Gaza a récemment été exposée à l’une des pires catastrophes humanitaires qu’elle ait connues ces dernières années ; la guerre en cours a eu de graves répercussions sur la vie de la population, qui souffre aujourd’hui de retombées complexes menaçant la stabilité de sa vie et de ses moyens de subsistance. Ces souffrances sont dues à plusieurs facteurs, dont les plus importants sont la pénurie de denrées alimentaires et la difficulté d’accès à l’aide, le chaos sécuritaire croissant et le monopole des marchands sur les produits de base, qui ajoutent un fardeau énorme à la population, compte tenu de la tragédie qu’elle vit.
D’abord, la fermeture des principaux points de passage depuis le début de la guerre a entraîné une pénurie critique de fournitures de base, qui a considérablement affecté la disponibilité des denrées alimentaires et des produits fondamentaux. L’entrée de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza est devenue extrêmement difficile, les camions chargés de nourriture et de médicaments sont incapables d’atteindre ceux qui en ont le plus besoin. Ce siège étouffant exacerbe la souffrance des personnes déplacées dans les camps et les abris, car elles manquent des éléments les plus élémentaires d’une vie décente. L’acheminement et la distribution de l’aide à ces familles est un défi difficile à relever, car les restrictions de mouvement empêchent de fournir une aide humanitaire efficace, ce qui accroît la sévérité de la crise humanitaire qui étouffe la bande de Gaza.
Deuxièmement, l’absence de sécurité et la propagation de la criminalité sont devenues un phénomène inquiétant, avec la multiplication des vols et des enlèvements contre rançon. Ces actes augmentent la peur et l’anxiété des citoyens, à un moment où ils recherchent la sécurité et la stabilité au milieu de cette destruction continue. Le sentiment de sécurité est devenu un luxe rare, surtout avec l’effondrement de la structure de sécurité qui maintenait l’ordre dans la bande, ce qui menace de désintégrer le tissu social et d’augmenter les conflits entre les membres de la société qui vivent dans la crainte constante d’être la prochaine victime de la vague de chaos sécuritaire.
Troisièmement, certains marchands ont exploité ces circonstances difficiles pour monopoliser les marchandises et augmenter les prix des denrées alimentaires et des produits de base de manière insensée, rendant la vie des citoyens encore plus difficile. Face à cette réalité, les habitants de Gaza luttent pour satisfaire leurs besoins quotidiens, car les prix des denrées alimentaires ont atteint des niveaux que les citoyens ordinaires ne peuvent pas supporter, ce qui aggrave la crise de la pauvreté et accroît les souffrances des personnes qui doivent satisfaire leurs besoins fondamentaux. Les habitants de la bande de Gaza ne peuvent échapper à cette hausse croissante des prix qu’en rationnant leur consommation de nourriture et de produits de première nécessité, avec les répercussions négatives sur leur santé et leur vie quotidienne.
Dans un geste sans précédent, les familles de la ville de Deir al-Balah ont publié une déclaration annonçant leur décision de fermer le marché commercial de la ville à partir du mardi 4 novembre 2024, jusqu’à nouvel ordre, pour protester contre la hausse continue et injustifiée des prix. Cette décision s’inscrit dans le contexte de la crise que traverse la bande de Gaza sous la pression de l’escalade israélienne et du siège qui paralyse tous les aspects de la vie à Gaza. Cette fermeture vise à briser le contrôle des marchands qui exploitent ces circonstances difficiles, en les empêchant d’augmenter les prix et d’exploiter le besoin urgent de nourriture de la population.
La déclaration souligne que la fermeture englobe toutes les activités commerciales, stoppant ainsi complètement le mouvement d’achat et de vente. Cette mesure vise à mettre un terme à la cupidité des commerçants, qui augmentent les prix de manière exagérée, en profitant de l’absence de supervision et de l’ouverture des marchés. Les fils des familles de Deir al-Balah ont également appelé les autorités officielles, représentées par la municipalité, le gouvernorat et les services de sécurité, à assumer sérieusement leurs responsabilités en matière de contrôle des prix et de surveillance des marchés, et à imposer des sanctions à ceux qui manipulent les prix.
Dans leur déclaration, les familles ont confirmé qu’elles continueront à appliquer cette fermeture jusqu’à ce que les prix reviennent à leur niveau normal, appelant la communauté locale à s’unir et à coopérer pour faire face aux prix élevés, et ont exhorté les citoyens à s’abstenir d’acheter toute marchandise sur les marchés jusqu’à ce que les prix soient contrôlés et reviennent à la normale. Cet appel s’inscrit dans le cadre de la recherche d’une unité civile face à l’exploitation pratiquée par les marchands, et de la revendication de leurs droits à vivre dignement dans ces circonstances dramatiques.
