Soutien à la Palestine et boycott d’Israël

Gaza est sous les bombes israéliennes depuis plus de deux semaines suite à l’enlèvement et la mort de trois Israéliens. Le Hamas a été accusé mais les certitudes s’envolent.

Le Bordelais André Rosevègue, co-Président de l’Union Juive Française pour la Paix, réagit à ce conflit avec un billet sans concessions, paru dans RUE89 Bordeaux.

Au moment où j’écris ces lignes, les dépêches annoncent que le nombre de morts à Gaza a dépassé les mille. Une amie Gazaouie dit : «Nous avions promis de ne jamais parler des victimes sans citer leurs noms, nous n’y arrivons plus !»

Faut-il le rappeler : il ne s’agit pas d’une guerre. Il s’agit d’une punition infligée par une armée moderne et sophistiquée à la population de Gaza et au peuple palestinien.

Pourquoi cette punition, ces destructions, cet hôpital et ces écoles bombardées, ces enfants déchiquetés ? Le rejet du Hamas affiché par le gouvernement israélien.

La séquence dramatique que nous connaissons a commencé après l’échec du «processus de paix» à la mi-mai ; le peuple palestinien a réussi à imposer aux différentes tendances de constituer un gouvernement d’entente nationale, Hamas inclus. Un gouvernement qu’officiellement tant les États-Unis que l’Union Européenne n’ont pu que reconnaître.

Le jour même, le gouvernement Netanyahou déclare : «Nous n’accepterons pas que le Hamas soit reconnu comme interlocuteur, nous ferons la guerre au Hamas.» (Je rappelle que ce parti a gagné des élections jugées libres et démocratiques par les observateurs internationaux.)

En 7 ans de blocus, les bombardements n’ont jamais cessé sur Gaza, de même que les attentats ciblés et l’utilisation de drones tueurs. Gaza est le terrain l’expérimentation de l’industrie d’armement israélienne et sa vitrine pour l’exportation.

L’enlèvement des trois jeunes israéliens

Arrive alors l’épisode encore confus de l’enlèvement des trois jeunes colons en Cisjordanie, qu’immédiatement Netanyahou attribue au Hamas. L’organisation ne l’a pourtant jamais revendiqué contrairement à toutes ses actions antérieures. On sait maintenant que le gouvernement israélien a fait semblant de chercher ces jeunes pendant des semaines alors qu’il les savait déjà morts.

Après deux semaines d’intox, le gouvernement israélien estime avoir gagner l’opinion publique juive israélienne pour entreprendre les bombardements sur Gaza et engager «l’offensive terrestre» qui pourrait engendrer la mort de ses propres soldats.

Pour casser le Hamas ? Non ! Israël ne casse pas le Hamas et il le sait. Israël punit la population de Gaza enfermée dans cette prison à ciel ouvert, quitte à y renforcer au contraire le Hamas qui est la principale force de résistance.

Israël, État d’apartheid

Le sionisme se voulait mouvement de libération nationale. Il a créé, là où un autre peuple vivait, un État de type colonial. Le régime d’Israël est un régime d’apartheid si l’on se reporte à la définition donnée par la convention internationale.

Les travaux du Tribunal Russell sur la Palestine sont toujours parfaitement d’actualité.

Par l’occupation et la colonisation de la Cisjordanie, par le blocus de Gaza, par le refus du droit au retour des réfugiés palestiniens victimes de la Naqba de 1947, par les discriminations dont sont victimes les Palestiniens de 48 vivant en Israël, cet Etat
est coupable du crime d’apartheid.

Cependant, tant qu’une impunité totale est accordée à Israël par la «communauté internationale», c’est-à-dire par les gouvernements des pays dominants, et en premier lieu par ses alliés les Etats-Unis et l’Union Européenne, le nationalisme israélien continuera dans sa logique extrême consistant à vouloir toujours plus exclure les
Palestiniens de leurs terres, poursuivre l’épuration ethnique tant en Cisjordanie qu’aujourd’hui par exemple dans le Neguev.

Le gouvernement israélien est coupable de crimes de guerre et de crimes contre l’Humanité.

La France se déshonore

Dans son soutien scandaleux aux criminels qui dirigent Israël, le gouvernement de notre pays, la France, suscite autant l’indignation.

Tout le monde connait maintenant les déclarations de François Hollande, Manuel Valls, et de tous les ministres qui en reprennent les «éléments de langage» sur «le droit d’Israël à protéger sa population».

Je prendrai deux exemples qui montrent à quel point la France sedéshonore dans ce soutien.

  • Savez-vous que la maison du Consul de France à Gaza a été détruite ? Parfaitement identifiée, elle n’en pas moins subi la frappe chirurgicale de l’aviation israélienne. Avez-vous entendu la protestation de la France ?
  • Ziad Medoukh, que nous avons déjà pu recevoir à Bordeaux, est Directeur du département de Français à l’Université Al Aqsa de Gaza. Il a déjà reçu un prix des droits de l’homme pour son action, et plus récemment un prix de poésie, mais il n’a pas pu venir les recevoir. Il devait aussi participer à l’Université d’été de la Solidarité
    Internationale de Rennes où nous l’avions invité au début de ce mois. Il n’a pas été autorisé par Israël à honorer ces invitations. Avez-vous entendu la protestation de la France, contre cette entrave à la circulation d’un intellectuel qui se bat tous les jours pour la francophonie dans les conditions que l’on sait ?

