Monsieur le Ministre,
L’UJFP est une association juive laïque qui travaille pour une paix juste au Proche-Orient et contre l’antisémitisme, l’islamophobie et d’autres formes de discrimination ici en France. La nouvelle d’une éventuelle suspension de l’aide européenne au gouvernement palestinien nous alarme au plus haut point.
Cette question sera débattue lors du prochain Conseil des Ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne, au Luxembourg, ce lundi 10 avril. Aussi voulons-nous insister auparavant, sur la gravité et le risque d’une telle décision.
Vous n’êtes pas sans savoir que cette aide (de 500 millions d’euros en 2005) est absolument vitale pour la population qui vit sous occupation, dans des territoires dont l’économie est détruite par l’absence de liberté de circulation, par le vol des terres, le vol de l’eau, l’arrachage des oliviers qui constituent sa principale ressource agricole.
L’Union européenne est la première contributrice économique du peuple palestinien. Malgré cette aide, les conditions de l’occupation condamnent la majorité de la population à ne survivre qu’en deçà du seuil de pauvreté (voir rapport de l’UNRWA). La première condition d’un développement durable en Palestine reste l’arrêt de l’occupation. En attendant, Les Palestiniens ont besoin de toute l’aide internationale pour sortir du « dé-développement » auquel l’occupation l’a réduit. D’autre part, dans la situation politique actuelle à l’échelle mondiale, il est à craindre que la contribution européenne reste la seule, les Etats-Unis ayant déjà annoncé leur retrait, avec les conséquences possibles d’autres retraits d’appuis financiers, y compris dans des pays arabes soucieux de leur alliance avec les Etats-Unis.
Il n’est pas concevable que les ministres européens s’entendent pour prendre une mesure qui entraînerait famine, crise sanitaire et désordres divers en Palestine.
L’Union européenne a reconnu que les élections ayant porté le Hamas au gouvernement ont été organisées et se sont déroulées dans le respect de la démocratie et du droit. Que certains pays membres s’alarment des positions politiques du Hamas est une chose. Mais les opinions politiques ne sauraient surpasser le droit.
Dans les règles de coopération de l’Union européenne, il y a des règles de suspension des accords avec tout pays qui ne respecte pas les droits de l’homme. Or Israël les viole ouvertement depuis des années (voir rapport produit en décembre par des diplomates des pays de l’UE à Jérusalem, Tél-Aviv et Ramallah sur la violation des droits à Jérusalem-Est et dans des colonies annexées). Pour autant, la suspension de l’Accord d’association entre l’Union européenne et Israël, demandée depuis plusieurs années par les sociétés civiles et par le Parlement européen, n’a pas été ratifiée.
Les dirigeants de l’État d’Israël refusent d’appliquer la IVème Convention de Genève, de reconnaître l’État palestinien ou simplement le droit du peuple palestinien à un État dans les frontières de 1967, de respecter les accords signés et de renoncer à la violence contre la population civile palestinienne.
Même les résolutions de la Cour Internationale de Justice du 9 juillet 2004 déclarant l’illégalité du mur d’annexion israélien en Cisjordanie et requérant de la communauté internationale qu’elle prenne ses responsabilités pour en interrompre la construction, abattre les parties déjà construites, et restituer leurs terres et leurs biens confisqués aux Palestiniens, sont restées sans suite, et ce, en dépit du vote de l’Assemblée générale des Nations unies. En dépit aussi du fait que les 25 États membres de l’UE ont approuvé ces recommandations.
[b]Et voici que c’est à l’encontre du peuple palestinien et de ses dirigeants démocratiquement élus que surgit, pour la première fois dans ce conflit, l’hypothèse de sanctions. Ce n’est pas seulement un choix fondé sur un « deux poids, deux mesures », c’est aussi une inversion des termes du conflit, celui d’une occupation par Israël des territoires palestiniens. L’impunité d’Israël vis-à-vis de toutes ces violations du droit international est un facteur de guerre.
Il est temps de mettre un terme à une lecture factice du conflit qui impose au peuple occupé de faire la preuve préalable de sa capacité à l’autodétermination et à l’indépendance et qui donne des gages à la puissance occupante pour poursuivre sa stratégie unilatérale d’annexion et de violation du droit international. Il est temps de redonner une chance à la paix.[/b]
L’Union européenne en a l’occasion ce 10 avril.
En tant qu’association juive, nous vous demandons de ne pas supprimer un seul euro de l’aide européenne accordée au peuple palestinien, et ceci au nom de la justice et de l’équité à laquelle nous sommes fermement attachés. En espérant que vous comprendrez qu’on ne peut tolérer l’oppression d’un peuple, ici le peuple palestinien, nous vous demandons de ne pas prendre une décision que nous jugeons scandaleuse et dangereuse.
La France a continuellement confirmé son adhésion à la recherche d’une solution qui préserve les droits des Palestiniens à jouir d’un État viable dans des frontières sûres.
Nous demandons solennellement au représentant de la France au Conseil des ministres européens d’intervenir en ce sens avec détermination auprès des autres États membres, afin que l’aide financière de l’Union européenne soit maintenue et débloquée rapidement.
Veuillez croire, Monsieur le Ministre, en l’assurance de notre plus haute considération.
Richard WAGMAN
Président