Témoignage d’Abu Amir, le 22 août 2024 : l’histoire de Yara et Nawara

Il est vraiment douloureux de rechercher une quelconque humanité à une époque où le sens de la miséricorde et de la compassion a été perdu. Au milieu des guerres et des conflits, la vie de personnes innocentes, en particulier des enfants, se transforme en un cauchemar quotidien, car leur enfance leur est enlevée et ils deviennent des victimes de la pauvreté et de l’absence de foyer. Je me souviens encore de ce moment où j’ai rencontré Yara et Nawara, deux fillettes dans la fleur de l’âge, dans la ville de Deir al-Balah, âgées chacune de 7 et 8 ans, et où elles m’ont offert des masques médicaux pour un shekel.

Leur apparence reflétait l’extrême pauvreté, deux belles petites filles mais la misère se lisait sur leurs visages. Des masques médicaux qui n’étaient plus utilisés, et pourtant elles insistaient pour les vendre. Leur innocence m’a interpellé, non pas parce que j’avais besoin de ces masques, mais parce que je sentais la souffrance qui les obligeait à rester dans la rue, à mendier pour un peu d’argent. Je leur ai donné 2 shekels chacune, sans rien demander en retour, et pendant un instant, j’ai eu l’impression d’avoir fait quelque chose de bien, mais la vérité était plus douloureuse que je ne l’imaginais.

Deux jours plus tard, je les ai retrouvés au même endroit. Dès qu’elles m’ont vu, elles ont souri, car elles essayaient à nouveau de vendre des masques. Je leur ai demandé de me suivre jusqu’à un endroit proche, et là, je leur ai demandé : « Est-ce que quelqu’un achète ces masques ? » Elles m’ont répondu que non. Lorsque je leur ai demandé pourquoi elles essayaient de vendre quelque chose qu’elles savaient ne pas pouvoir vendre, la plus âgée a répondu : « Nous devons rentrer à la maison avec l’argent, sinon notre journée sera noire», c’est exactement ce qu’elle a dit.

Ces mots m’ont stupéfait, et lorsque je me suis renseigné, j’ai découvert que la raison de leur peur était leur mère, qui les bat et les punit sévèrement si elles reviennent sans argent. La jeune sœur me montrait les marques de violence sur son corps, les marques des pincements qu’elle subit quotidiennement. À ce moment-là, je n’ai pas pu cacher mes larmes. Je me sentais à la fois en colère et impuissant.

Ces deux petites filles ne sont pas une exception, mais plutôt un petit exemple de ce dont souffrent des milliers d’enfants de Gaza, que les conditions difficiles obligent à mendier ou à travailler dans les rues au lieu d’aller à l’école ou de jouer comme les autres enfants. La guerre n’a pas seulement détruit les bâtiments et les infrastructures, elle a aussi détruit de jeunes vies, les a privées d’espoir et les a transformées en outils pour collecter de l’argent, parfois auprès de leurs proches.

Chaque fois que je passe sur cette route, je cherche Yara et Nawara. Je leur souris, je leur donne un peu d’argent, je pense à ma petite fille qui a le même âge qu’elles et je me pose des questions : comment en sommes-nous arrivés là ? Comment l’enfance peut-elle se transformer en lutte pour la survie ? C’est une véritable tragédie qui résume les résultats des guerres qui sèment la pauvreté et la privation, et poussent les enfants à mendier pour rester en vie.

Cette histoire n’est pas un simple incident passager, mais une image vivante des déplacements et des destructions causés par les guerres. Elle nous invite à réfléchir au sort de ces enfants qui perdent leur innocence dans un monde de violence et d’injustice.

Je voulais partager cette histoire avec vous.

(Voir aussi les chroniques postées par Brigitte Challande du Collectif Gaza Urgence déplacé.e.s sur les sites d’AlterMidi et ISM France)

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