500 personnes rassemblées, très majoritairement musulmanes mais présence de quelques dizaines de personnes qui ne l’étaient probablement pas, à l’appel d’une association, les Alliés de la paix, et d’une quinzaine d’associations dont une dizaine de mosquées.
Intervention UJFP Samedi 24 novembre Bordeaux (André Rosevègue) :
J’interviens au nom de l’Union Juive française pour la paix d’Aquitaine.
L’UJFP est une association qui porte une parole juive laïque. Née en 1994 pour participer à la solidarité avec la résistance du peuple palestinien, elle s’est trouvée de plus en plus obligée de défendre ici les valeurs pour lesquelles nous étions solidaires du peuple palestinien : le refus de toutes les discriminations, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, les droits humains, individuels et collectifs, et parmi eux le droit de choisir sa religion, le droit de croire ou de ne pas croire, le droit de parler sa langue, le droit de tous les peuples à l’autodétermination.
Car si dans bien des pays ces droits ne sont pas établis, nous disons clairement que nous sommes solidaires de celles et ceux qui dans tous les pays du monde se battent pour ces libertés, liberté de pensée, liberté d’expression.
Or oui, aujourd’hui, dans notre pays, la laïcité clairement établie par la loi de 1905 est mise en cause ici, et mise en cause y compris par les plus hautes autorités de l’État.
Déjà la loi d’interdiction du foulard à l’école était contraire à la laïcité. Ce sont les agents de l’État et des collectivités publiques qui pendant leur service se doivent de respecter la neutralité politique et religieuse. Ce n’est pas aux citoyens et aux usagers du service public que s’impose cette neutralité.
Depuis des années maintenant des enfants vont tous les jours à l’école de la République et y subissent méfiance et mépris de ce qu’ils sont, contrôles et discours humiliants sur leur religion, leurs familles, les causes justes qu’ils défendent.
Souvenons nous que c’est en 2014 qu’est publié le premier document de prévention de la radicalisation en milieu scolaire par l’académie de Poitiers, qui le retire ensuite, mais il est suivi de bien d’autres jusqu’à celui tout récent sur le signalement de la radicalisation de l’université de Cergy.
Cette « vigilance » initiée par l’État est, on l’a beaucoup dit, un appel à la délation des voisins, des collègues, des enfants. Cette détection des « signaux faibles » de radicalisation, c’est la dénonciation de toute pratique de l’Islam.
Ces enfants écoutent à la télévision des discours humiliants pour leurs familles, leur père et leur mère, leur grand frère, leur grande sœur ..
Leurs pères leurs frères, sont surveillés sur leurs lieux de travail, dans la ville, soumis aux contrôles au faciès.
Leurs mères sortent parfois le matin la peur au ventre pour les accompagner à l’école, aller au travail ou chercher du travail, aller à la poste, la banque ou l’hôpital, sans jamais savoir d’où va venir l’agression verbale ou parfois physique. Et c’est cela l’apprentissage que subissent ces enfants de la République, c’est ainsi que l’on forme aujourd’hui des citoyens dans ce pays. Et c’est une honte ! Et ce que les autres enfants apprennent sur les bancs de cette nouvelle école laïque c’est que que eux-mêmes n’étant pas musulmans sont protégés, qu’ils sont eux à l’abri des suspicions et ils intègrent discrimination et ségrégation comme des choses normales.
Il nous faut donc répéter cette évidence : non, porter le voile, être un musulman pieux, manger halal, ce n’est pas le premier pas vers le terrorisme !
Nous sommes une association juive, la seule association juive représentée ici, et c’est lamentable que nous soyons la seule. Même si nous savons que d’autres Juifs sont présents anonymement, militants associatifs, syndicaux, ou dans des partis, et qu’ils sont aussi là parce qu’ils se souviennent aussi de leur histoire familiale.
Nous à l’UJFP , nous avons aussi de la mémoire, et nous nous en servons.
L’islamophobie, comme l’antisémitisme autrefois, est devenue le dénominateur commun de tout ce que le monde compte de partis et d’idéologies racistes et xénophobes. Ne pas le comprendre rend inopérant le combat antifasciste. Les deux racismes ont aussi en commun d’être des racismes d’État qui édictent des lois discriminatoires sur fond de stigmatisation au plus haut niveau.
Cette mémoire renforce notre devoir d’être d’abord et avant tout être toujours du côté de l’opprimé et de la victime du racisme. L’écouter lui d’abord et lui avant tous les autres, respecter sa parole et lutter avec lui à ses côtés.
Les Juifs d’Europe des années trente, mes parents, ont connu cette atmosphère antisémite ; la littérature de l’époque en porte abondamment les traces. Une société imprégnée par le racisme qui laisse advenir le pire.
Nous avons la mémoire du génocide des Juifs d’Europe et des tziganes par le nazisme. nous savons qu’il n’a malheureusement pas été le seul : le XX° siècle a débuté avec le génocide des Hereros du Sud-Ouest Africain, l’actuelle Namibie, il s’est poursuivi avec celui des Arméniens, le siècle finissant a connu le génocide des Tutsis du Rwanda. Et quand nous voyons aujourd’hui les bombardements systématiques dont sont victimes les Syriens par leur propre pouvoir et par de puissants alliés, on sait que le pire n’est pas forcément derrière nous.