Par cette démarche audacieuse, les habitants de Gaza expriment leur rejet explicite des commerçants qui exploitent la crise, et affirment que leurs souffrances ne doivent pas être une source de profit pour certains. La fermeture du marché de Deir al-Balah représente une tentative de rétablir une certaine justice sur le marché et de protéger les droits des personnes à une vie moins dure au milieu de la guerre qui fait rage.
Compte tenu de la crise actuelle et de la guerre dans la bande de Gaza, il est devenu presque impossible pour les habitants d’accéder aux services bancaires de base, car les banques n’ont pas ouvert leurs portes depuis le début du conflit. Face à cette situation, les habitants de la bande de Gaza, en particulier les employés dont le revenu principal est constitué par les salaires, ont été contraints de chercher d’autres moyens d’accéder à leur argent. Ils ont trouvé une solution temporaire dans les bureaux de change qui transfèrent l’argent des comptes bancaires vers des espèces, en utilisant des applications électroniques. Cependant, ce qui devait être une solution pratique pour contourner la fermeture des banques s’est transformé en un nouveau fardeau pour les citoyens.
Une grande partie des habitants de Gaza dépendent de leurs salaires mensuels, qu’ils soient employés de l’Autorité nationale palestinienne, du gouvernement du Hamas ou d’institutions locales. En l’absence d’autres options, ces employés ont été contraints de se rendre dans les bureaux de change pour retirer leur argent par le biais d’applications de transfert électronique. Cependant, les bureaux de change ont profité de cette crise pour augmenter le taux de commission sur les transferts à 27 %, un taux qui a été interprété comme une exploitation flagrante des circonstances actuelles et considéré par beaucoup comme un nouveau fardeau pour les citoyens. Cette forte augmentation du taux de commission est non seulement injustifiée mais catastrophique, et augmente la souffrance des résidents de la bande de Gaza qui souffrent déjà du fardeau de la pauvreté et de l’insécurité.
Imaginez qu’un employé de Gaza, après avoir attendu un mois entier pour recevoir son salaire, se voit contraint de renoncer à plus d’un quart de son salaire en échange de sa conversion en espèces. Cela signifie qu’une personne qui gagne 2 000 shekels par mois ne recevra en réalité qu’environ 1 460 shekels après déduction de la commission. À la lumière des conditions économiques difficiles, qui incluent la hausse des prix des matériaux de base et leur rareté sur les marchés, cette importante déduction représente un coup dur pour les familles gazaouies qui souffrent déjà d’un faible revenu et de dépenses élevées.
Ce pourcentage élevé de la commission a suscité le mécontentement général des citoyens, car beaucoup considèrent qu’il s’agit d’une exploitation grossière de la crise humanitaire à Gaza. Au lieu de fournir leurs services de manière à alléger le fardeau qui pèse sur la population en cette période critique, ces bureaux ont exploité les conditions difficiles pour réaliser d’importants bénéfices. De nombreux citoyens ont qualifié ce comportement de cupide et ont demandé aux autorités responsables d’intervenir pour limiter cette exploitation et réglementer le travail des bureaux de change afin de s’assurer que les intérêts de la population ne sont pas manipulés.
Face à cette situation, il est devenu nécessaire que les parties concernées, qu’il s’agisse de l’Autorité palestinienne, des collectivités locales ou même des organisations humanitaires, jouent leur rôle pour limiter l’exploitation des crises et contrôler le travail des bureaux de change. Il faut que les commissions imposées sur les transferts d’argent soient clairement contrôlées afin qu’elles ne dépassent pas des limites raisonnables, surtout en cette période où le secteur subit des répercussions économiques catastrophiques en raison de la guerre et du blocus en cours.
Il est également urgent de réfléchir à des solutions alternatives et sûres qui permettent aux citoyens d’accéder à leur argent sans subir ces commissions exorbitantes. Par exemple, il est possible d’envisager le développement d’outils numériques gouvernementaux ou en coopération avec des organisations internationales, qui permettent aux citoyens de transférer et de retirer de l’argent avec des commissions faibles ou symboliques, ce qui atténuerait la gravité de la crise financière actuelle.
Enfin, il convient de souligner que ces taux de commission élevés rendent la vie plus difficile à Gaza, et que les citoyens gazaouis sont confrontés à de plus grandes difficultés de vie. Alors que les crises s’intensifient autour de lui, il est regrettable que le citoyen se trouve contraint de payer des coûts exorbitants pour obtenir de l’argent qui est à l’origine son droit, et non un luxe. Cette dure réalité exige une véritable solidarité et la responsabilisation de ceux qui cherchent à faire des gains au détriment de la souffrance des habitants de la bande de Gaza.
(Voir aussi les chroniques postées par Brigitte Challande du Collectif Gaza Urgence déplacé.e.s sur les sites d’AlterMidi et ISM France)