Situation en Palestine : embarras en Europe face à un nouveau recours auprès de la Cour internationale de Justice (CIJ)

Vendredi 11 novembre, par une écrasante majorité de 98 voix pour et seulement 17 contre, la Quatrième Commission de l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution demandant à la Cour internationale de justice (CIJ) de se prononcer sur les effets de l’occupation et de la colonisation illégales des territoires palestiniens par Israël.  

La résolution est intitulée « Pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme du peuple palestinien dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est« .

Dans les jours à venir, ce même texte devra être voté par l’Assemblée générale en tant que telle une seconde fois, malgré l´irritation qu´il a provoqué en Israël (voir article du Times of Israel, édition du 12 novembre): celle-ci annonçait des actions diplomatiques d´Israël et de ses alliés pour empêcher à tout prix son adoption définitive (voir cette dépêche de l´agence Reuters du 29 novembre 2022 et cette note publiée en Uruguay en date du 2 décembre 2022). 

L’année 2022 en matière d’agression militaire

Comme il est devenu assez habituel dans le cas de victoires incontestables pour les uns (et de défaites diplomatiques pour d’autres), le vote sur cette résolution a été peu diffusé par les grands médias internationaux. 

En cette année 2022, durant laquelle un État membre des Nations Unies comme l’Ukraine, subit une agression militaire de la part de la Russie depuis le 24 février et est au centre de l’attention des médias internationaux, cette omission soulève des questions somme toute très valides. Si l´on prend en compte en plus les diverses résolutions de l’Assemblée générale adoptées depuis mars 2022 (et très largement diffusées) sur le respect de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, l’obligation de faire la distinction entre les objectifs militaires et les populations civiles par la Russie, l´interdiction de porter atteinte aux services publics essentiels d´une population lui permettant de subvenir  à ses besoins, la nécessité impérative pour la Russie de respecter ses autres obligations en vertu de la Charte des Nations Unies et du droit humanitaire international, les questions soulevées le sont même un peu plus.

N’est-il pas dans l’intérêt de tout État membre des Nations Unies et de la communauté internationale en tant que telle que ces mêmes règles, invoquées à juste titre par l’Ukraine, soient appliquées uniformément et dûment respectées par tous les autres États menant des opérations militaires hors de leurs territoires, y compris par Israël 1 ?

Le vote enregistré en bref

Sur cette image du registre des votes tirée de cet article du Times of Israel (édition du 11 novembre 2022), nos lecteurs pourront observer comment chacun des 193 États membres des Nations Unies a voté. 

Ainsi que dans cette note de presse publiée dans le média numérique costaricien  Delfino.cr (l’une des rares publiées au Costa Rica sur le sujet, et qui n’explique pas pourquoi officiellement le Costa Rica a choisi de s’abstenir). 

Quelle pourrait être la phrase de cette résolution qui a conduit plusieurs États en cette année 2022 à revoir leur position par rapport à un texte similaire adopté en 2021 (et les années précédentes) avec leur vote affirmatif? Quelle crainte pourraient-ils avoir en 2022 d´une demande au juge international en vue d´examiner, dans le cadre d´une procédure consultative, l’occupation du territoire palestinien et les effets de la colonisation israélienne à la lumière des normes internationales actuelles?

Outre les 98 voix pour et les 17 voix contre, il y a eu 52 abstentions et 25 « No Show » (absence du délégué au moment de l’enregistrement du vote).  

En Amérique Latine, Israël et son fidèle allié américain n’ont pu obtenir que le vote négatif du Guatemala (et les abstentions de la Colombie, du Costa Rica, de l’Équateur, d’Haïti, du Honduras et de l’Uruguay) ; tandis qu’en Europe, ils ont réussi à réunir les votes négatifs de l’Allemagne, de l’Autriche, de l’Estonie, de la Hongrie, de l’Italie, de la Lituanie et de la République tchèque (ainsi que 25 abstentions, dont celles de l’Espagne, de la France, des Pays-Bas et du Royaume-Uni, … qui avaient voté en faveur en 2021). Sur le continent africain, seul le Liberia a voté contre cette résolution. A noter que 7 Etats européens ont voté pour cette résolution: la Belgique, l´Irlande, le Luxembourg, Malte, la Pologne, le Portugal et la Slovénie.

La Bolivie et le Vénézuela font partie des « No Show« , avec une différence qui mérite d’être précisée : en raison d’arriérés de paiement de sa contribution annuelle en tant qu’État Membre, le Venezuela ne peut pas participer aux votes de l’Assemblée générale (voir communiqué officiel des Nations Unies).

