Par Haidar Eid, le 22 mars 2022
Les Palestiniens ne peuvent évidemment pas se prévaloir des mêmes droits que d’autres peuples. C’est le seul standard occidental qui ait été appliqué dans les cent dernières années.
Il n’y a pas de double standard occidental, comme l’affirment la plupart des Palestiniens et de leurs soutiens. En fait, l’Occident capitaliste a été cohérent dans son soutien de l’entreprise sioniste en Palestine depuis sa création. Il n’a jamais affirmé le contraire. Pas en 1948, quand il a reconnu l’établissement d’un Etat juif aux dépens de la population autochtone de Palestine, ni en 1967 quand Israël a étendu son projet colonial pour occuper le reste de la Palestine ainsi que quelques parties de l’Egypte, de la Syrie et de la Jordanie. Et depuis 1967, Israël a étendu ses colonies en Cisjordanie occupée, assiégé la Bande de Gaza, commis des crimes de guerres et des crimes contre l’humanité, et promulgué ouvertement des lois d’apartheid contre ses citoyens palestiniens de deuxième classe. Cela a été attesté par les principales organisations de défense des droits humains occidentales, mais les gouvernements occidentaux n’ont absolument rien fait pour soutenir le peuple palestinien. Au contraire, ces mêmes gouvernements ont été absolument clairs sur leurs politiques racistes vis-à-vis des droits humains des Palestiniens. Pour eux, les Palestiniens, au teint foncé, « arabes », ne sont pas aussi humains que les juifs ashkénazes blancs qui se trouvent avoir été les victimes du pire pogrom antisémite occidental du XXe siècle.
Si Israël attaque Gaza (comme il l’a fait en 2009, 2012, 2014, 2021) et tue des milliers de civils innocents, détruit des immeubles et assassine des manifestants non-violents, ce sont les Palestiniens qui sont à blamer. Au mieux, « les deux côtés » devraient montrer « de la retenue », i.e. l’armée qui est équipée d’avions de combat F35 de fabrication américaine, d’ogives nucléaires, de tanks et de bombes au phosphore, pour ne nommer que cela, et des enfants et des femmes privés de leurs droits fondamentaux et assiégés dans ce qui est devenu la plus vaste prison à ciel ouvert sur terre, sont traités à égalité. Le crime des derniers est qu’ils ne sont pas nés de mères blondes aux yeux bleus ! C’est du suprémacisme blanc raciste s’il en est.
Nous n’osons pas demander un boycott de l’Israël de l’apartheid, ni le respect effectif de nos droits humains de base, sans parler du respect de notre résistance populaire. N’est-ce pas ce que les mêmes gouvernements occidentaux soutiennent en Ukraine ? Mais comment osons-nous, nous Palestiniens, penser même à cette analogie ?
En tant que réfugié dont les parents, ainsi que 750 000 Palestiniens, ont été nettoyés ethniquement en 1948 et sont devenus des réfugiés dans des camps de Gaza, de Cisjordanie et de la diaspora, je ne peux que ressentir la souffrance horrible des réfugiés ukrainiens. Nous condamnons aussi, dans les termes les plus forts possibles, tout crime de guerre commis par n’importe quelle armée, que ce soit en Iraq ou en Afghanistan, ou en Syrie, ou en Urkaine. Les victimes de ces crimes sont tous égaux en tant que victimes, indépendamment de leur ethnicité, de leur religion et de leur sexe.
L’invasion russe de l’Ukraine, cependant, a été accueillie par la condamnation occidentale la plus énergique et la plus rapide, pour ces raisons mentionnées sans sourciller par des journalistes et des politiciens blancs : les réfugiés ukrainiens sont comme « nous », blancs, de la classe moyenne, Européens, chrétiens (et quelques-uns sont juifs), contrairement aux « foules » à la peau sombre, moyen-orientales, africaines et musulmanes qui veulent déferler sur l’Europe « en masse » ! Mais, les politiques occidentales qu’elles soient conservatrices ou progressistes, ont toujours été les mêmes : racistes, colonialistes et classistes. Elles sont à la réflexion une vision du monde darwinienne, selon laquelle les humains sont différents seulement pour des raisons biologiques : plus ils sont blancs, mieux c’est ! Et donc les cultures reflètent ces différences biologiques. Comme Étienne Balibar l’a écrit dans sa discussion du racisme culturel : « la culture peut aussi fonctionner comme une nature, et elle peut en particulier fonctionner comme un moyen d’enfermer les individus et les groupes … dans une détermination qui est immuable et intangible d’origine. »
Maintenant qu’Amnesty International, Human Rights Watch et même B’tselem ont tous conclu qu’Israël pratique l’apartheid, indubitablement un crime contre l’humanité, du Jourdain à la Médierranée, qu’est-ce que les gouvernements occidentaux, progressistes, vont y faire ? Vont-ils répondre à l’appel de la société civile palestinienne, à savoir boycotter, désinvestir et sanctionner l’Israël de l’apartheid jusqu’à ce qu’il respecte le droit international, le droit même qui a été créé par eux après la Deuxième Guerre mondiale ? Vont-ils soutenir la poursuite palestinienne de la justice et de la reddition de comptes via la Cour pénale internationale comme ils le font pour la poursuite ukrainienne de la justice ? Vont-ils soutenir la résistance palestinienne à l’occupation, au colonialisme de peuplement et à l’apartheid ?
La réponse est un grand NON, seulement parce que les Palestiniens ne peuvent se prévaloir des mêmes droits que les Ukrainiens. C’est le seul standard occidental qui ait été appliqué dans les cent dernières années. Prétendre le contraire est — c’est le moins qu’on puisse dire — une interprétation erronnée de l’histoire.
Source : Mondoweiss
Traduction CG pour l’Agence média Palestine