Union juive française pour la paix

Témoignage d’Abu Amir, le 18 octobre 2025 – Atelier de soutien psychosocial intitulé : « Le jour d’après la guerre »

Aby Amir 18 10 25 Atelier psy IMG 2493 Témoignage d’Abu Amir, le 18 octobre 2025 - Atelier de soutien psychosocial intitulé : « Le jour d’après la guerre »

Alors que le soleil matinal se levait timidement au-dessus des tentes du “camp des Amis”, à l’ouest de Deir al-Balah, un nouveau sentiment naissait chez les femmes déplacées : un sentiment de vie après la tempête. Ce jour-là, le silence n’était plus un signe de tristesse comme les jours précédents, mais un moment de respiration avant de recommencer. Dans une petite tente ornée de rires timides et de regards en attente, l’équipe de l’UJFP poursuivait son travail de soutien à travers une séance intitulée « Le jour d’après la guerre », une séance visant à semer l’espoir dans le cœur des femmes et à leur redonner le sentiment que demain peut se construire par la volonté, non par l’attente.

La séance ne parlait pas de la guerre, mais de la vie qui suit. Elle était une tentative collective de passer de la phase de survie à celle de la construction, de la peur à la planification, du chaos à l’espoir structuré. Vingt-cinq femmes déplacées de l’ouest de Deir al-Balah, vivant actuellement au camp des Amis, participèrent à cette séance. Elles étaient venues, portant dans leurs yeux un mélange de prudence et d’espoir, et dans leurs cœurs un désir sincère de retrouver ce qu’elles avaient perdu, à savoir la tranquillité et la confiance.

À ce moment, la petite tente ressemblait à un point de lumière parmi les ruines, un espace où l’espoir respirait après de longs mois de peur et de désordre. Les femmes étaient assises en cercle rapproché, et la séance commença par la voix de l’animatrice qui dit :

« Aujourd’hui, nous ne parlerons pas de la guerre, mais de demain. Nous ne plongerons pas dans le passé, mais nous tracerons un chemin vers ce qui peut être. Vous n’êtes pas seulement des victimes, mais le noyau d’une nouvelle vie. »

Cette introduction fut la clé pour ouvrir les cœurs clos, et dès qu’un sourire timide apparut sur le visage d’une des femmes, chacune ressentit que cette séance serait différente.

Les activités psychologiques et pratiques commencèrent alors, progressivement et avec méthode, combinant évacuation émotionnelle et réflexion réaliste.

La première activité portait le nom « Carte de sécurité immédiate », un exercice à la fois pratique et psychologique. Avant de commencer, l’animatrice expliqua aux participantes l’importance de l’activité en disant :

« La fin de la guerre ne signifie pas la fin du danger. Parfois commence une phase encore plus sensible après le silence, où il existe des débris dangereux et des endroits non sûrs. Aujourd’hui nous tracerons ensemble notre carte personnelle de la sécurité. »

Les phrases simples suffirent à susciter l’attention de toutes. Les femmes commencèrent à discuter avec précaution des lieux où elles s’étaient senties en danger, comment les éviter ou y faire face. Des papiers et des stylos de couleur furent distribués, et chaque petit groupe commença à dessiner le périmètre de leurs tentes et les zones proches. Le spectacle ressemblait à un atelier d’ingénierie de l’espoir. Leurs voix mêlèrent sérieux et détermination : « Ce chemin est jonché de débris », « Il y a un puits ouvert », « Nous devons mettre en garde les enfants de ne pas jouer ici ».

L’animatrice observait la scène, sourire satisfait. La peur s’était transformée en conscience organisée. Puis elle demanda à chaque femme d’écrire trois règles de sécurité personnelles, pour elle et pour ses enfants. Pendant qu’elles écrivaient, un calme s’installa, puis le dialogue recommença. Une femme d’une quarantaine d’années dit :

« Je pensais que j’étais incapable de protéger mes enfants, mais maintenant je vois que je peux établir un simple plan, et cela me donne un sentiment de force. »

Ses mots furent comme une étincelle de confiance qui alluma l’espoir dans l’âme des autres, et la tente se remplit de paroles positives pour la première fois depuis longtemps.