Comme indiqué précédemment, le vote de cette résolution a été très peu diffusé dans les médias internationaux. Il est à noter que la veille (10 novembre), un communiqué de presse officiel de l’ONU informait du vote qui aurait lieu 24 heures plus tard par la plénière de l’ONU (voir le communiqué de presse officiel de l’ONU).

Le vote en faveur de cette résolution par la délégation ukrainienne semble avoir profondément irrité Israël : en réponse, Israël a choisi de s’abstenir sur une résolution ultérieure concernant l’obligation de la Russie de compenser les dommages causés en Ukraine depuis qu’elle a lancé sa dénommée « opération militaire spéciale » – terme officiellement utilisé en Russie – le 24 février sur le sol ukrainien (voir cette note du Times of Israel et notre brève note – en espagnol – sur cette résolution adoptée en faveur de l’Ukraine le 15 novembre). A moins qu’Israël considère déjà qu’il est dans son intérêt de ne pas reconnaître qu’un Etat doive répondre des faits internationalement illicites et des dommages commis par ses militaires sur un territoire qui ne lui appartient pas. 

L´indéfectible « coalition » aux Nations Unies sur laquelle peut toujours compter Israël

Comme il est devenu habituel pour ce type de résolution, le noyau dur des États opposés à tout texte en faveur de la Palestine comprend l’Australie, le Canada, les États-Unis, les Îles Marshall, Israël, la Micronésie, Nauru et Palau. 

A titre d´exemple, parmi bien d’autres, lorsqu’en novembre 2012, l’Assemblée générale a reconnu à la Palestine le statut d´  » État Non Membre Observateur « , en adoptant la résolution A/Res/67/19  (138 voix pour, 9 contre et 41 abstentions), cette étrange « coalition  » d’États a été rejointe par le Panama et la République Tchèque (voir communiqué de presse officiel de l’ONU)2

Cette  » coalition  » en 2021,  lors du vote de la résolution  A/RES/76/225 (voir texte), a démontré au monde avec ses 7 votes contre, face à 156 votes pour, et 15 abstentions (voir détail du vote) que loin d’être une alliance de circonstances, les liens qui unissent ses membres sont ceux d’un véritable front, durables et solides. 

En cette année 2022, ces liens sont aussi réapparus lors du vote de la résolution intitulée « Règlement pacifique de la question de Palestine » A/77/L.26, adoptée le 30 novembre 2022 par 153 votes pour, 9 contre et 10 abstentions (voir détail du vote au cours duquel la Hongrie et le Liberia ont rejoint ladite « coalition« , l ´Australie s´étant finalement abstenue).

L’origine de la demande faite à la CIJ 

Comme indiqué plus haut, le texte de la résolution votée le 11 novembre vise à rapprocher la Palestine de la justice internationale : il est très similaire à celui de résolutions adoptées les années précédentes par l’Assemblée générale des Nations unies, avec seulement un ajout significatif concernant la demande faite à la CIJ pour la version 2022. Comment expliquer alors le soudain changement d’avis de certains Etats sur cette question, et la crainte de certains Etats d’une demande d’avis consultatif de la CIJ? On réaffirme haut et fort les principes juridiques violés par la Russie depuis le 24 février en Ukraine, mais on préférerait que la justice internationale n´examine pas la violations de ces mêmes principes juridiques sur le territoire palestinien?

Il convient de noter qu’un second vote, non plus par la Quatrième Commission mais par l’Assemblée générale en tant que telle, aura lieu dans les semaines à venir, de sorte que certains États ont encore le temps de rectifier leur position. Un article récent publié dans la presse en Colombie va exactement dans ce sens (voir tribune publiée dans Las2orillas).

Un autre article récent de la presse uruguayenne souligne le changement de position du délégué uruguayen pour 2022 par rapport au vote de 2021 (voir note de presse d’El Observador) : une presse plus curieuse dans d’autres parties du continent américain, mais aussi en Europe, confirmerait que ce changement de position (une abstention en 2022 au lieu d’un vote favorable en 2021) n’est pas un monopole de l’Uruguay, et qu’en Amérique Centrale, tout comme en Europe, il y a également eu des changements de position sans aucune explication de la part des autorités gouvernementales (3). Quant au Canada, son vote contre cette résolution a été une nouvelle fois dénoncé par des ONG canadiennes (voir note du CJPME dans laquelle on lit que « It is reprehensible that Canada should try to block a legal opinion on Israel’s actions in occupied Palestinian territory« ).

