Dans une réalité humaine éprouvante que vivent les personnes déplacées dans le camp Al-Asdiqaa à l’ouest de Deir al-Balah, où les tentes se touchent, où l’eau manque, et où les visages sont marqués par la fatigue et la nostalgie, les souvenirs des maisons détruites planent encore dans les esprits comme des fantômes douloureux qui ne s’effacent pas. Les équipes de l’UJFP ont poursuivi la mise en œuvre de leurs programmes humanitaires destinés à soutenir les femmes et les familles déplacées, dans le cadre de leurs efforts visant à réparer les blessures psychologiques invisibles, celles qu’on ne voit pas à l’œil nu mais qui résident au plus profond de l’âme. Cet atelier de soutien psychologique et social est venu constituer un espace sûr, une petite fenêtre par laquelle s’infiltre la lumière dans des cœurs épuisés par la peur et la perte, et des consciences alourdies par la responsabilité de survivre dans une réalité impitoyable.
L’atelier a débuté à neuf heures du matin dans une tente aménagée en centre communautaire provisoire, rassemblant vingt-six femmes d’âges différents. Certaines avaient perdu leurs maris, d’autres avaient été déplacées de maisons qui représentaient pour elles toute une vie de souvenirs. Les femmes se sont assises en cercle, symbole de leur unité et de leur destin commun. Les yeux étaient fatigués, les épaules affaissées, et les voix des enfants près des tentes avoisinantes rappelaient que la vie continue malgré la douleur.
La psychologue a ouvert la séance avec des mots doux et empreints de chaleur : « Aujourd’hui, cet espace est pour vous. Aucun jugement, aucune évaluation, seulement de l’écoute et des cœurs ouverts. »
Un silence a régné quelques instants, puis quelques murmures se sont fait entendre, comme si cette simple phrase leur avait donné la permission tant attendue de parler après de longs mois de silence forcé.
La psychologue a expliqué les objectifs de l’atelier, précisant que le soutien psychologique est un voyage pour renouer avec soi-même et retrouver l’équilibre après le traumatisme. Elle a expliqué simplement que le traumatisme ne réside pas seulement dans le fait de voir la guerre, mais aussi dans sa présence persistante en nous après qu’elle se soit tue, et que l’exprimer est la première étape de la guérison. Certaines femmes acquiesçaient, tandis que d’autres baissaient les yeux, tentant de contenir des larmes prêtes à couler.
Le premier exercice, intitulé « Le cercle de sécurité », était simple mais profondément touchant. La psychologue a demandé à chaque femme de choisir un petit caillou dans un panier posé devant elles et de décrire ce que représentait pour elle la sécurité.
Une femme d’une cinquantaine d’années a dit d’une voix tremblante : « La sécurité, c’est que mes enfants puissent dormir sans peur. »
Une jeune femme d’une vingtaine d’années : « La sécurité, c’est de ne pas me réveiller au son d’un missile, de pouvoir respirer sans panique. »
Puis une veuve ayant perdu son mari a ajouté : « La sécurité, c’était sa main dans la mienne. Maintenant, seul le courage me soutient. »
Les mots s’écoulaient lentement, mais ils marquaient le commencement de la guérison. La psychologue a expliqué à la fin de l’exercice que l’objectif était de reconnaître ce qui leur manque, car reconnaître la peur est un premier pas pour s’en libérer.
Ensuite, l’équipe a lancé l’activité « Les couleurs des émotions ». Des feuilles et des crayons de couleur ont été distribués. La consigne : dessiner ce qu’elles ressentaient, uniquement par les couleurs, sans écrire. Le silence s’est installé, les visages concentrés : chaque couleur était un aveu profond.
L’une a rempli sa feuille de noir : « C’est la nuit sans fin dans mon cœur. »
Tandis qu’une autre dessinait un petit soleil jaune au milieu d’une grande zone grise : « C’est l’espoir. Il est petit, mais il est là. »
À ce moment, les couleurs n’étaient plus de simples traits, mais une confession silencieuse révélant l’intensité de leur souffrance. La psychologue a expliqué que cet exercice permet une libération émotionnelle non verbale qui aide les sentiments enfouis à s’exprimer en toute sécurité.
Puis est venu l’exercice « La fleur de la vie », riche en symboles. Il a été demandé à chaque femme d’écrire au centre de la feuille ce qui lui donne la force de continuer, puis d’écrire autour, sur les pétales, ce qu’elle avait perdu dans la guerre.
L’une a écrit au centre : « La foi », et autour : « Mon mari, ma maison, ma sœur ».
Une autre a mis au centre : « Mes enfants », et autour : « La tranquillité, le sommeil, la mer, le pain chaud ».