Nous sommes inscrits dans la lutte contre le racisme, sous toutes ses formes.
L’islamophobie, ce racisme qui vient d’en haut, des plus hauts niveaux de l’État et que les médias complaisants diffusent dans tout l’espace social saturé de cette haine. La négrophobie qui tue en silence, « bavure » après « bavure » policière avec tous les guillemets voulus, de jeunes noirs, sans jamais faire la une des journaux, ni mériter de discours politiques, ni voir sanctionné les crimes par la justice. Rromophobie et les pogroms organisés contre les « gitans », les « tziganes »,sous les yeux complaisants de policiers qui n’interviennent pas, le racisme qui vise les asiatiques, encore plus invisible et silencieux, l’antisémitisme qui tue encore de façon crapuleuse et sordide. Mais qui lui réunit sans frilosité aucune la protestation de toutes les familles politiques de ce pays, y compris celles qui participent au discours islamophobe.
Ce racisme qui sert si bien les intérêts de l’état ultra-libéral : jouer la diversion pendant qu’il paupérise la population en détruisant tous les acquis de ses luttes sociales, travail, droit au chômage, santé, école, retraite, imposition .. ; et jouer la division au sein de cette population pour son profit et son bénéfice : se poser en rétablisseur d’ordre. Comme au bon vieux temps des colonies.
Dans la crise que connaît le capitalisme mondial, se développe cette idée réactionnaire de l’identité nationale, du refus du vivre ensemble, c’est l’idée du sionisme colonial, c’est l’idée d’Orban en Hongrie, c’est l’idée de ceux qui veulent une France débarrassée de ses musulmans.
J’étais à la manifestation de Paris le 10 novembre, et je dois dire qu’elle m’a redonné espoir. L’UJFP y était présente et l’intervention de Michèle Sibony, notre porte-parole, que j’ai largement reprise ici, a été applaudie. Ce qui donne le plus d’espoir, c’est d’avoir enfin vu une manifestation nombreuse et joyeuse, où jeunes et vieux, « Blancs » et racisés, ceux qui croient au ciel et ceux qui n’y croient pas disaient ensemble « Oui à la laïcité, oui à la loi de 1905 », « oui à la critique des religions, non à la haine des croyants ».« on s’habille comme on veut », « le problème, c’est pas le voile, c’est la misère sociale », et sa variante « le problème, ce n’est pas le voile, c’est le capital » !
« Vivre ensemble dans l’égalité des droits », c’est accepter l’autre. C’est considérer qu’on peut s’enrichir mutuellement dans la rencontre des différences. C’est refuser l’idée absurde et terriblement dangereuse que le seul choix possible, c’est soit de s’assimiler et de faire disparaître sa différence, soit de se séparer.
La fraternité n’est pas un vain mot, c’est à la base que nous le montrerons, tous ensemble.
Un compte-rendu paru dans Sud-Ouest
Bordeaux : 400 manifestants se rassemblent contre l’islamophobie
Ce dimanche 24 novembre, environ 400 personnes se sont réunies place Pey Berland pour dire stop à l’islamophobie
Organisé par un collectif d’une vingtaine d’associations, le rassemblement avait pour mot d’ordre le « vivre ensemble ».
« Aujourd’hui, la cohésion nationale est menacée. Une partie de la société est discriminée, nous demandons donc que les principes de la République, à savoir l’égalité et la liberté, soient incarnés au quotidien », explique Ridouane Abdourahmane, président de la mosquée de Pessac et organisateur de l’événement.
Mais si Ridouane Abdourahmane se réjouit du nombre de personnes présentes ce dimanche, il regrette toutefois l’absence de certains acteurs du milieu associatif, comme la Ligue des droits de l’homme. « Je lance un appel à toutes les associations antiracistes qui ne sont pas là aujourd’hui, il faut que nous soyons unis et que nous nous mobilisions avec la même énergie quelle que soit la forme de racisme dont il est question ».
Un constat partagé par André Rosevegue, de l’association Union Juive Française pour la Paix : « Il faut se battre contre tous les types de racismes, c’est pourquoi nous sommes là aujourd’hui et solidaires avec les musulmans victimes d’une islamophobie instrumentalisée par le pouvoir ».
« Je suis là pour qu’on arrête de parler à ma place »
Lors du rassemblement, de nombreuses femmes étaient présentes pour défendre leur droit de porter le voile. « Je suis là pour qu’on arrête de parler et de décider à ma place et qu’on me laisse porter ce dont j’ai envie », explique Sarah, 15 ans.
Il a aussi beaucoup été question du récent vote par le Sénat de l’interdiction du port de signes religieux ostensibles pour les parents accompagnant les sorties scolaires. « C’est inacceptable, je ne comprends vraiment pas », déplore Fatima, venue spécialement de Mont-de-Marsan pour répéter, encore et encore : « stop à l’islamophobie ».