Témoignage d’Abu Amir, le 12 août 2025 – Histoire et résilience : Voix de Gaza

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Dans la bande de Gaza, où les vies sont fauchées sans compter, où les maisons s’effondrent sur leurs habitants, et où l’on arrache aux femmes jusqu’au droit de souffrir, naissent des histoires sous les décombres. Elles émergent comme des souffles coupés, venant de poitrines alourdies par la tristesse, mais elles ne meurent pas. Au milieu d’une famine qui rampe avec un silence mortel, d’un bombardement qui ne distingue ni pierre ni être humain, et d’un déplacement qui dépasse les capacités humaines de résistance, les femmes de Gaza sont devenues à la fois le symbole de la douleur et de la patience.

Dans les camps d’hébergement, on n’entend que les cris des enfants affamés, et les voix de femmes qui portent sur leurs épaules tout le poids de la vie. Là, il n’y a pas de place pour parler de soi, ni de temps pour déposer ses peines. Pourtant, l’impact psychologique de la guerre n’est pas moins destructeur que celui des missiles. C’est pour cela que des séances de soutien psychologique sont devenues comme une bouée de sauvetage spirituelle, offrant à la femme la possibilité de libérer ce qui ne se dit pas, de raconter non pas pour pleurer, mais pour guérir.

C’est dans ce contexte que les équipes de l’UJPF ont organisé une séance de soutien psychologique singulière intitulée « Histoire et résilience : Voix de Gaza », avec la participation de 30 femmes déplacées du camp Al-Isra au centre de Gaza. Des femmes portant des histoires lourdes de guerre, mais qui se sont assises côte à côte, partageant leur douleur, et dépoussiérant leurs âmes épuisées par des mots.

La séance a commencé par des exercices de relaxation et de respiration lente, pour tenter de rompre la tension des corps vivant en état d’alerte permanent. L’animatrice demanda aux participantes de fermer les yeux et d’écouter une musique douce qui se glissait doucement dans la tente, comme pour atteindre des recoins abandonnés de l’âme. Une femme d’une quarantaine d’années murmura après l’exercice :
« Pour la première fois depuis des semaines, j’ai senti que je ne fuyais plus. J’étais là, avec moi-même, respirant lentement, comme si le temps s’était arrêté un instant. »

Puis vint la séquence « Voix du cœur », où chaque participante fut invitée à évoquer une personne ou une chose qui a marqué sa vie. L’une raconta l’histoire d’une petite poupée qui appartenait à sa fille avant que celle-ci ne disparaisse sous les décombres, et comment elle la garde toujours dans son sac, pour se rappeler que sa fille a un jour vécu, et que l’amour a une forme qu’on n’oublie jamais.

S’ensuivit le cercle de parole, où les femmes, assises en cercle fermé, racontèrent tour à tour une histoire inoubliable : certaines parlaient de la perte d’êtres chers, d’autres de moments étranges de survie sous les bombes. Une jeune femme dit :
« Nous avons fui notre maison sous le feu. J’étais pieds nus, portant ma sœur sur mon dos. En chemin, j’ai entendu une femme crier : ‘Qui a vu mon fils ?’ et j’ai crié avec elle. Je ne la connaissais pas, mais son cri a déchiré mon cœur. »
La tente plongea dans le silence, puis beaucoup pleurèrent, mais ces larmes, cette fois, étaient chargées d’appartenance, pas de faiblesse.

On passa ensuite à l’activité « Une figure dans mon cœur », où il fallait se souvenir d’une personne ayant profondément marqué sa vie. Une participante évoqua sa grand-mère qui insistait chaque soir pour leur chanter une chanson traditionnelle malgré le bruit des avions, et qui disait : « Tant que la chanson vit, la guerre n’a pas gagné. »
Les femmes rirent à travers leurs larmes, comme si la grand-mère venait d’apparaître avec toute sa prestance, depuis l’absence, pour offrir à toutes la force de continuer à chanter face à la douleur.