La fleur devenait une carte de la perte et de l’espoir à la fois. La psychologue leur a ensuite demandé de fermer les yeux et d’imaginer que la lumière jaillissait du centre — là où réside l’espoir, la foi ou l’amour — pour envelopper les pétales représentant la perte. Des larmes ont coulé, mais cette fois c’étaient des larmes libératrices.
Au milieu de l’atelier, un exercice expressif poignant intitulé « La boîte des soucis » a été réalisé. Une boîte décorée a été placée au centre. Chaque femme a écrit ses peurs ou ce qui pèse sur son cœur sur un papier qu’elle a plié avant de le déposer dans la boîte. Certaines mains tremblaient, et plusieurs papiers étaient mouillés de larmes avant même d’être déposés.
Après la collecte, la psychologue a déclaré : « Ces papiers ne seront pas lus. Ils seront brûlés pour vous libérer de leur poids. »
Toutes sont sorties, et la boîte fut brûlée dans un silence solennel. L’odeur du papier brûlé se mêlait à celle de l’air salé venant de l’ouest, comme si le feu purgeait la peur du lieu.
Une femme a dit après un moment : « Comme si quelque chose s’était brisé en moi et était parti avec la fumée… Je me sens plus légère que depuis des mois. »
Après une courte pause autour d’un thé et de quelques rires timides, l’exercice « Voyage vers la sérénité » a commencé. Il s’agissait d’une méditation guidée basée sur la respiration profonde. Les femmes ont posé leurs mains sur leur poitrine, respiré lentement et imaginé un endroit sûr et paisible. Peu à peu, les épaules se sont relâchées, et certains visages semblaient apaisés pour la première fois depuis le début de la séance. La psychologue a expliqué que cet exercice rétablit l’équilibre entre le corps et l’esprit et apaise un système nerveux épuisé par la peur constante.
Puis est arrivée l’activité « L’avenir auquel nous rêvons ». Les femmes, réparties en petits groupes, devaient écrire ou dessiner leur vie après la guerre.
L’une a dit : « Je planterai des fleurs devant ma tente pour que mes enfants ne voient que la beauté. »
Une autre : « J’ouvrirai un petit kiosque de pâtisseries, je veux travailler et rire de nouveau. »
Cet exercice visait à renforcer la résilience psychologique : la capacité à reconstruire malgré les pertes.
À l’approche de la fin, la psychologue a introduit une dernière étape poignante intitulée « Mon cœur après la guerre ». Les femmes ont partagé leurs ressentis après le cessez-le-feu.
Une mère ayant perdu son mari et son fils : « Je pensais être morte avec eux, mais mon cœur bat encore, car mes enfants ont besoin de moi. Je ne suis pas finie. J’apprends seulement à vivre autrement. »
Une autre femme : « Après la guerre, le silence me fait plus peur que les bombardements, car il me fait entendre l’écho de la perte en moi. »
Pourtant, un changement était visible : les regards jusqu’alors éteints se sont mis à briller, et des sourires sincères ont commencé à éclore.
La psychologue a conclu : « Aujourd’hui, vous n’avez pas seulement reçu du soutien, vous vous êtes donné du courage les unes aux autres. Chacune de vous est un miroir de résilience pour sa sœur. »
Des brochures sur les techniques d’autosoins ont été distribuées, et une séance de suivi programmée pour assurer la continuité du soutien.
À la fin de la journée, l’atelier n’était pas une rencontre ordinaire, mais un voyage thérapeutique collectif dans lequel les femmes ont retrouvé une part de leur humanité volée. Elles ont quitté la tente d’un pas plus confiant, échangeant paroles et sourires — comme si elles sortaient d’un tunnel sombre vers un espace lumineux d’espoir.
La conclusion était claire : Le soutien psychologique n’est pas un luxe après la guerre, mais une nécessité humaine pour survivre.
Cet atelier a montré que la femme, malgré la perte de ses proches, de sa maison et de sa sécurité, est capable de se relever et de reconstruire sa vie. Une parole douce, une écoute sincère et des activités simples peuvent devenir une graine de vie dans un sol épuisé par les tragédies.
En définitive, l’atelier de soutien psychologique organisé par l’UJFP n’était pas une simple séance de sensibilisation, mais un cri d’espoir et une thérapie collective pour l’âme : les femmes y ont appris que la guerre peut détruire les maisons, mais elle ne peut voler la volonté de vivre, et qu’en chacune d’elles brille une lumière capable d’illuminer le chemin de la guérison, aussi long que puisse être la nuit.
Photos et vidéos ICI
(Voir aussi les chroniques et articles postés par Brigitte Challande du Collectif Gaza Urgence déplacé.e.s quotidiennes sur le site d’ISM France et du Poing, article hebdomadaire sur le site d’Altermidi, et sur l’Instagram du comité Palestine des étudiants de Montpellier..)







