Dans un petit coin de ce monde, là où parfois la carte de la compassion se replie, se trouve Gaza, cette étroite bande de terre devenue un espace de douleur permanente et de résistance légendaire.
Nous avons tant écrit sur la destruction et les tragédies, sur les bombardements et la mort, sur la faim et le blocus. Et nous continuons à écrire, car à Gaza, chaque jour raconte une nouvelle histoire, chaque instant témoigne d’une humanité arrachée et d’un espoir qui ne meurt jamais.
À Gaza, on n’allume pas les fourneaux, non pas parce qu’on ne sait pas cuisiner, mais parce qu’il n’y a ni gaz ni électricité pour éclairer les maisons. Les jours et les nuits passent dans une obscurité impitoyable, une obscurité qui cache les larmes séchées par l’excès de douleur.
À Gaza, pas de poulet, pas de viande, ni de fruits pour garnir les tables. Les tables elles-mêmes ont disparu, devenues des planches sur lesquelles la famille s’étend dans un moment de peur, ou dépose le reste d’un pain rassis, si tant est qu’il en reste.
Le lait est un vœu pour les mères, le fromage un rêve pour les enfants, et le sucre, l’huile, la farine ne sont que des mots qui fondent dans la gorge avant de devenir réalité. Le zaatar, autrefois symbole du petit déjeuner palestinien, n’est plus qu’un souvenir, et le pain chaud est devenu l’exception, non la règle. Le travail est une blague noire qu’on raconte dans les recoins de l’impuissance, car la majorité des habitants ne trouvent rien pour apaiser leur faim ni couvrir les besoins de la nuit.
Quant à l’eau, ce droit élémentaire, elle ne leur parvient qu’une fois toutes les deux semaines, pour deux heures seulement. Elle ne suffit pas à vivre, et n’est pas potable, mais ils la partagent goutte par goutte, avec justice, avec amour, car ils ont appris à partager le peu, à donner ce qu’ils ne possèdent même pas. L’eau potable qui leur parvient est souvent contaminée, mais elle étanche, un peu, la soif de dignité.
Sous le ciel de Gaza, les bombardements ne cessent jamais. C’est le seul son constant. La mort est un voisin qui ne part pas. Ils dorment et se réveillent au bruit des explosions. Les proches sont dispersés, les corps sont étreints, les rêves enterrés sous les décombres. Mais une chose ne s’enterre jamais là-bas : l’âme. Cette âme qui refuse de se briser, qui se relève à nouveau sur les ruines de la maison et dit : “Nous allons bien, grâce à Dieu.”
On demande aux habitants de Gaza : comment allez-vous ? Ils répondent avec un sourire mêlé de larmes : “Grâce à Dieu.” Comme si la gratitude était devenue une arme, comme si la patience était devenue une patrie, comme si vivre, malgré tout, était un choix. Ils ne crient pas, ne supplient pas, ne se prosternent pas. Ils se tiennent simplement debout, avec le cœur élevé et les yeux brillants d’une foi profonde qu’ils méritent la vie, tout comme tout être humain sur cette terre.
Mais cette magnifique résilience, ces grands sacrifices, ne sont pas seulement l’expression de la survie. Ils sont une déclaration claire : ils sont les plus légitimes sur cette terre. Cette terre qu’on tente de voler, dont on tente d’effacer son identité et son histoire. Le peuple palestinien prouve à chaque instant qu’il n’en est pas seulement le défenseur, mais qu’il en fait partie. Pour le Palestinien, la patrie n’est pas simplement un lieu à habiter, mais une âme versée, une racine qui lie l’homme à sa dignité, à sa mémoire, à son destin.
Le concept de terre chez les Palestiniens ne se mesure pas en mètres ou en superficie, mais en gloire, en sang, en martyrs. Pour eux, elle est un livre sacré, un chapitre de l’existence impossible à effacer, une partie d’une identité éternelle indivisible. Ainsi, ils ne donnent pas seulement leurs efforts pour elle, mais aussi leurs enfants, leurs rêves, les larmes de leurs mères. Ils enterrent leurs êtres chers dans son sol pour dire au monde : nous sommes ici, et nous resterons ici.
Un peuple comme celui-ci, avec une telle force intérieure, une telle générosité même dans les circonstances les plus sombres, ne peut être vaincu. Celui qui possède une telle âme, qui offre tant d’amour et de sacrifice, est le plus digne de la vie et le plus légitime sur cette terre. Car de sous les décombres naît l’espoir, et des ruines émerge une nouvelle génération, qui porte l’étendard et poursuit le chemin, croyant que la vie ne se donne pas, elle se conquiert avec une résilience qui ne connaît pas le recul.
Gaza n’est pas seulement une ville. C’est une épopée humaine qui se renouvelle chaque jour, une leçon au monde sur le véritable sens de la dignité, et un témoignage irréfutable que le peuple palestinien, malgré tout, est toujours vivant… et mérite de vivre.
(Voir aussi les chroniques et articles postés par Brigitte Challande du Collectif Gaza Urgence déplacé.e.s quotidiennes sur le site d’ISM France et du Poing, article hebdomadaire sur le site d’Altermidi, et sur l’Instagram du comité Palestine des étudiants de Montpellier..)