières des mères, et de petits cœurs qui se sont habitués au bruit des bombardements à la place des rires d’enfance.
L’enfance à Gaza se fane sous les flammes de la guerre. Les enfants ont perdu leurs frères, leurs parents, leurs maisons, et jusqu’au sens même de la sécurité. Beaucoup d’entre eux ne comprennent pas ce qu’est une fête – pour eux, ce n’est qu’un jour de plus passé dans les camps de déplacés, sans nourriture suffisante, ni eau potable, ni endroit sûr où jouer. Au lieu de porter des habits de fête, ils portent la peur. Au lieu de courir dans les rues pour jouer, ils fuient les bombardements. L’occupation, fidèle à elle-même, n’a pas épargné la fête de ses massacres ; elle s’est même acharnée à envelopper les jours de joie d’un linceul de deuil, faisant du sang des enfants une triste composante des rituels festifs.

Et pourtant, malgré cette réalité sombre, l’UJFP a tenu à offrir aux enfants un soupçon d’espoir en ce jour sacré.
Son initiative récréative, organisée sur la plage de Khan Younès, fut comme une lueur dans l’obscurité. Pour la première fois depuis des mois, de la musique a résonné sur le rivage. Les enfants sont venus, quittant leurs tentes dressées sur le sable ou les camps voisins à Mawasi Khan Younès. Des mascottes ont envahi les ruelles, apportant avec elles un peu de joie et invitant les enfants à rejoindre l’événement. Une fois rassemblés, la musique de la vie a recommencé à battre dans leurs cœurs. Ils dansaient, sautaient, tournaient, comme s’ils renaissaient.
Leurs petits visages semblaient frôler le ciel. Leurs rires, clairs et perçants, semblaient crier au chagrin : « Nous sommes toujours là ». Leurs petits pieds volaient sur le sable, suivant le rythme comme pour échapper aux souvenirs de la guerre. Certains dansaient les yeux brillants d’étonnement, comme s’ils ne croyaient pas avoir encore le droit à la joie. L’un d’eux étreignait une grande peluche en tournoyant, un autre la poursuivait en riant, tandis que de jeunes filles balançaient timidement leurs hanches avant d’éclater de rire en voyant leurs camarades jouer sans retenue. C’était un moment saisissant, presque irréel, un rêve volé à un temps que ces enfants ne connaissent que par les histoires.

Les mères regardaient leurs enfants sauter et danser, les yeux embués de larmes. Des larmes qui n’exprimaient pas le chagrin, mais le miracle de voir la joie revenir à leurs petits. Elles les regardaient tourner sur eux-mêmes, applaudir, et pendant un instant, on aurait cru que la guerre reculait, que leurs cœurs alourdis par le chagrin recommençaient à battre. La plupart n’ont pu retenir leurs larmes ; elles coulaient silencieusement sur leurs joues, tandis qu’un léger sourire, fatigué mais porteur d’espoir, naissait sur leurs lèvres. Pour chaque mère, ce moment de danse représentait une petite victoire sur la mort.
Et pendant que les enfants dansaient, certains jeunes et pères se sont joints à eux, comme pour dire : « Nous aussi, nous voulons être heureux. Nous voulons chanter, danser et vivre. Assez de larmes, de deuils, de pertes. Nous avons le droit de vivre. » J’ai vu un père porter son enfant sur ses épaules en dansant sur le sable, un autre courir vers son fils pour partager avec lui un moment de rire et de bonheur. C’était comme si ce moment unissait des générations entières à la recherche d’un sens à la vie, au milieu des ruines. Ils dansaient non seulement pour exprimer leur joie, mais aussi pour dire non à l’abandon, résister à la douleur, et affirmer que Gaza, malgré la destruction, reste capable de faire naître une fête à partir des décombres.
Ce jour n’était pas qu’un simple événement récréatif : c’était un acte de résistance humaine face à la guerre, une affirmation que la vie continue de battre à Gaza malgré tout. Les enfants de Gaza ont prouvé, à travers leur danse innocente au milieu des décombres, que la joie est un droit. Et même s’ils ont été privés de la fête telle que la vivent les enfants du monde, ils sont encore capables de créer un instant de bonheur, volé aux griffes de la douleur, dans l’attente d’une vraie fête – sans bombardements, sans exode, sans larmes.
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