Les yeux nous piquent encore d’indignation. Une femme, Sonia Nour, militante communiste et antiraciste, fonctionnaire territoriale à la mairie de La Courneuve, a été mise à pied par le maire PCF en moins de 24h. Son crime ? Avoir livré quelque peu maladroitement un juste constat du traitement médiatique différencié des violences faites aux femmes : calme plat lorsque celles-ci périssent sous les coups de leur conjoint ; hystérie lorsqu’elles sont, comme à Marseille, assassinées par un fou furieux au nom de l’organisation État islamique. Seulement voilà, ce fou furieux, Sonia Nour l’a qualifié de « martyr », ouvrant grand la porte aux fantasmes accusateurs des trolls de la fachosphère, trop heureux d’y voir la preuve d’une glorification de « l’islamisme radical ». Un malentendu qu’elle paye très cher.
Car c’est bien d’un malentendu qu’il s’agit. Elle s’en est expliquée peu après : elle ne faisait pas référence à la définition du martyr relevant du djihâd, mais à celle en vigueur dans le champ de la psychanalyse. Mais peu importe, elle est déjà la cible d’un feu nourri de l’extrême-droite, très vite rejointe par la pseudo-gauche laïcarde du Printemps républicain. Sonia Nour serait une apologiste du « terrorisme islamiste » pour les uns, une dangereuse « islamo-gauchiste » pour les autres. Trop peu de voix s’élèvent pour rappeler qu’elle est une féministe consciente des enjeux de domination liés à la race sociale. Sa condition de femme noire, d’ailleurs, ne doit pas être pour rien dans le degré de violence des attaques qu’elle a subi.
Tout ceci n’est pas sans rappeler les polémiques qu’avaient suscité l’annonce d’un séminaire réservé aux racisé-e-s dans le cadre d’un festival afroféministe autorisé par la mairie de Paris ou celle du premier camp d’été décolonial réservé aux victimes du racisme institutionnel. Le mécanisme est le même : indignation de l’extrême-droite, reprise et partagée avec le zèle des convertis par une certaine gauche ultra-républicaine, menant à des réactions fermes des décideurs politiques qui mangent dans la main des réactionnaires pour sauver leur peau tout en déclarant sous l’œil des caméras « ne rien céder aux communautarismes ».
Il nous est intolérable que certaines paroles soient confisquées et manipulées de la sorte, pour mieux mettre au pas celles et ceux qui les expriment. C’est pourquoi l’Union Juive Française pour la Paix tient à apporter tout son soutien à Sonia Nour et appelle à sa réintégration immédiate dans les services de la mairie de La Courneuve.
Le Bureau national de l’UJFP, le 6 octobre 2017