Union juive française pour la paix

Témoignage d’Abu Amir, le 28 septembre 2025 – Rapport détaillé sur la séance de soutien psychologique de l’équipe UJFP au camp de Durra – Ouest de Deir al-Balah

Abu Amir 26 9 25 Ateliers psy 2 IMG 0796 Témoignage d'Abu Amir, le 28 septembre 2025 - Rapport détaillé sur la séance de soutien psychologique de l’équipe UJFP au camp de Durra – Ouest de Deir al-Balah

Dans les ruelles étroites du camp, où l’odeur de la poussière se mêle aux voix des enfants, se dessine la scène de femmes portant dans leurs yeux des histoires qui n’ont pas encore été écrites. La réalité du déplacement n’est pas seulement un passage d’une maison à un abri temporaire, mais un voyage éprouvant où les repères de stabilité sont arrachés et où les âmes cherchent des racines sur une terre étrangère.
Les femmes du camp de Durra, à l’ouest de Deir al-Balah, vivent quotidiennement entre deux luttes : celle de la survie matérielle et celle de la résilience psychologique. La peur ne s’éteint pas avec la fin des bombardements ; elle demeure, telle une ombre longue et persistante, tapie dans la poitrine. Dans ce monde chargé de souvenirs douloureux, l’équipe de l’UJFP continue de tendre la main pour tirer les femmes du gouffre du découragement et du désespoir, en offrant des séances de soutien psychologique qui dépassent les mots passagers pour bâtir des stratégies pratiques redonnant aux femmes la capacité de retrouver leurs identités fragmentées.

Une écoute dès les premiers instants

Dès le début de la séance, il est apparu clairement que les femmes avaient un besoin urgent d’un espace où leurs voix pouvaient être entendues, et où leurs expériences, aussi douloureuses soient-elles, pouvaient être accueillies. L’ambiance n’avait rien d’un cours figé ; elle ressemble davantage à un moment collectif où l’on partage silence, confidences, larmes, et même quelques sourires arrachés à la douleur.

Les premiers mots de l’équipe portaient une chaleur humaine profonde : « Nous ne sommes pas là pour vous dire ce que vous devez ressentir, mais pour marcher ensemble sur le chemin de la guérison. »

Cette phrase seule a ouvert une brèche de réconfort dans des cœurs épuisés par la peur et l’attente.

Activité 1 : Le Pont du retour – « Comment mon corps réagit-il au danger ? »

La séance a commencé par une activité à la fois éducative et imagée, intitulée Le Pont du retour. Les femmes ont été invitées à reconnaître les réactions de leur corps face au danger.
On leur a expliqué : « Quand le corps se fige, tremble, ou pousse à fuir, ce n’est pas de la faiblesse, mais un système naturel programmé pour nous protéger. » Cette clarification simple a brisé un mur de culpabilité qui pesait sur beaucoup de femmes.

L’une d’elles a murmuré comme si elle révélait un secret :

« Je pensais m’être trahie en n’ayant pas pu crier ou résister, mais j’ai compris que mon corps tentait de me sauver. »

Sur les visages d’autres femmes s’est inscrit une surprise mêlée à un début de prise de conscience. La scène s’est transformée : d’une explication scientifique à une redéfinition de soi, d’une auto-flagellation à une compréhension bienveillante, semant les graines d’une réconciliation intérieure.

Activité 2 : Les cinq sens – « L’ancre de l’existence »

Après ce moment de compréhension, la séance a pris une dimension pratique avec l’exercice Les cinq sens.

Les femmes ont été invitées à fermer les yeux un instant, puis à les rouvrir et observer :

Que voyez-vous ? Quels sons atteignent vos oreilles ? Quelles odeurs flottent dans l’air ? Quel goût cette seconde laisse-t-elle sur vos langues ? Que ressentent vos mains en ce moment ?

Ces minutes ont constitué une pause face à la fuite incessante vers le passé. Les femmes ont redécouvert de petits détails négligés depuis longtemps : le souffle du vent sur les tentes, les rires lointains d’enfants jouant dehors, la texture d’un tissu évoquant un souvenir familier.

L’une d’elles a dit, les larmes aux yeux :

« J’ai eu l’impression de respirer profondément pour la première fois depuis des mois. J’ai saisi un fil qui me relie au moment présent. »

L’exercice n’était plus un simple entraînement, mais une compétence ramenant les femmes des labyrinthes du passé vers un présent qu’elles pouvaient contrôler.

Activité 3 : Lettre du futur – « Je suis la survivante »

L’un des instants les plus puissants fut lorsque les participantes durent écrire une lettre à elles-mêmes, mais depuis le futur : celui où elles auraient surmonté la douleur et retrouvé le chemin de la guérison.

La salle s’est emplie du froissement des stylos sur le papier, chacune plongeant en elle-même pour trouver des mots porteurs d’espoir.

Une jeune femme écrivit :

« Tu n’as pas faibli, tu as tenu bon, et demain ton sourire reviendra. »

Une mère écrivit à son futur moi :

« Tu te souviendras de ces jours comme d’un lointain souvenir, et un jour tu riras en racontant à tes enfants ton courage. »

La scène fut bouleversante : certaines éclatèrent en sanglots, mais c’était un pleur libérateur, qui ouvrait une porte au renouveau au lieu d’enfermer dans la résignation.

Activité 4 : Le cercle de confiance – « Le point de force »

La séance s’est achevée par un moment profondément humain : les femmes furent invitées à exprimer une force qu’elles avaient découverte en elles-mêmes. Cette étape s’est transformée en un espace d’affirmations positives, où chaque mot reflétait une résilience jusque-là invisible.

L’une déclara :

« J’ai compris que je suis forte, car je n’ai pas perdu ma capacité à rêver malgré tout ce que j’ai traversé. »

Une autre murmura :

« Mon courage n’était pas de fuir la peur, mais de continuer à vivre malgré sa présence. »

La séance avait cessé d’être une simple rencontre pour devenir une petite communauté, où les femmes se soutenaient mutuellement, transmettant un message clair : la force collective multiplie les chances de guérison individuelle.

Impact et résultats de la séance

Les femmes ne sont pas sorties de la séance totalement libérées de leurs douleurs, mais quelque chose avait changé en elles. Leurs visages étaient différents à la sortie : des yeux plus lumineux, des traits empreints d’une certaine sérénité, et une démarche plus assurée. Elles avaient compris que ce qu’elles vivaient n’était ni une honte ni une faiblesse, mais une étape qui pouvait être surmontée.

Les techniques acquises n’étaient pas seulement des outils psychologiques, mais des graines destinées à germer un jour, pour donner une vie plus équilibrée.

Conclusion : La guérison comme plus haute forme de résilience

Cette séance a prouvé que la guérison n’est pas seulement l’absence de douleur, mais un processus conscient qui exige courage, savoir et compétences.

Les femmes ont appris que la résilience ne se limite pas à affronter le danger, mais qu’elle signifie aussi reconstruire son récit, le raconter autrement : non pas avec la voix des victimes, mais avec celle des survivantes.

L’équipe de l’UJFP n’a pas offert une simple séance ; elle a créé un espace presque sacré qui a redonné aux femmes la conviction qu’elles portent en elles une force indestructible, et que le chemin vers la guérison avait déjà commencé, dès leurs premiers pas dans cet atelier.

(Voir aussi les chroniques et articles postés par Brigitte Challande du Collectif Gaza Urgence déplacé.e.s quotidiennes sur le site d’ISM France et du Poing, article hebdomadaire sur le site d’Altermidi, et sur l’Instagram du comité Palestine des étudiants de Montpellier..)

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