En ce qui concerne la demande faite à la CIJ dans la résolution de 2022, elle découle du fait suivant, également peu médiatisé : un récent rapport publié le 22 octobre 2022 par une Commission d’enquête créée par le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies sur ce qui s’est passé en 2021 en Palestine – (voir lien officiel et texte intégral en Français) incluait dans ses recommandations finales que :

« 92. La Commission recommande à l’Assemblée générale de prendre les mesures suivantes : 

a) Adresser d’urgence à la Cour internationale de Justice une demande d’avis consultatif sur les conséquences juridiques du refus persistant par Israël de mettre fin à son occupation du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, qui constitue une annexion de facto, sur les politiques appliquées pour maintenir cette occupation et sur le refus par Israël de respecter le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, ainsi que sur l’obligation incombant aux États tiers et à l’Organisation des Nations Unies de veiller au respect du droit international ; 

b) Transmettre le présent rapport au Conseil de sécurité et lui demander d’envisager de nouvelles mesures pour faire cesser la situation illégale résultant de l’occupation permanente imposée par Israël, et demander au Conseil d’exiger qu’Israël mette fin immédiatement à son occupation permanente ».

Cette suggestion relative à la CIJ a été immédiatement approuvée par un groupe d’États, traduite en termes acceptables pour une majorité d´entre eux, dénotant une stratégie diplomatique très habile afin d´obtenir les chiffres enregistrés lors du vote susmentionné du 11 novembre dernier.

Il convient également de noter que le contenu du rapport présenté en octobre 2022 par une commission d’enquête, dont nous recommandons la lecture dans son intégralité, n’a pas été largement diffusé par les médias grand public. Comme a son habitude, l’appareil diplomatique israélien n’a rien trouvé de mieux que de tenter de discréditer les trois membres de cette commission (voir l’article du PassBlue), une attitude qui n’impressionne plus grand monde au sein des Nations Unies. 

Des années de violations du droit international documentées et un Conseil de Sécurité tenu en échec par Israël

Cette commission d´enquête est similaire à plusieurs autres créées par le Conseil des Droits de l´Homme des Nations Unies par le passé : 

– en 2018, lors des exactions commises par les forces de sécurité israéliennes contre les manifestants non armés palestiniens  participant à la « Grande Marche » (voir hyperlien afin d´accéder à son rapport) ; 

– en 2014, suite à l´offensive militaire à Gaza (70 morts côté israélien, dont 67 militaires, 2251 morts côté palestinien, parmi lesquelles  celles de 551 enfants (voir hyperlien pour accéder au rapport et le résumé de ce dernier) ; 

– ou encore en 2009 suite à  l´offensive militaire menée sur Gaza entre le 28 décembre 2008 et le 17 janvier 2009 par Israël (voir hyperlien) et qui se traduisit par la mort de 13 israéliens et de plus de 1400 palestiniens (voir la section « casualties » des paragraphes 352-364 du rapport détaillé).

Lors d´une session du Conseil de Sécurité des Nations Unies du 28 octobre 2022 (voir procès-verbal), le représentant de la Palestine a, quant à lui, posé la question de la Palestine et de la justice internationale de La Haye en ces termes:

« Si quiconque ici est convaincu qu’Israël ne commet pas de tels actes, mettons un terme à ce débat. Demandons plutôt à l’organe le plus compétent au monde de se prononcer. Tournons-nous vers la Cour internationale de Justice et laissons-la prendre une décision factuelle et juridique à cet égard. S’agit-il d’une occupation temporaire ou d’une annexion permanente déguisée ? Est-elle légale ou est-ce la manifestation la plus abjecte de l’acquisition d’un territoire par la force ? Est-elle intrinsèquement discriminatoire et délibérée ou non ? Si quelqu’un ici estime honnêtement que ce n’est pas le cas, demandons l’avis de la Cour  » (page 6).

La question a donc été bien posée au sein du Conseil de Sécurité : et comme on le sait, cet organe des Nations Unies peut parfaitement demander un avis consultatif  à la CIJ. 

En raison d´un prévisible veto nord-américain à une telle initiative (la lecture de la déclaration faite par son délégué lors de cette session va dans ce sens, omettant toute référence à la CIJ), c´est donc tout naturellement vers l´Assemblée générale que la diplomatie de la Palestine s´est tournée.

