Union juive française pour la paix

Suis-je la seule?

club de mediapart Suis-je la seule?

Vous épluchez vos légumes en paix ? Pas moi. Vous portez à votre bouche, tranquille, des cuillerées de soupe, avant de rejoindre Morphée ? Pas moi. Suis-je seule à connaître la promesse de nuits agitées, la colère, puis la honte qui risquent de faire de nous des zombis ? Le mal est fait, accompli. Ce délire de puissance sans limites, en Palestine, est-il, au bout de deux ans, notre seul lot ?

Née au lendemain de la 2°guerre mondiale, bercée par l’ombre d’une extermination massive qui avait enclenché un sincère, puis un frelaté « Plus jamais ça !», suis-je la seule à devoir faire face à un hubris déchaîné qui le contredit ? Non, assurément. Notre impuissance grandit à mesure que s’empilent crimes de guerre, crimes contre l’humanité et une forme particulière de génocide qui refuse de dire son nom. Prononcer un tel mot serait un  crime de lèse majesté à entendre ceux qui ne peuvent le supporter. Pourtant…

Vider Gaza ne suffit pas. S’emparer des terres en Cisjordanie, non plus. Il faut tuer, torturer, tirer à bout portant et tout détruire… « dans la joie » sadique. Il faut affamer, estropier, barrer la route au moindre rêve de liberté et lancer du haut du ciel des tracts, les uns plus mensongers que les autres. Il faut se vanter de tout cela, et grimacer à la face du monde, en le ridiculisant.  Droits de l’homme, droit international prout, prout! Colonisation ? Occupation ? Apartheid ? Du bluff, du pipeau ! Que des slogans antisémites !  
Au nom de quoi tout cela? Vaincre l’antisémitisme et le Hamas, éliminer des terroristes ? A d’autres la chansonnette ! Prendre sa revanche, se rouler dans la soie et l’abjection, plutôt ! N’y a-t-il que des fascistes officialisés pour assumer la chose ?

 Ce gamin, cartable au dos qui s’affole de voir surgir des soldats devant son école, pourquoi l’a-t-on assassiné ? Cette femme, pourquoi a-t-elle perdu son mari et tous ses enfants ? Cette famille fouillant les décombres à la recherche de ses disparus, pourquoi l’a-t-on  ciblée ? Pour qu’un nouveau genre de cow-boys enragés et de nouveaux quakers, Bible en main,  puissent s’en donner à cœur joie et danser en rond. Pour que le peuple élu puisse se réjouir à chaque bombardement et trinquer du haut d’une colline ? Pour que magnifié, auréolé de sa blessure d’éternelle victime, il puisse se goinfrer de royalties et de soleil, une fois la Riviera en place ? 

 Caillasser, dézinguer villageois, bergers, cultivateurs et même des agneaux dans leur bergerie en territoires –illégalement- occupés, pour faire quoi ? Des soirées à demi pornographiques sur la terre sacrée de ses ancêtres ? Se balancer en lisant la Torah dans une synagogue, une yeshiva, sans en respecter les commandements ? Fabriquer des objets pour le tourisme et interdire à ses enfants de faire des mathématiques ? Expérimenter des armes High Tech, exploiter du gaz, faire fructifier l’immobilier, payer de petits mafieux pour semer la zizanie et terrifier une population, histoire d’aller jouer dans la cour des grands ? C’est cela qu’il fallait accomplir ?
 

Qu’est-ce qui lui a pris à ce fichu peuple, élu pour remplir des devoirs à l’égard de l’espèce humaine, certainement pas pour se tenir au-dessus des lois ? Il s’est senti menacé, en proie à l’insécurité ? Comme ça, d’un coup, parce qu’un groupe armé, au bout de 74 ans de domination et de colonisation débridées, a mis en pièces son sentiment d’infaillibilité, d’invulnérabilité ? Parce que des « terroristes », des H.L.L., des hors-la-loi, ainsi nommés au début de la guerre d’indépendance algérienne, ont commis, certes, des actes à réprouver, des actes de résistance  mal ciblés, mais qui ne pèsent plus grand chose devant ce qu’un pouvoir colonial est capable de déclencher comme représailles. On ne doit pas s’attaquer à des civils, encore moins à des enfants ?  Assurément. Mais dans ce cas qu’a-t-on dit et fait devant les milliers et milliers d’entre eux assassinés à Gaza ?  On a rendu hommage aux « glorieux » soldats de Tsahal, rendu hommage à toutes leurs saloperies et on continue. La seule façon, paraît-il aujourd’hui, de se sentir  juif, le juif nouveau,  loin du juif « dégénéré » qui hantait l’esprit d’Herzl et des hommes du 19°siècle. 

