La surpuissance brute creuse chaque jour, un peu plus, le gouffre.
Israël vient de s’autoriser un nouveau dépeçage urbain à Beyrouth pour la plus grande joie d’un occident profond qu’on ne saurait confondre avec la démocratie.
C’est accablant à vivre, pas seulement pour les victimes mais peut-être pour le monde entier. « Rien de plus monstrueux, on en conviendra, puisque l’humanité, de ce fait, se trouve confondue avec une forme possible de l’énergie » qui abolit les rapports diplomatiques, politiques et sociaux. Car « même si nous l’avons oublié, quelle enfance n’a-t-elle pas été hantée par le sentiment d’une souveraineté physique à l’échelle de l’univers ? » (Annie Le Brun, Soudain un bloc d’abîme, Sade).
Quelle enfance plus que palestinienne ne subit-elle pas cela depuis un an – qu’on s’apprête à fêter ici – et bien davantage ? Et qui hormis les psychopathes est capable, dans sa vie ordinaire, de reprendre à son compte et pour sa propre vie, l’ouvrage de destruction produit par Israël sous le contrôle bienveillant et intéressé des États-Unis avec tout leur cortège de pays d’Europe fascinés par la fabuleuse technicité du spectacle ?
Ce qui se passe n’est pas une affaire lointaine à remiser déjà dans nos greniers qui ne sont que charpentes, mais nous atteint au plus intime de ce qu’enfants nous espérions du monde, et ce que citoyens nous voyons s’éteindre à jamais. Les mécanismes de vie individuelle, les systèmes de vie de famille exclusifs, pas plus que les modes de consommation compensatoires ne nous serviront de rempart au vide qui se creuse en nous collectivement. Demain les trottoirs seront pleins d’automates. Aucun ne sera du moindre secours pour l’autre. Pire, chacun sera antagonique à l’autre, quelque discours sociétal qu’on nous serve en pâtée comme une série télé. « Esto no es una democracia, es una telenovela » disent les manifestants d’Amérique Latine.
Mais peut-être est-ce l’heure de la sieste. N’est-il pas trop tôt pour se réveiller ? Après tout, quoi de mieux que mourir endormi ?
Guy Lavigerie
28 septembre 2024