Témoignage d’Abu Amir, le 27 décembre 2025 – Gaza la guerre ne s’est pas arrêtée, l’action humanitaire non plus !

distribution alimentaire jour de noel 25 IMG 5959 Témoignage d'Abu Amir, le 27 décembre 2025 - Gaza la guerre ne s’est pas arrêtée, l’action humanitaire non plus !
Distribution alimentaire à Gaza le jour de Noël crédit photo UJFP

À Gaza la douleur devient un mode de vie nous écrit Abu Amir le 27 Décembre pour rendre compte des actions persistantes des équipes de l’UJFP.

Dans la bande de Gaza, les tragédies ne se mesurent ni au nombre de jours ni au changement des titres politiques, mais au poids de la souffrance accumulée dans la poitrine des gens, et au temps qui s’est figé au moment de la première peur et n’a plus avancé depuis. Gaza aujourd’hui ne vit pas une phase dite « d’après-guerre » comme on tente de la décrire, mais une continuité brutale d’une guerre qui ne s’est jamais réellement arrêtée, même si sa forme et son intensité ont changé. Malgré l’annonce d’un accord pour mettre fin à la guerre et d’un plan de paix, la vie quotidienne des habitants de la bande de Gaza témoigne que la crise humanitaire n’est pas terminée. Elle est entrée dans une phase encore plus dure : celle de l’épuisement lent, où l’être humain est laissé seul face à la faim, au froid, à la destruction et à la perte de l’espoir.

Parler de Gaza aujourd’hui, c’est parler d’êtres humains vivant au milieu de décombres, d’enfants dormant sur un sol glacé, et de mères qui comptent les jours de faim au lieu de compter les années de la vie. C’est parler d’un peuple qui ne réclame que son droit à la vie, à la sécurité, et à un foyer que ni un obus ne détruit ni un bulldozer n’engloutit.

Un cessez-le-feu qui n’existe pas et la poursuite des violations

Malgré l’annonce d’un cessez-le-feu, les violations israéliennes se poursuivent de manière systématique. Les bombardements ne se sont pas totalement arrêtés, et les frappes aériennes continuent de faucher des vies, certes à un rythme moindre qu’auparavant, mais à une cadence régulière et organisée, maintenant la peur omniprésente et empêchant tout véritable sentiment de stabilité. Des morts tombent de temps à autre, sans que les consciences du monde ne s’éveillent, et sans que le discours international, habitué à justifier ces violations par des prétextes tout faits, ne change. À chaque fois, un nouveau nom s’ajoute à la liste des victimes, et une nouvelle maison s’ouvre au deuil, comme si la mort à Gaza était devenue une information ordinaire, qui ne suscite plus ni étonnement ni reddition de comptes.

Les zones jaunes : destruction de l’espace et assassinat de la mémoire

Dans ce que l’on appelle les « zones jaunes », les explosions n’ont jamais laissé place au silence depuis l’annonce du cessez-le-feu. Les opérations de démolition des maisons s’accélèrent, et les bulldozers travaillent sans relâche, comme si l’occupation cherchait à effacer toute trace de la vie qui existait ici autrefois. Le terme « zones jaunes » peut paraître technique et anodin dans les médias, mais il signifie en réalité l’arrachement de la vie de plus de la moitié des habitants de la bande de Gaza, puisque ces zones représentent environ 53 % de son territoire. Là-bas, l’idée même du retour est tuée avant de naître, l’espoir est enseveli sous les décombres, et les habitants sont poussés de force à accepter un déplacement permanent, comme s’ils étaient sans racines ni histoire. Ce qui se passe dans ces zones n’est pas seulement une destruction matérielle, mais une tentative d’effacer la mémoire collective : faire disparaître les rues, les maisons, les écoles, et les voix des enfants qui remplissaient autrefois ces lieux de vie.

Les camps de déplacés : une vie en marge de l’humanité

Loin des bombardements et des démolitions, la majorité des habitants de la bande de Gaza vit une autre tragédie tout aussi cruelle : celle de la vie dans les camps de déplacés. Trois mois après l’annonce du cessez-le-feu, rien n’a changé de leur réalité humanitaire dégradée. Des milliers de familles vivent toujours dans des tentes usées, incapables de les protéger du froid de l’hiver ou de la chaleur de l’été, au sein de camps anarchiques dépourvus d’eau potable, d’électricité, d’assainissement et de soins de santé. La nuit y est longue et pesante : le froid mord les corps des enfants, l’humidité imprègne les matelas usés, tandis que les familles se partagent la peur, la faim et le silence. Le jour apporte avec lui le spectre de la soif, les files d’attente interminables et des tentatives désespérées de trouver un repas qui apaise la faim.

