Sous la pression, le gouvernement israélien suspend son plan controversé de créer une base de données des étudiants juifs aux États-Unis

Une organisation d’étudiants juifs déclare ne pas croire que le projet était dans l’intérêt de l’implication des étudiants juifs américains.

Quelques heures après qu’Haaretz eut publié un article présentant l’initiative controversée du gouvernement israélien de créer une base de données avec les noms de tous les étudiants juifs aux États-Unis, le projet fut mis en stand-by.

Selon une déclaration publiée par Hillel International, la plus grande organisation étudiante juive au monde, le Ministère israélien de la Diaspora subit des pressions pour le retirer.

Ce projet était censé être géré par Mosaic United, une entreprise créée par le Ministère de la Diaspora il y a quelques années et ayant pour mission officielle de renforcer l’identité religieuse et les connections avec Israël des jeunes Juifs à l’étranger.

Dans sa déclaration, Hillel International dit ne pas avoir été au courant du projet jusqu’à ce qu’Haaretz leur demande des renseignements. “Nous avons immédiatement enquêté et très clairement fait part à Mosaic United de nos objections quant à cette initiative. Nous pensons que l’initiative présentée dans l’appel d’offre n’était pas dans l’intérêt de l’implication des étudiants juifs américains. Basé sur nos objections, Mosaic United a accepté de retirer l’appel d’offre de son site internet et d’annuler l’initiative. Nous apprécions la prompt réponse de Mosaic United à nos préoccupations.”

Mosaic United publia sa propre déclaration quelques minutes plus tard : “L’appel d’offre tel que publié ne reflète pas l’essence du projet prévu et a entraîné une confusion inutile. Par conséquent, Mosaic United suspend son appel d’offre et toute discussion future sera basée sur les instruction de son conseil d’administration.”

Comme cela avait été initialement indiqué, Mosaic United avait l’intention d’externaliser le projet à une entreprise israélienne spécialisée en base de données et exploration de données. L’entreprise publia récemment un appel d’offre. La date limite de dépôt de candidature était censée être le 27 Octobre.

“L’idée est de créer une base de donnée de tous les étudiants juifs aux États-Unis (environ 350 000 étudiants) et de répertorier quotidiennement tous les évènements juifs/israéliens ayant lieu sur les campus, avec une cartographie structurelle quotidienne des contenus juifs/israéliens sur internet, » explique l’appel d’offre du projet.

« L’objectif est d’amener un étudiant qui n’est aujourd’hui pas mobilisé dans les activités connectées au judaïsme/Israël (environ 85%) à participer sur le net et sur le campus local aux activités, régulièrement et dans la durée. »

Selon l’appel d’offre, le travail de l’entreprise qui remporterait le contrat aurait été, non seulement de créer une base de données de noms, mais aussi de classer les étudiants juifs en sous-groupes permettant un micro-ciblage.

L’entreprise était censée rassembler du contenu, à la fois en ligne et hors ligne, qui pourrait être intéressant ou pertinent pour les étudiants juifs – comme des articles, des photos et des clips vidéo, ainsi que des informations sur des évènements juifs ou sur le thème d’Israël ayant lieu sur leurs campus. Chaque sous-groupe d’étudiants aurait reçu, via les réseaux sociaux ou autres canaux, un ensemble de documentation sur mesure, déterminé en consultation avec Mosaic United.

Le paiement que l’entreprise reçu finalement était censé avoir été calculé en grande partie sur la base des résultats obtenus – autrement dit, sur l’augmentation du nombre d’étudiants juifs participant à des évènements juifs et liés à Israël sur le campus, et le nombre d’étudiants utilisant la documentation en ligne qu’elle fournie.

Des membres du conseil consultatif de Mosaic United n’avaient pas eux non plus été mis au courant de l’initiative, qui aurait très certainement attiré les critiques des Juifs libéraux aux États-Unis.

Contacté dimanche par Haaretz, avant que l’appel d’offre ne soit retiré, Rabbi Avraham Infeld, ancien président de Hillel International et éminent professeur juif, a déclaré avoir l’intention de démissionner du conseil consultatif en raison de ce projet.

“Je suis complètement sous le choc,” a-t-il dit. “Depuis quelque temps maintenant, j’envisageais de démissionner car, bien que je fasse partie du conseil consultatif, personne ne m’a jamais consulté. On m’a demandé de repousser ma démission, mais maintenant que j’ai connaissance de cette nouvelle initiative, pour laquelle je n’ai jamais été consulté et qui n’a jamais été discutée lors d’aucune de nos réunions, je ne vois plus aucune raison de la repousser.”

Il y a tout juste un an, Mosaic United s’est associé à trois organisations juives, Chabad, Olami et Hillel International, pour une initiative de 66 millions de dollars ayant pour objectif de renforcer l’identité juive sur les campus aux Etats-Unis. A la différence de Chabad et Olami, Hillel – l’organisation étudiante juive la plus importante au monde – n’est affiliée à aucun courant particulier du judaïsme. L’entreprise essuya de nombreuses critiques car elle travaillait principalement avec des organisations Orthodoxes alors que la plupart des étudiants juifs dans les campus des Etats-Unis sont non-pratiquants. Yossi Beilin, un ancien ministre israélien, démissionna alors du conseil consultatif de Mosaic United en signe de protestation.

Naftali Bennett, qui est à la tête du Ministère de la Diaspora, est le président du Habayit Hayehudi, parti orthodoxe et pro-colons. Bennett est également le Ministre de l’éducation israélien, et à ce poste aussi il est critiqué pour avoir utilisé le pouvoir de sa fonction afin de promouvoir le judaïsme orthodoxe plus que les autres courants.

La présidente de Mosaic United, Amy Holtz, quitta son poste en Mars, après ne l’avoir occupée qu’une courte période, en ne fournissant aucune explication. Holtz avait auparavant été présidente de Jerusalem U, une organisation investie dans le rayonnement juif et la promotion d’Israël. Depuis sa démission, Mosaic United – que le Ministère de la Diaspora considère comme son “projet phare” – fonctionne sans dirigeant.

18 octobre | Judy Maltz pour Haaretz |Traduction LGr pour l’AURDIP.

L’article originel en anglais sur le site de Haaretz.


L’article en anglais sur le site de l’AURDIP.