Puis vint la boîte aux souhaits, moment de pure poésie. Chaque femme y glissa un papier, comme si elle y déposait son cœur. Quelques papiers furent choisis pour être lus à voix haute.
Premier papier : « Je souhaite embrasser mes enfants dans notre maison, pas dans une tente. »
Deuxième : « Je rêve de porter ma robe de mariée, pas le linceul de ma sœur. »
Troisième : « Je veux rire, simplement rire, sans culpabilité. »
Ces mots bouleversèrent l’assemblée, faisant des souhaits une matière à conscience : ces femmes ne demandent pas grand-chose, seulement une vie vécue dans la dignité.

La séance s’acheva par « La prière de la résilience ». Chaque femme se leva, les mains levées, parfois en supplication, parfois en gratitude, parfois dans une tristesse noble. L’une d’elles dit d’une voix tremblante :
« Seigneur, ne laisse pas notre résilience devenir une histoire oubliée, fais-en une vie digne d’être racontée. »
Les autres répondirent « Amen », comme un écho douloureux de cœurs qui savent qu’ils ne se briseront pas, peu importe la violence de la tempête.

Les femmes quittèrent la séance plus apaisées, comme si l’histoire avait emporté un peu de leur douleur. Les problèmes de déplacement n’étaient pas résolus, les bombardements ne s’étaient pas arrêtés, mais quelque chose avait changé en elles. La parole était devenue un bouclier, et l’histoire un remède.

En un temps où la vie se mesure entre faim, mort, déplacement et ruines, les ateliers de soutien psychologique deviennent de petites fenêtres par lesquelles la lumière s’infiltre dans le cœur des femmes de Gaza. Ces fenêtres ne s’ouvrent pas sur des villes sûres ou des plages lointaines, mais sur l’intérieur, sur ce qu’il reste de la femme après tout ce qui lui a été arraché. Au milieu des décombres, les histoires se lèvent non pas pour nous faire pleurer, mais pour nous montrer que la guérison commence par l’écoute, par la présence, par la reconnaissance que ce que nous vivons mérite d’être raconté, compris et accueilli.

La séance « Histoire et résilience » a offert aux femmes déplacées une rare opportunité qu’elles ne trouvent pas dans la routine de survie quotidienne : celle de devenir narratrices au lieu de simples chiffres dans les bulletins d’information, de retrouver leurs voix étouffées par la souffrance, et de voir en chacune l’autre un miroir reflétant la force et non la faiblesse, l’espoir et non le désespoir.

Les mots dans cet atelier n’étaient pas des ornements rhétoriques, mais un moyen de sauvetage. Chaque histoire racontée fut comme un fil dans la trame d’une guérison, chaque larme versée comme une pluie légère sur des âmes brûlées par la guerre, chaque rire jailli d’un cœur lourd comme une petite victoire sur la destruction.

Les femmes de Gaza ne cherchent pas la pitié, mais la reconnaissance de leur humanité, un moment d’écoute, un espace qui leur dise : Tu es là, tu es présente, et ton histoire compte. Dans cet atelier, elles ont trouvé cet espace. Elles se sont retrouvées elles-mêmes entre les lignes, dans la voix, dans le silence, dans le papier plié de la boîte aux souhaits, dans la petite poupée porteuse de la mémoire d’une fille disparue, et dans la prière simple qui résumait tous les vœux : Que nous résistions… et que nous continuions à raconter.

Ainsi, « Histoire et résilience » n’a pas été qu’une séance, mais une reconnaissance de la vie au milieu de la mort, et une promesse que la parole peut, parfois… être plus forte qu’un obus.

Si vous voulez, je peux aussi vous préparer une version française littéraire et harmonisée, optimisée pour un public de lecteurs de presse ou d’ONG, qui conservera l’émotion tout en fluidifiant la lecture.
Voulez-vous que je la prépare pour vous ?

(Voir aussi les chroniques et articles postés par Brigitte Challande du Collectif Gaza Urgence déplacé.e.s quotidiennes sur le site d’ISM France et du Poing, article hebdomadaire sur le site d’Altermidi, et sur l’Instagram du comité Palestine des étudiants de Montpellier..)

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