Union juive française pour la paix

Témoignage d’Abu Amir, le 19 octobre 2025 – Espaces de guérison et d’espoir : un voyage de la survie à la reconstruction de la vie

Abu Amir 19 10 25 atelier psy IMG 2510 1 Témoignage d'Abu Amir, le 19 octobre 2025 - Espaces de guérison et d’espoir : un voyage de la survie à la reconstruction de la vie

Dans le calme relatif qui règne sur la zone d’Al-Mawasi à Khan Younis, où les souvenirs douloureux se mêlent aux tentatives de renaître des cendres de la destruction, l’équipe de l’UJFP a poursuivi son travail essentiel en apportant un soutien psychologique spécialisé aux femmes déplacées.

La séance, organisée dans le camp Al-Najaat, a constitué un espace sûr pour trente femmes qui ont trouvé dans cette rencontre un souffle d’air après de longs mois de peur, d’errance et de perte. Elles étaient assises en cercle, où se croisaient des regards timides et douloureux, porteurs d’un désir discret de guérison. Les traits de leurs visages racontaient ce que les mots ne pouvaient exprimer : un mélange de fatigue, de nostalgie et d’un profond besoin de retrouver leur être intérieur.

La séance a commencé par une introduction visant à normaliser les émotions et à éliminer le sentiment de honte associé à la tristesse ou à la faiblesse. La psychologue, d’une voix douce et apaisante, a affirmé : « Ce que nous ressentons est naturel, et la douleur ne diminue pas notre force, elle nous rappelle simplement notre humanité. »

Cette phrase seule a suffi à ouvrir une petite porte de sécurité dans le cœur des femmes.

Ensuite, le premier exercice, intitulé “Le réservoir de force”, a débuté. C’était une activité interactive simple en apparence, mais profonde dans son impact. La psychologue a demandé aux participantes d’évoquer un moment pendant la guerre où elles s’étaient senties fortes, même brièvement.

Le silence était d’abord tendu, puis peu à peu, les voix se sont élevées : l’une a raconté la nuit où elle a sauvé ses enfants des décombres, une autre, les moments où elle a serré les enfants de ses voisins dans ses bras pour les rassurer, une troisième, le jour où elle a affronté la mort avec un sourire pour ne pas effrayer ses petits. Chaque récit était suivi d’applaudissements timides, d’une larme se transformant en sourire, d’un sentiment collectif d’appartenance et de reconnaissance de la force intérieure demeurée vivante malgré l’effondrement.

En conclusion, la psychologue a expliqué que l’objectif était de raviver le sentiment de compétence et de contrôle : lorsque la mémoire ravive les moments de courage, elle rappelle au corps et à l’esprit que la force est toujours là.

Puis vint le deuxième exercice, “L’arbre de l’espoir”, basé sur l’art-thérapie comme outil de reconnexion à soi et de libération des émotions refoulées.

Des feuilles blanches et des crayons colorés ont été distribués aux participantes, avec pour consigne de dessiner un arbre simple : les racines représentant la force intérieure et les ressources psychologiques encore présentes, et les branches symbolisant les petits rêves possibles dans un avenir proche.

La psychologue a précisé : « Chaque racine est quelque chose que vous possédez malgré la guerre, et chaque branche est un rêve qui peut fleurir demain. »

Les femmes ont commencé à dessiner en silence. Certaines hésitaient, d’autres restaient longuement pensives avant de tracer les premières lignes.
L’une a dessiné un arbre aux branches très courtes, en écrivant dessous “Sérénité”. Une autre a rempli les feuilles de mots comme “mes enfants”, “ma maison”, “la vie”.

Une femme âgée a dessiné un grand arbre au centre de la feuille, avec des racines profondément ancrées et a écrit au-dessus : “Ma foi en Dieu”. En souriant, elle a dit : « Cet arbre, la guerre ne pourra pas le déraciner. »

Le spectacle était semblable à une exposition visuelle de l’espoir humain dans sa forme la plus pure : des couleurs mêlées aux larmes, des doigts tremblants dessinant un nouveau départ.

Le troisième exercice, “Le voyage guidé de guérison”, consistait en une séance de relaxation profonde visant à reconnecter le corps et le moment présent.
La psychologue a demandé aux participantes de fermer les yeux et de respirer profondément.

D’une voix calme, elle les a guidées dans un voyage imaginaire vers un lieu sûr en elles-mêmes, loin des sons de la guerre : « Imaginez que vous marchez dans un verger verdoyant, sentez la chaleur du soleil sur votre visage, entendez le chant des oiseaux — vous êtes en sécurité. »

Certaines femmes ont laissé couler des larmes silencieuses, d’autres ont relâché leurs épaules tendues depuis longtemps.

La respiration consciente semblait être leur premier véritable contact entre le corps et l’âme depuis des mois.

Après la séance, une participante a confié : « C’est comme si je respirais pour la première fois depuis longtemps. Je n’avais pas réalisé à quel point j’étais tendue avant de me sentir apaisée maintenant. »

Dans un moment de réflexion après les activités, la psychologue a parlé de l’importance du self-care, expliquant que prendre soin de soi n’est pas un luxe, mais un acte de résistance : « Accorder à soi-même une demi-heure par jour pour se reposer ou méditer, c’est une déclaration de courage — le choix de continuer à vivre. »

Ces mots résonnaient dans les esprits comme une promesse silencieuse de persévérance.

En clôture, un court exercice intitulé “Malgré la douleur, nous vivons” a été ajouté, offrant un espace libre d’expression après la fin des combats.

Les femmes se sont assises en petit cercle, chacune tenant une petite bougie allumée.

La psychologue leur a dit : « Malgré la perte de nos proches et de nos maisons, la vie continue de nous appeler à la vivre avec dignité. »

Une femme ayant perdu son mari a dit : « Cette bougie représente sa lumière, qui continue d’éclairer mon chemin. »

Une autre a ajouté : « J’ai perdu ma maison, mais j’ai encore le rêve d’en reconstruire une, même si ce n’est qu’une tente. »

Cet exercice a servi de reconnaissance collective de la douleur, mais aussi de déclaration sincère que l’espoir est plus fort que les ruines.

À la fin de l’atelier, l’atmosphère avait complètement changé. Sur les visages des femmes, on pouvait lire une détente subtile, comme si un poids lourd avait été levé.

Elles échangeaient des sourires, parlaient plus fort — comme si la langue retrouvait sa vie dans leurs bouches.

Chacune est repartie en emportant un dessin ou un souvenir d’un moment sincère qui l’a reconnectée à elle-même.

Cet atelier a confirmé que la guérison n’est pas un acte instantané, mais un processus continu qui commence par la reconnaissance de la douleur, passe par l’expression et s’épanouit dans le soin de soi.

En conclusion, la séance “Espaces de guérison et d’espoir” n’a pas été simplement une rencontre de soutien psychologique, mais un voyage collectif vers la redécouverte du sens dans une vie épuisée par la guerre — une leçon profonde montrant que la véritable force naît de la douleur, lorsqu’elle est accueillie avec amour, science et patience.

(Voir aussi les chroniques et articles postés par Brigitte Challande du Collectif Gaza Urgence déplacé.e.s quotidiennes sur le site d’ISM France et du Poing, article hebdomadaire sur le site d’Altermidi, et sur l’Instagram du comité Palestine des étudiants de Montpellier..)

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