Effondrement des moyens de subsistance et atteinte à la dignité

Le chômage dans la bande de Gaza a atteint des niveaux sans précédent, après la destruction de l’agriculture, l’arrêt des usines, la paralysie du secteur de la pêche et la disparition de toute réelle opportunité de travail. Avec les déplacements répétés sur deux années, toutes les économies ont été épuisées ; les gens ont vendu ce qu’ils possédaient, puis ce qu’ils ne possédaient pas.

Des familles qui vivaient autrefois dans la dignité et l’autonomie sont devenues dépendantes de l’aide. L’enseignant se tient aux côtés de l’ouvrier, le médecin à côté du commerçant, dans la même file d’attente, tenant des récipients vides et attendant leur tour pour obtenir un repas ou une bouteille d’eau. Certains détournent le visage par honte, d’autres se retirent en silence lorsqu’ils reconnaissent quelqu’un ou lorsque les caméras se lèvent pour documenter la scène. La guerre a nivelé tout le monde, les a dépouillés de leurs rôles sociaux et les a transformés en simples chiffres sur des listes de bénéficiaires.

Ainsi est devenue Gaza : des corps qui se déplacent sans âme, des regards perdus dans le vide, des esprits épuisés refusant de retourner dans des corps qui ne supportent plus davantage.

La responsabilité de l’action humanitaire au cœur de la catastrophe

Face à cette réalité catastrophique, l’action humanitaire est devenue une nécessité qui ne peut être différée. Les populations sinistrées ont besoin de nourriture, d’eau, d’abris, de soutien psychologique, de toute forme de vie digne. Les camps actuels ne sont pas dignes et n’offrent pas le minimum des conditions de vie, pourtant ils restent le seul refuge pour des dizaines de milliers de familles qui ont tout perdu.

Le rôle de l’UJFP : une présence humaine au milieu de l’obscurité

Dans ces conditions extrêmement difficiles, nos équipes poursuivent leur travail dans différentes zones de la bande de Gaza, malgré les risques et les défis. Elles sont présentes dans les camps de déplacés, suivent les besoins des familles déplacées et tentent d’y répondre dans la mesure du possible. Les interventions de l’UJFP comprennent la distribution de fournitures hivernales, la mise en œuvre d’ateliers de soutien psychologique, la gestion de centres éducatifs et la réalisation d’activités agricoles, dans une tentative de redonner un minimum de sens à la vie. Cependant, le programme d’alimentation reste l’un des plus urgents et des plus impactants.

Le programme d’alimentation : un repas qui préserve la vie

Dans les camps de déplacés de la zone d’Al-Mawasi à Khan Younès, où des milliers de familles de paysans déplacés vivent sur le littoral, les équipes mettent en œuvre le programme d’alimentation de manière régulière. Les repas sont préparés dans de grandes marmites et distribués aux familles dans le besoin, tandis que d’autres repas sont acheminés vers des camps voisins. L’importance de ce programme réside dans le fait qu’il constitue une véritable bouée de sauvetage, en particulier pour les enfants souffrant de malnutrition et pour les femmes enceintes. Le repas chaud n’est pas seulement de la nourriture : c’est un moment de chaleur, un sentiment temporaire de sécurité, et la preuve que quelqu’un se soucie encore d’eux.

Le programme s’est également étendu aux camps de déplacés de la ville de Deir al-Balah, qui a accueilli des milliers de déplacés en provenance d’Al-Qarara, de l’est de Deir al-Balah, d’Al-Maghazi, d’Al-Bureij et de vastes zones de la ville de Gaza. Ces camps, parmi les plus marginalisés, reçoivent l’aide de manière irrégulière, ce qui rend l’intervention de l’UJFP particulièrement cruciale. Là-bas, les familles attendent chaque matin l’arrivée des équipes, et avec elles un repas qui éloigne, pour un jour de plus, le spectre de la faim.

Ce que vit aujourd’hui la bande de Gaza est une tragédie humanitaire continue, qui ne s’arrêtera pas avec des déclarations ou des promesses. Gaza a besoin d’actions réelles et d’une réponse humanitaire globale, qui rende à l’être humain sa dignité avant même de reconstruire les pierres. Tandis que la douleur persiste, l’action humanitaire, malgré ses limites, demeure une lueur d’espoir dans une longue obscurité, et un témoignage que l’être humain à Gaza, malgré tout, continue de résister à l’anéantissement par la vie, à la faim par le repas, et au désespoir par l’espoir.

(Voir aussi les chroniques et articles postés par Brigitte Challande du Collectif Gaza Urgence déplacé.e.s quotidiennes sur le site d’ISM France et du Poing, article hebdomadaire sur le site d’Altermidi, et sur l’Instagram du comité Palestine des étudiants de Montpellier..)

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