Ensuite, l’équipe passa à la deuxième activité, un exercice symbolique et émotionnel intitulé « Qu’emporterons-nous demain ? ». L’animatrice expliqua en souriant :

« Ce n’est pas un exercice sur les objets que nous mettons dans nos sacs, mais sur les ressources que nous portons en nous. Nous voulons savoir ce que nous allons emporter de cette étape à la prochaine, en termes de valeurs, de sentiments et de priorités. »

Elle demanda à chaque femme de choisir trois priorités pratiques et trois priorités psychologiques. Certaines écrivirent des mots comme « sécurité, abri, nourriture », puis elles ajoutèrent en dessous « espoir, patience, famille ». Et quand chacune lut ce qu’elle avait écrit à haute voix, un étrange sentiment de chaleur emplit l’espace. Les mots furent parfois prononcés d’une voix tremblante, mais ils portaient une profondeur incroyable. Une femme d’une cinquantaine d’années, les larmes aux yeux, déclara :

« J’ai réalisé maintenant que j’ai besoin d’espoir plus que de toute autre chose, car l’espoir est la seule chose qu’on ne peut pas nous voler. »

Un court silence s’installa, puis de petits rires commencèrent à s’échapper, mêlés de larmes et de sourires. Ce moment fut comme un processus de guérison collective non déclaré, où les feuilles blanches furent transformées en miroirs reflétant ce qui se trouvait au fond des cœurs. L’animatrice expliqua ensuite que cette méthode aide le cerveau à réorganiser ses priorités et à réduire le sentiment d’impuissance, puis elle leur dit :

« Quand nous divisons nos grands problèmes en petites étapes, nous devenons plus forts, car nous voyons le chemin clairement. »

Puis vint la troisième activité, qui faisait office de conclusion paisible à la séance, intitulée « Espace de respiration tranquille ». L’animatrice demanda aux femmes de s’asseoir en cercle confortable, ferma l’une des ouvertures pour diminuer la lumière, puis dit d’une voix chaleureuse :

« Maintenant, nous prendrons quelques minutes de beau silence. Nous retrouverons nos respirations qui ont été longtemps étouffées. La respiration est le chemin du retour à soi. Quand nous contrôlons nos respirations, nous retrouvons le contrôle de notre vie. »

Les femmes commencèrent à suivre les consignes lentement, inspirant profondément puis expirant doucement. Au début, leurs respirations étaient saccadées comme si elles cherchaient leur rythme perdu, puis elles commencèrent à se calmer progressivement. Leurs visages se détendirent peu à peu, certaines femmes poussèrent un long soupir suivi d’un sourire apaisé.

Le tableau était simple, mais d’une grande émotion. Dans ce silence, les âmes retrouvaient leur équilibre, et le corps réapprenait comment être en sécurité. Quand l’exercice se termina, toutes échangèrent des regards limpides et des sourires sincères, et chacune sentit que la séance n’était pas simplement une rencontre, mais un véritable début de parcours de guérison.

Avant la clôture de l’atelier, l’équipe proposa une activité courte à tonalité profondément émotionnelle intitulée « Nous sommes encore là », destinée à aider les femmes à exprimer leur état psychologique après l’arrêt de la guerre, avec tout ce que cela comporte de contradictions entre perte et survie. L’animatrice commença par un discours calme

« Chacune de vous est passée par une tempête. Vous avez peut-être perdu des proches, des maisons ou des choses inestimables, mais vous avez aussi survécu. Aujourd’hui, nous voulons vous entendre… Comment vous sentez-vous maintenant que la guerre est terminée ? »

