Témoignage d’Abu Amir, le 5 mai 2025 (1) – Un accord sans nom… diabolique

If you need 497x500 png Témoignage d'Abu Amir, le 5 mai 2025 (1) – Un accord sans nom… diabolique
« S’il vous faut tuer plus de 17.000 enfants pour le prendre, ce n’est peut-être pas votre pays !!! »

À un moment charnière de l’histoire du Moyen-Orient, le président américain Donald Trump s’apprête à revenir dans la région par la porte de l’Arabie Saoudite, lors d’une visite prévue pour le 13 mai. Mais ce n’est ni une visite protocolaire ordinaire, ni une tournée diplomatique pour des séances photos. C’est une visite chargée de messages, qui semble presque être un prélude à un « accord politique silencieux », sans nom explicite, mais qui porte en elle les contours d’une version remaniée de la « transaction du siècle »… ou peut-être de l’Accord de Gaza.

Selon des fuites concordantes de sources américaines et israéliennes, cette visite s’inscrit dans un contexte de manœuvres frénétiques visant à imposer une trêve durable dans la bande de Gaza, ouvrant ainsi de nouvelles fenêtres vers une normalisation avancée entre l’Arabie Saoudite et Israël. Une fois de plus, les Palestiniens se retrouvent à jouer le rôle du « joueur silencieux » dans un grand jeu politique qui se déroule au-dessus de leurs têtes et se négocie en coulisses, sous un titre non déclaré : « le calme contre la normalisation ».

De la transaction du siècle… à l’accord de Gaza ?

Trump revient au Moyen-Orient sans avoir oublié son programme politique inachevé. En 2020, il avait annoncé la « transaction du siècle », massivement rejetée sur les plans populaire et politique dans le monde arabe. Cependant, cette initiative a, involontairement, pavé la voie à un processus de normalisation rapide impliquant les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Soudan et le Maroc. Bien que l’accord ait officiellement échoué, ses effets secondaires ont profondément influencé les équilibres régionaux.

Aujourd’hui, Trump semble recycler les outils de cet accord sous une nouvelle forme : la bande de Gaza n’est plus perçue comme une cause de résistance ou de dignité nationale, mais comme un passage politique vers un accord plus vaste avec l’Arabie Saoudite. Une trêve temporaire dans l’enclave contre une approbation implicite de la normalisation, accompagnée de quelques « récompenses secondaires » telles que la reconstruction ou l’allègement du blocus, le tout dans un cadre sécuritaire garantissant à Israël un minimum de stabilité.

L’Arabie Saoudite : entre le silence du médiateur et les calculs du partenaire

L’Arabie Saoudite, qui a longtemps exigé un prix politique tangible pour toute normalisation, semble aujourd’hui faire preuve d’une souplesse calculée. Le tableau se dessine entre trois lignes principales : Washington – Tel-Aviv – Riyad. Il y a un volet sécuritaire, incluant des engagements américains à soutenir l’Arabie Saoudite face à l’Iran et à lui fournir des armes sophistiquées. Un volet palestinien, axé sur une trêve à long terme à Gaza, avec un paquet de projets humanitaires de reconstruction. Et un volet israélien, consistant à geler les grandes opérations militaires contre Gaza, afin de créer un climat politique favorable à des progrès réels dans le dossier de la normalisation.

Dans ce contexte, Gaza devient un dossier « tactique » plus qu’autre chose, une carte fonctionnelle permettant de déverrouiller la porte menant à un accord historique entre l’Arabie Saoudite et Israël. Ce qui est proposé au Hamas est une version améliorée de l’accord « le calme contre la nourriture » : ouverture des points de passage, entrée de l’aide, échanges de prisonniers, peut-être même quelques projets modestes… contre un cessez-le-feu à long terme et un désarmement progressif.

Un accord sans annonce… mais en cours d’exécution

Ce à quoi nous assistons aujourd’hui, c’est un accord sans papiers, sans cérémonie de signature, mais avec des outils concrets de mise en œuvre sur le terrain. Officiellement, « aucun accord » n’existe, mais les faits révèlent le contraire. Chaque partie recherche un gain : Israël sa sécurité, l’Arabie Saoudite un poids politique et international, et Trump un héritage diplomatique à rapporter à l’intérieur des États-Unis.

Selon des rapports de presse américains, dont Axios, Trump prévoit de présenter un « plan de paix actualisé » lors de sa rencontre avec le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, comprenant les grandes lignes d’une trêve à Gaza, en guise de prélude à une nouvelle phase des relations entre le Golfe et Israël.

Hamas… entre réalité et défi

Malgré ses déclarations publiques, le Hamas ne semble pas totalement éloigné de la trajectoire de cet accord. Les années de guerre et de blocus ont épuisé la structure sociale et économique de Gaza. Avec une situation humanitaire sans précédent, toute trêve – même conditionnelle – devient une solution envisageable. Mais c’est là que réside le défi éthique et politique : Gaza va-t-elle devenir un corps sur lequel les acteurs négocient ? Et l’acceptation du strict minimum de droits, en échange d’une « sortie humanitaire sécurisée », va-t-elle devenir une pièce d’un accord plus vaste conclu sur les ruines des victimes ?

Des réalités qu’on ne peut ignorer

Ce qui est douloureux, c’est que tout le monde en est conscient : les principes ne dirigent plus la politique. Trump ne voit en Palestine que des chiffres dans un tableau de gains et pertes. L’Arabie Saoudite oscille entre opinion publique et opportunités géopolitiques. Quant à Israël, elle cherche à clore l’ère de la résistance par une longue accalmie, prélude à un accord de paix avec Riyad, souvent décrit comme « le grand prix » de la diplomatie israélienne.

Et dans tout cela, Gaza reste présente uniquement comme condition : condition d’un apaisement, condition d’une normalisation, condition de grandes transactions. Sans voix, sans représentation réelle.

Réorganisation du théâtre… mais à quel prix ?

La visite attendue de Trump en Arabie saoudite ne sera pas une simple visite ordinaire. C’est un moment sensible où les cartes du pouvoir politique régional sont redessinées. Aucun communiqué officiel n’est attendu, ni traité immédiat, mais il est certain que des documents sont en train d’être reformulés et que des cartes sont redessinées en coulisses.

Et la question en suspens demeure : allons-nous vers une accalmie menant à une paix réelle ?

Ou ne s’agit-il que d’une trêve passagère, qui prendra fin dès que les intérêts des grands acteurs auront été satisfaits ?

Seul le temps le dira, mais ce qui est certain, c’est que Gaza… comme toujours… en paiera le prix en premier. 

(Voir aussi les chroniques et articles postés par Brigitte Challande du Collectif Gaza Urgence déplacé.e.s quotidiennes sur le site d’ISM France et du Poing, article hebdomadaire sur le site d’Altermidi, et sur l’Instagram du comité Palestine des étudiants de Montpellier..)

    Tous les dossiers