Il trône désormais en Israël le juif nouveau, qui se prétend démocrate et qui vote au Parlement des mesures iniques à faire froid dans le dos. Il sévit en Europe, le juif nouveau qui s’est lancé dans un maccarthysme, lui aussi sans limites : poser un épais bâillon sur toute contestation, en priorité sur ces voix qui crient « Pas en mon nom »- des traîtres- est le travail dévolu à tous les bien planqués en Europe, en France. Certains citoyens juifs  applaudissent des quatre mains à la liesse sanguinaire, se sentant coupables de rester ici bien au chaud. Gênés, quelque peu, aux entournures de ne pas laisser leurs enfants devenir eux aussi de la chair à canon ou atterrir en clinique psychiatrique en raison d’un choc post traumatique pour avoir enfreint les lois et  valeurs du judaïsme et de l’universelle condition humaine.
Va-t-il gagner la partie le juif nouveau qui n’hésite pas à frayer avec de notoires antisémites déguisés en amoureux pro sémites ? A l’exception des « arabes » c’est entendu. Va-t-il rejoindre les poubelles de l’Histoire, le nouveau juif, en Israël, en Europe, aux Etats-Unis  au même titre que les fascistes, les droites extrêmes, et même certains sociaux démocrates, bon teint bon genre, comme un  certain Hollande, portant kippa à l’orée d’une synagogue ? Que de gens pour se régaler de cette nouvelle « conversion » ! Une conversion plus efficace que le vieux délire, écossais à l’origine, d’un Armagedon en terre sainte, où tous les juifs seront rassemblés, de gré ou de force, pour que se livre l’ultime bataille entre le bien et le mal, là où ils n’auront le choix que de succomber  ou de devenir chrétiens.
La bataille a  bien lieu tous les jours aux quatre coins du monde où l’on promeut et soutient, à qui mieux- mieux, un colonialisme d’autant plus forcené qu’il n’est plus à la mode. Une vraie guerre idéologique qui nous enjoint d’en être complice, d’applaudir chacune des étapes de sa monstrueuse domination. Et de passer outre à l’éradication d’un peuple, à Gaza et en Cisjordanie, dernière trace d’une culture anciennement partagée dont on ne veut plus entendre parler. Soyons sans crainte. Un plan de paix en ralentira le processus : quelques vagues dispositions d’aide humanitaire, un business plan économique, costaud, sérieux, et des forces internationales d’interposition pour assurer le tout. Bientôt dans le sac !
A condition, à condition, d’accepter de se soumettre  à la loi du silence, celle de toutes les mafias qui ont des comptes à régler avec des gangsters concurrents : annulation, interdiction de colloques, de conférences, de manifestations, mise à l’index, jusqu’à des menaces directes quand on a le courage, pardon le culot, de vouloir faire appliquer le droit international, de rappeler les bases historiques du sionisme, et de prétendre que seul l’empire chrétien a mené une politique des plus oppressives à l’égard de ses juifs. 

Si les royaumes d’Islam n’ont jamais appliqué de telles mesures de coercition, c’est pour une simple raison : le 3° monothéisme, naissant sous le même soleil d’Orient que les deux autres, n’a pas éprouvé le besoin de nier sa dette à l’égard du premier, le judaïsme. Il a même reconnu son apport, a dialogué avec lui, pendant des siècles. On tente aujourd’hui d’en reparler, d’exhumer la richesse de ces échanges et interpénétrations?  Pan, pan ! On dénigre, on menace, on bloque, officiellement ou en douce, à Berlin, à Tübingen, aux quatre coins de la grande Allemagne -Magnus Alles- qui décidément remporte toujours le pompon… S’il fut longtemps interdit d’appeler même son chien « Adolf », il est obligatoire à présent de se taire, y compris dans le clos des monastères universitaires, et même obligatoire de se terrer chez soi, Aucun mot de compassion pour les victimes d’un génocide ne doit être prononcé, encore moins participer à des protestations sur la voie publique. Mieux qu’en France!… Il est bien plus juteux de soutenir la doctrine belliciste ambiante !

La bataille est rude, c’est vrai. Elle prend tous les jours un tour nouveau pour  accueillir dans ses rangs, ou pour les paralyser, des gens qui, à priori, ont les moyens de résister à son rouleau compresseur. Intellectuels, hommes politiques, artistes, hauts fonctionnaires européens, écrivains, essayistes qui se couchent, se prostituent, et vendent leur âme au plus offrant, par conviction, par trouille, par intérêts personnels bien compris. Les mêmes raisons ou motivations que nos vieux collabos ! La volonté devenue «  nécessité » d’en découdre avec toute cette vermine de palestiniens à expulser, à éliminer le réclame. Un Armageddon repris en mains, à son propre compte, par le juif nouveau, sans frontière ni délimitation territoriale comme est l’Etat d’Israël, c’est-y pas malin joli ?
 

Que pouvons-nous encore espérer ? Tout et rien. Mais qu’au moins les ondes de choc provoquées par un si vieux conflit, qui n’est en rien religieux en dépit des apparences, nous amènent à reconsidérer les impasses de notre «  humanisme » et de nos « droits de l’Homme » à géométrie si variable. Qu’elles nous obligent à ne pas nous contenter de « déclarations » et bonnes intentions. Qu’elles nous rappellent que sans dynamique constante de lutte, nos valeurs -laïcité, démocratie,  droits des peuples, liberté d’expression…-, n’ont que peu de réalité.
Les fauteurs et complices de crimes contre le moindre enfant doivent être reconnus, jugés et punis. Sans trop rêver à des lendemains qui chantent, nous pourrions alors sortir de notre indifférence, de nos culpabilités et offrir une main tendue, un sourire à chaque visage qui  le demande et l’attend.

 Adèle 47

L’article sur le blog Médiapart de Adèle47