Dans le cadre de nos efforts pour surveiller les conditions de vie des agriculteurs à l’est de Khan Younis, nous avons effectué une tournée d’inspection qui a couvert les terres agricoles des régions d’Al-Fukhari et d’Abu Taima. Au cours de notre visite, nous avons pu constater de visu les défis et les difficultés auxquels les agriculteurs sont confrontés à la suite de la récente agression et de la destruction des infrastructures agricoles qui a suivi.
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L’agriculture à Al-Fukhari : défis et espoirs de production
Au cours de notre visite, nous avons constaté que certaines serres sont toujours debout, ainsi que des terres agricoles ouvertes qui ont été récemment cultivées dans la région d’Al-Fukhari. Cela est principalement dû à la présence de petits puits appartenant aux agriculteurs locaux, qui servent de seule source d’irrigation pour leurs cultures.
La plupart des terres récemment cultivées ont été replantées avec des cultures à feuilles, telles que le persil, la roquette et la molokhia, car ces cultures nécessitent un minimum d’engrais et de pesticides et ont un cycle de croissance court, ce qui permet une récolte en seulement deux mois. Cela permet aux agriculteurs de récupérer rapidement leur investissement et de compenser une partie de leurs pertes.
Parmi tous les agriculteurs que nous avons rencontrés, un seul a pu cultiver des tomates dans la région. Il a commencé à les planter le 9 novembre 2024. En parlant de son expérience, il a décrit les difficultés considérables auxquelles il a été confronté en travaillant dans sa serre, en particulier les risques mortels qu’il a pris en visitant quotidiennement ses terres pendant les attaques, pour s’occuper de ses cultures.
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Cet agriculteur a partagé son expérience : « Je savais qu’après la guerre, l’agriculture deviendrait encore plus difficile. Les commerçants se précipitaient pour vendre les engrais et les pesticides, craignant qu’ils ne soient volés ou détruits par les bombardements. J’ai donc pris la décision audacieuse de me lancer dans l’agriculture à ce moment-là. J’espérais réussir, pensant que si je pouvais vendre ma récolte, je serais en mesure de rembourser mes dettes. Maintenant, comme vous pouvez le voir, la récolte de tomates est presque mûre et j’espère pouvoir la vendre à un bon prix. »
Au cours de nos conversations avec plusieurs agriculteurs, nous avons constaté qu’ils sont confrontés à de nombreux défis, dont les plus urgents sont la pénurie de plants et de fournitures agricoles, ainsi que la flambée des prix de ces matériaux, qui compliquent considérablement les opérations agricoles.
Les pénuries d’eau restent le plus grand défi, le coût d’un mètre cube atteignant environ 4 dollars, un prix extrêmement élevé pour les agriculteurs. Pour surmonter cela, la plupart des agriculteurs s’appuient sur de petits puits et partagent leur exploitation pour assurer un approvisionnement minimal en eau pour l’irrigation.
Conditions agricoles à Abu Taima et Khuza’a : restrictions de sécurité et crise de l’eau
La situation à Abu Taima et Khuza’a est très différente de celle d’Al-Fukhari. Alors que la plupart des terres agricoles d’Al-Fukhari sont situées à l’intérieur des terres, à plus de 2,5 kilomètres de la frontière, ce qui les rend relativement sûres et permet aux agriculteurs de poursuivre leurs activités agricoles sans menaces directes, la réalité est tout à fait différente à Abu Taima et Khuza’a.
Dans ces zones, la plupart des terres agricoles se situent dans les régions frontalières, où l’occupation israélienne interdit aux agriculteurs de s’approcher ou de se livrer à toute activité agricole. En conséquence, ces terres sont à l’abandon et inutilisables. Même dans les parties les plus intérieures d’Abu Taima, où les agriculteurs ne sont pas directement empêchés de cultiver, une grave crise de l’eau rend l’agriculture pratiquement impossible. La zone manque de puits d’eau souterraine en nombre suffisant, laissant les agriculteurs sans source d’eau fiable. La crise s’est considérablement aggravée après la destruction du système d’eau de l’UJFP, qui alimentait auparavant la plupart des terres agricoles de la région. Ce système comprenait un château d’eau et de multiples puits, mais sa destruction a rendu les terres stériles et impropres à la culture en raison de l’absence totale d’eau d’irrigation.
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Les espoirs des agriculteurs pour la reconstruction du système d’eau de l’UJFP
Face aux difficultés croissantes auxquelles sont confrontés les agriculteurs de Khuza’a et d’Abu Taima, ils espèrent vivement la reconstruction du système d’eau de l’UJFP, qui était autrefois la bouée de sauvetage de ces terres agricoles. La restauration de ce système pourrait constituer la solution ultime pour revitaliser les terres agricoles endommagées, permettre aux agriculteurs de reprendre leur travail, de maintenir la production agricole et de contribuer à la sécurité alimentaire dans la région.
Conclusion
Ce suivi révèle que les agriculteurs de l’est de Khan Younis subissent des conditions extrêmement difficiles, notamment des pénuries d’eau, un manque de fournitures agricoles et des restrictions de sécurité dans les zones frontalières. Malgré ces défis, beaucoup continuent de s’efforcer de retourner sur leurs terres et de cultiver des cultures à croissance rapide pour assurer leurs moyens de subsistance.
L’avenir de l’agriculture dans la région dépend en grande partie de la réhabilitation des infrastructures agricoles essentielles, en particulier de la restauration du système d’eau de l’UJFP à Abu Taima et Khuza’a. Des solutions durables et un soutien urgent sont essentiels pour aider les agriculteurs à surmonter cette crise et à parvenir à la stabilité agricole et économique dans la région.
(Voir aussi les chroniques et articles postés par Brigitte Challande du Collectif Gaza Urgence déplacé.e.s quotidiennes sur le site d’ISM France et du Poing, article hebdomadaire sur le site d’Altermidi, et sur l’Instagram du comité Palestine des étudiants de Montpellier..)