Qui revivifie l’antisémitisme ?

Quand l’opinion publique française est horrifiée par la violence de l’armée israélienne, on lâche le grand mot supposé faire taire les critiques : attention à l’importation du conflit, attention à l’antisémitisme.

L’antisémitisme n’a pas disparu de notre pays, nous le savons, et nous le combattons. Mais tous les observateurs savent qu’il est sans commune mesure avec celui que l’on connaissait à l’époque de l’Affaire Dreyfus (quand le journal «La Croix» – qui a heureusement changé ! – se disait le journal le plus antisémite de France pour gagner des lecteurs), sans commune mesure avec les manifestations des années 30 contre «les métèques».

Aujourd’hui, les contorsions du Front national montrent que ce sont les «Arabes» et les «Musulmans» qui avec les Roms sont les premières cibles du discours raciste, quand les élites et les pouvoirs pratiquent plutôt le «philosémitisme».

Nous avons avec les «incidents» de la manifestation du 13 juillet à Paris un exemple de manipulation délibérée : La Ligue de Défense Juive – groupe fasciste interdit aux Etats Unis et en Israël ! – a appelé sur internet à tuer «le Hamas» et les vidéos montrent comment ils ont provoqué la manifestation à la hauteur de la rue de la Roquette, en bénéficiant d’une étrange protection policière.

Le président de la synagogue lui-même, Serge Benhaïm, a déclaré qu’à aucun moment les personnes présentes à l’intérieur n’ont eu un quelconque sentiment de menace. Mais Meyer Habib, le député franco-israélien des «français de l’étranger», dit à la télévision israélienne que des milliers de manifestants à Paris ont crié «Mort aux Juifs», invention pure et simple.

Une manipulation globale

C’est l’exemple d’une manipulation plus globale, car le consensus national israélien est à ce prix : «le monde est contre nous». Il faut qu’il y ait antisémitisme en France pour pousser les Juifs de France à quitter le Pays.

«L’impératif démographique» est d’autant plus important pour Israël que des milliers de jeunes Israéliens quittent, le plus souvent silencieusement, le pays et son climat étouffant. Un sergent recruteur de «Tsahal» vient à la grande synagogue de Paris recruter des jeunes !

Le Conseil dit représentatif des juifs de France et ses officines relaient cet intox et parlent d’antisémitisme pour toute critique d’Israël et de Nuit de Cristal pour tout acte antisémite aussi isolé soit-il.

Qui favorise l’antisémitisme, sinon ceux qui développent l’équation :
Juif = sioniste = israélien ?

En prétendant que Israël est l’État de tous les Juifs du monde et que tous les Juifs doivent le défendre, qui «importe le conflit» ?

Quand Jacques Kupfer, représentant du Likhoud mondial, c’ est-à-dire «l’Internationale» du parti de Netanyahou déclare à Paris «si nous voulons mettre un terme à la guerre, nous devons raser Gaza. Gaza doit devenir un champ de ruines d’où ne peuvent sortir que des gémissements», qui importe le conflit ?

Et l’invention d’un antisémitisme massif qui dominerait dans les manifestations de solidarité avec le peuple palestinien participe d’un discours plus global contre «les
jeunes des quartiers», ce qui devrait faire l’objet d’une autre tribune.

Alors, que faire ? Boycottons !

Bien sûr, nous devons inlassablement manifester pour l’arrêt des bombardements, la fin du blocus, le respect du droit international… et obtenir la dissolution de la Ligue de Défense Juive. Nous devons aussi développer nos actions concrètes de solidarité.

Mais plus globalement nous devons nous inspirer de ce qui a contribué à la fin de l’apartheid en Afrique du Sud, c’est-à-dire : la campagne de boycott. L’État israélien doit comprendre qu’il se met au ban des nations en ne reconnaissant pas pleinement le peuple palestinien et ses droits.

Il faut que nous mêmes, ici et maintenant, répondions à l’appel de la société civile palestinienne et boycottions Israël, ses produits, ses institutions sportives et universitaires, exigions que les entreprises désinvestissent de ce pays, obtenions que notre propre gouvernement et l’Union Européenne le sanctionnent économiquement, que ses dirigeants soient effectivement traduits devant la justice internationale. C’est
la campagne dite BDS, Boycott Désinvestissement Sanctions.

En tant que Juif français, je participe à ce mouvement pour combattre une politique israélienne qui est à la fois criminelle et suicidaire pour les Juifs d’Israël comme pour les Juifs du monde entier qu’Israël prétend enrôler dans sa fuite en avant.

André Rosevègue est co-président de l’Union Juive Française pour la paix.
Il est par ailleurs membre de Palestine 33 et du groupe de travail de
l’Association France Palestine Solidarité sur les manuels scolaires

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