Un long silence s’installa, puis les voix se firent entendre d’abord timidement, puis avec davantage d’assurance. Une femme ayant perdu son logement dit :

« Je pensais que la fin de la guerre me rendrait heureuse, mais j’ai découvert que j’ai peur de demain plus que du bombardement. Je me sens comme si nous étions sorties d’une grande prison vers un vide inconnu. »

Puis une autre femme ayant perdu son mari déclara d’une voix éraillée :

« Je suis soulagée que mes enfants soient sains et saufs, mais mon cœur est lourd. Chaque lieu me rappelle ce que j’ai perdu, mais j’essaye de me dire que la vie continue. »

Les larmes coulaient doucement, mais les visages n’étaient pas totalement tristes, c’était plutôt comme s’ils se libéraient. L’animatrice expliqua que ce que ressentent ces femmes est tout à fait normal, et que la contradiction entre soulagement et peur fait partie du processus de guérison. Elle demanda à chaque femme de compléter une seule phrase : « Malgré tout, je suis… »

Les réponses se firent entendre dans un élan collectif émouvant :

« Malgré tout, je suis encore forte. »

« Malgré tout, je suis encore mère. »

« Malgré tout, j’aime encore la vie. »

Ces courtes phrases furent comme une proclamation d’existence. Un moment de confirmation collective que la douleur n’a pas effacé la force, que peu importe l’ampleur des pertes, elles n’éteignent pas la braise de la survie. Les femmes ressentirent alors un soulagement psychologique manifeste, et la séance devint presque comme une renaissance pour des esprits épuisés.

En conclusion, quelques-unes des participantes partagèrent leur ressenti après la séance. Une femme âgée déclara :

« La plus grande pression n’était pas la peur, mais l’angoisse de l’inconnu. Aujourd’hui j’ai appris à traiter demain pas à pas, à commencer par la sécurité puis la nourriture puis l’abri. »

Et une jeune mère ajouta :

« Le plan de sécurité est la chose la plus importante que j’ai apprise aujourd’hui. Je ne savais pas comment expliquer à mes enfants les dangers sans les effrayer, et maintenant je peux. »

Une autre esquissa un sourire confiant :

« Ce qu’il y a de plus beau dans la séance, c’est que nous n’étions pas seules, nous étions ensemble, traçant un nouveau chemin. »

Lorsque les femmes quittèrent la tente, l’adieu n’était plus lourd comme les fois précédentes. Leurs pas étaient plus calmes, leurs conversations davantage tournées vers l’espoir que vers la douleur. Certaines revenaient en souriant vers leurs enfants qui les attendaient à l’extérieur de la tente, comme si chacune d’elles portait avec elle une petite carte de sécurité, et un nouveau concept de survie.

La séance « Le jour d’après la guerre » a réussi à fournir aux femmes déplacées ce que l’on peut appeler une feuille de route psychologique et pratique pour le rétablissement. Elles sont reparties en sachant que la guérison ne vient pas d’un seul coup, mais commence par un petit pas, par un plan simple, par un discours sincère, et par des respirations calmes qui restaurent la foi en la vie. La séance fut un témoignage vivant que le soutien psychologique n’est pas un luxe, mais la pierre angulaire de la construction de l’être après la guerre.

Et à la fin de la journée, une participante résuma tout le sens par une phrase qui restera gravée dans la mémoire de l’équipe :

« La guerre nous a pris beaucoup, mais elle n’a pas pris notre volonté. Aujourd’hui nous avons su que demain est à nous, et que nous allons le construire nous-mêmes, pas à pas, ensemble. »

(Voir aussi les chroniques et articles postés par Brigitte Challande du Collectif Gaza Urgence déplacé.e.s quotidiennes sur le site d’ISM France et du Poing, article hebdomadaire sur le site d’Altermidi, et sur l’Instagram du comité Palestine des étudiants de Montpellier..)

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