Sur la situation à Masafer Yatta

Par l’Agence média Palestine, le 8 mai 2022

Le rejet du recours par la Cour Suprême israélienne 

Le 4 mai 2022, la Cour Suprême israélienne a rejeté le dernier recours contre l’expulsion et le transfert par la force de plus de deux mille palestiniens habitant Masafer Yatta, pour défaut de bases légales et parce qu’aucun crime n’aurait été commis. Cette décision fait suite à vingt-trois ans de procès et scelle le sort des Palestiniens qui vivent et cultivent leur terre dans cette zone. Alors que la commémoration de la Nakba approche, cette décision rappelle que le nettoyage ethnique subi par les Palestiniens ne s’est jamais achevé.

Que se passe-t-il à Masafer Yatta ?

Située dans la “zone C” en Cisjordanie occupée et placée sous contrôle militaire israélien, Masafer Yatta est une zone rurale du sud d’Hébron. Vingt hameaux palestiniens constituent la zone. Dans les années 1980, Israël a décidé d’allouer trois mille hectares de ces terres à l’armée, en en faisant une zone d’entraînement aux tirs. C’est Ariel Sharon, alors Ministre de l’agriculture israélien, qui a pris la décision de faire des douze villages palestiniens qui se trouvent précisément sur la zone un terrain militaire. Son intention était alors claire : déplacer de force les Palestiniens habitant ces villages. La zone est en effet habitée depuis des décennies, bien avant 1967 et l’occupation israélienne de la Cisjordanie, par des communautés palestiniennes. Depuis 2011, les expropriations se sont accélérées dans la zone ; les autorités israéliennes ont démoli plus de deux cents bâtiments appartenant à des Palestiniens, et déplacé de force plus de six-cent habitants. 

Faire des zones dans lesquelles résident les Palestiniens des zones de tir militaire interdites aux civils permet depuis des décennies au régime d’occupation israélien de déplacer les populations civiles et de détruire leurs habitations ; depuis 1970, 18% de la Cisjordanie occupée sont ainsi devenus des zones de tir militaires. Puisqu’il est impossible pour les Palestiniens d’obtenir des permis de construire, les forces d’occupation israéliennes détruisent les habitations et les cultures, seuls moyens de subsistance, des communautés vivant sur ces territoires, et font de leur quotidien un véritable enfer fait de violences de la part des colons et de vol de bétail.

Surtout, la décision de la Cour Suprême fera certainement figure de précédent juridique permettant aux autorités d’autoriser de futures expulsions et expropriations en Cisjordanie occupée. La décision ouvre d’ores et déjà la possibilité pour les forces d’occupation de démolir huit villages de Masafer Yatta. 

Oren Ziv/Activestills
Oren Ziv/Activestills

Une décision contraire au droit international

Cette décision impliquant un transfert de populations par la force, elle représente une grave violation du droit international. En effet, une puissance occupante ne doit pas déplacer de force des civils faisant partie de la population occupée. Des traités dont Israël est lui-même partie stipulent clairement qu’exploiter le territoire occupé pour desservir le population occupée est illégal. Si Israël a pu affirmer qu’il utiliserait Masafer Yatta pour former les soldats en cas de guerre au Liban, le droit international refuse une telle défense au motif que les territoires occupés ne peuvent être exploités à des fins militaires que pour satisfaire aux besoins de gestion et de sécurité du territoire occupé.

L’indifférence de la communauté internationale

    Expulser les Palestiniens de Masafer Yatta relève donc bien d’une entreprise de nettoyage ethnique, menée depuis des décennies par Israël et face à laquelle la communauté internationale reste muette. Plusieurs organismes de défense des droits humains soulignent que les instances internationales devront s’assurer que le gouvernement, l’armée et les juges de la Cour Suprême israélienne seront tenus pour responsables à défaut d’être capables d’empêcher l’expulsion forcée des communautés palestiniennes. L’association de défense des droits humains israélienne B’Tselem a, dans un communiqué, dénoncé cette décision d’un “tribunal de l’occupant”, tandis que le maire de Masafer Yatta déclaré que les habitants n’avaient nullement l’intention de quitter leurs maisons. Les principaux médias occidentaux restent, eux aussi, muets sur la question. 

Références utiles 

Agence média Palestine : https://agencemediapalestine.fr/blog/2021/03/11/tout-ce-que-je-peux-faire-cest-filmer-et-cela-me-brise-le-coeur/

Communiqué de l’Agence France Palestine Solidarité : https://www.france-palestine.org/Arreter-le-transfert-force-des-Palestiniens-par-Israel

+972 magazine : https://www.972mag.com/explainer-masafer-yatta-firing-zone-918/

Al-Jazeera : https://www.aljazeera.com/news/2022/5/5/rights-groups-slam-israeli-ruling-that-allows-razing-of-villages

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