TARABOUT

_ TARABOUT- connections ou liaisons (en arabe -hitkhabrout en hébreu)

Haïfa 17 août

Entretien avec Marcello Weksler

Michèle Sibony en compagnie de Kholod Idris-directrice de Mahapach et Tal Dor Mahapach Zohrot

Marcello Weksler argentin d’origine vit depuis 40 ans en Israël. Il a été membre actif du Matspen. Il se définit aujourd’hui comme militant social et politique. Il est au sein de l’éducation nationale israélienne le directeur national pédagogique d’un programme d’acquisition de culture et diplômant pour les jeunes sortis du système scolaire, en éducation surveillée et en prison.

Il accompagne le groupe Ma’apach depuis sa création. Ma’apach veut dire en hébreu : renversement, retournement, de la même famille que le mot révolution; c’ est une association qui travaille aux changements sociaux et qui a une implantation sur sept sites sensibles : Sderot, kyriat shmonah, Tamra, Yafit El Nazrat, deux quartiers de Jérusalem ouest, et Tel Aviv dans le quartier « Fiorentin » mixte : palestiniens, juifs, travailleurs étrangers. Le travail social se fait avec des étudiants et des résidentes de ces quartiers.
Marcello est l’un des membres fondateurs de Tarabout.
Je commence par poser la question qui est sur toutes les lèvres autour de moi : quels sont les liens entre Tarabout qui se dit mouvement indépendant et Hadash ?

Contexte

Depuis 3 ou 4 ans explique Marcello Weksler, des discussions se menaient entre militants juifs qui avaient quitté Hadash ou qui y étaient encore, et aussi avec des militants de Ta’ayush dont il faut reconnaître que le mur et la situation qu’il a créé sur le terrain, et aussi la fatigue au sens fort des militants (surtout ceux qui assuraient le lien avec les palestiniens des territoires) ont eu raison.

Le processus de création du mouvement a en fait commencé il y a un peu plus d’un an, avec plusieurs israéliens juifs qui avaient quitté Hadash et quelques militants palestiniens restés dans Hadash. A mon interrogation répond Kholod : les militants palestiniens en Israël ne peuvent pas rester « sans maison » ils ont absolument besoin d’un « maison » politique. Que ce soit Balad, Hadash ou le parti islamiste.

Je demande des précisions sur les relations PC –Hadash : Marcello reprend : le PC a créé Hadash (front démocratique pour l’égalité) et il est la seule organisation politique présente en tant que telle à l’intérieur du Front, tous les autres membres sont des individus dont une partie de l’élite intellectuelle palestinienne. Cependant
_ Hadash a développé une culture politique propre et la distance entre Hadash et le PC a plutôt tendance à grandir. J’en veux pour preuve, dit-il que le député Muhamad Baraké à la tête de Hadash a pris ces derniers temps des décisions et positions très différentes de celle du PC.

La question qui agite les palestiniens de Hadash est celle de la place qu’ils occupent dans le champ politique palestinien d’Israël. Sommes nous finalement proches des nationalistes de Balad ? (Rassemblement National Démocratique met l’accent sur la nécessité de reconstruction nationale de la société palestinienne d’Israël afin d’exiger des droits égaux en tant que citoyens et en tant que collectif national différent du collectif juif : son slogan : pour un Etat de tous ses citoyens) Ou bien sommes nous plus orientés vers un partenariat judéo-arabe en Israël. Les questions sociales nous intéressent évidemment, mais c’est le mouvement islamiste qui agit le plus et le plus efficacement en ce moment sur le terrain social palestinien. Quel est donc le créneau propre à Hadash ?

Une des questions en fermentation dans le parti communiste comme dans Hadash, comme dans Ta’ayush, était de parvenir à établir des liens – justement – entre les questions politiques et sociales, de façon à connecter ceux qui s’occupent des problèmes sociaux en Israël avec ceux qui s’intéressent à la politique notamment au conflit Israël Palestine. Et Marcello ajoute, on peut être ici en effet de gauche sur les questions sociale et de droite pour ce qui concerne les TOP, mais l’inverse est aussi vrai, de gauche sur les TOP, mais avec une vision néo libérale de la société. C’est ce questionnement et ses moyens qui fondent Tarabout.

Ce sont les militant palestiniens de Hadash qui ont demandé à ce que Tarabout soit créé dans Hadash afin de pouvoir le rejoindre ; les juifs qui rejoignent Tarabout ne sont pas de Hadash. Kholod insiste : c’est vraiment ce besoin de « maison » politique que n’ont pas les militants juifs. Tarabout s’est donc créé comme un mouvement qui rejoignait Hadash, avec les conditions garanties de l’indépendance politique et financière et avec une prise de décision au cas par cas de Tarabout de conduire une action avec ou sans Hadash.

L’essentiel des militants de Tarabout est aujourd’hui regroupé dans le centre du pays et d’origine juive, les militants palestiniens moins nombreux viennent du Triangle (zone située au nord et centre est du pays et peuplée de palestiniens dont les villages n’ont pas été détruits en 48) avec quelques membres à Jaffa et dans le Neguev.

Tal remarque que côté militants juifs c’est un retour de l’ongéisation du militantisme vers la politique. Tarabout est sans doute la première organisation militante non ONG pour eux, depuis longtemps.(exception faite bien sûr des anarchistes contre le mur)

Action

Le champ d’action de Tarabout veut couvrir tous les domaines. Tous les membres de Tarabout sont militants ailleurs. Le dessein de Tarabout est de lier les actions entre elles, afin de construire ici une autre culture politique. Etablir des liens entre les problémes politiques et sociaux des Palestiniens de 48 et ceux de 67, lier les questions des travailleurs étrangers, avec celles des juifs orientaux, les questions de genre, les problèmes d’éducation.

Je réclame d’urgence un exemple : En ce moment il y a un débat amené par des militants syndicalistes dans Coah laovdim (syndicat de près de 3000 membres qui s’est créé contre la Histadrout le syndicat unique). Les femmes salariées exploitées de Modi’in Illit établie en grande partie sur des territoires palestiniens de 67 ( voir l’article de Gadi Elgazi : ‘exploitation religieuse’ publie dans le monde diplo en aout 2006) demandent à rejoindre le syndicat. Le débat est serré pour savoir si Coah laovdim doit les accepter et surtout sous quelles conditions. Il y a là exactement un travail de discussion à mener et connections à établir.

Autre exemple, la liste municipale de Tel Aviv : « Ir lecoulanou » : Une ville pour nous tous. C’est une large coalition qui inclut entre autre les verts, le Sud Est de la ville, les orientaux, les féministes , les groupes gays homo-lesbiennes, et aussi quelques « nordistes » ( les résidents du nord de Tel aviv, considérés comme des bobos ou bourgeois de gauche) sourit Marcello. Le chef de la coalition est Dov Hanin le député Hadash. Quel rôle a joué Tarabout dans cette affaire : Il a soutenu la lutte contre l’évacuation de la population (juive pauvre) de Cfar Shalem de maisons palestiniennes ironie du sort. Ce qui a permis à cette population d’établir des liens avec la situation équivalente et chronique des habitants arabes de Jaffa. Et même les résidents expulsés de Cfar Shalem ont déclaré qu’ils avaient enfin reconnus et compris ce qu’avait dû être l’expulsion de 48 pour les Palestiniens. Les militants locaux ont reçu l’aide de Tarabout et c’est l’une d’eux Yael du Keshet Hamizrahi (mouvement des juifs orientaux) qui a été élue dans la coalition de « Ir le coulanou. »

Le travail de Tarabout est aussi un travail de construction du partenariat et de la solidarité judéo-arabe en Israël et avec les Territoires occupés.

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