Le libellé des deux questions posées à la CIJ dans la demande d’avis consultatif

Dans le texte de la résolution A/C.4/77/L.12/Rev.1, il est indiqué dans la partie finale de la résolution que l’Assemblée générale des Nations Unies :

 » 18. Décide, conformément à l’Article 96 de la Charte des Nations Unies, de demander à la Cour internationale de Justice de donner, en vertu de l’Article 65 du Statut de la Cour, un avis consultatif sur les questions ci-après, compte tenu des règles et principes du droit international, dont la Charte des Nations Unies, le droit international humanitaire, le droit international des droits de l’homme, les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, de l’Assemblée générale et du Conseil des droits de l’homme, et l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice du 9 juillet 2004 : 

a) Quelles sont les conséquences juridiques de la violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, de son occupation, de sa colonisation et de son annexion prolongées du territoire palestinien occupé depuis 1967, notamment des mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem, et de l’adoption par Israël des lois et mesures discriminatoires connexes ? 

b) Quelle incidence les politiques et pratiques d’Israël visées au paragraphe 18 a) ci-dessus ont-elles sur le statut juridique de l’occupation et quelles sont les conséquences juridiques qui en découlent pour tous les États et l’Organisation des Nations Unies ? »

Il s’agit donc d´une nouvelle demande d’avis consultatif de l’Assemblée générale des Nations Unies. Elle fait suite à une autre demande, formulée cette fois au mois de décembre 2003, avec le vote d´une résolution adoptée avec 90 votes pour, 8 contre et 74 abstentions (voir note de presse des Nations Unies). Cette dernière a abouti à l’avis consultatif de la CIJ de juillet 2004 sur les conséquences juridiques de la construction d’un mur par Israël dans le territoire palestinien occupé. La question posée au juge international en 2003 par l’Assemblée générale était la suivante :

« Quelles sont en droit les conséquences de I’édification du mur qu’Israël, puissance occupante, est en train de construire dans le territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est, selon ce qui est exposé dans le rapport du Secrétaire général, compte tenu des règles et des principes du droit international, notamment la quatrième convention de Genève de 1949 et les résolutions consacrées à la question par le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale?« 

Dans le texte de l’avis consultatif publié sept mois plus tard, et dont la lecture intégrale est recommandée, on notera que le dispositif – paragraphe 163, 2) – a été adopté avec 14 voix pour et une seule contre, celle du juge nord-américain Thomas Buergenthal4.

On notera qu´en 2021, la Palestine a obtenu une décision favorable sur l´admissibilité de sa requête contre Israël (voir texte) dans le cadre d´une communication inter-étatique auprès cette fois non pas d´une juridiction internationale, mais du Comité pour l´élimination de la discrimination raciale (CERD) des Nations Unies, concernant les violations de la Convention sur l´élimination de toutes les forme de discrimination raciale de 1965 (voir texte de la décision du CERD de 2021).

La justice internationale et les États en bref

Comme on le sait, devant la CIJ de La Haye, les avis consultatifs ne peuvent être sollicités que par des organes des Nations Unies (voir l’article 96 de la Charte des Nations Unies) et non par des États. Ces derniers, en revanche, ont l´exclusivité du  ius standi pour activer la procédure contentieuse devant le juge international de La Haye. 

Pourquoi ne pas porter devant le juge international une affaire contentieuse contre Israël par des États intéressés par le respect du droit international par Israël ? Tout simplement parce que juridiquement, il n’y a pas moyen de le faire : comme on se doit de le rappeler, la justice internationale est fondée sur le principe du consentement préalable de chaque État. Dans le cas d’Israël, ses autorités maintiennent leurs distances avec la justice internationale de La Haye, n’ayant jamais reconnu la juridiction obligatoire de la CIJ par la déclaration prévue à l’article 36, paragraphe 2 du Statut (voir liste officielle des Etats ayant fait cette déclaration). De son côté, la diplomatie israélienne a évité de signer des traités (qu’ils soient bilatéraux, régionaux ou multilatéraux) dans lesquels une clause permet le recours à la CIJ comme mécanisme de règlement des différends entre les États parties.

Il convient de noter que depuis 2018, l’État de Palestine a déposé une requête contre les États-Unis devant la CIJ, en raison du transfert de l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem (voir le texte de la requête et le lien officiel de la CIJ sur cette affaire).  Il est intéressant de noter que la dernière ordonnance de la CIJ sur cette affaire (voir ordonnance) date du 15 novembre 2018, fixant des délais pour la remise des mémoires aux deux États : 15 mai 2019 pour la Palestine, 15 novembre 2019 pour les États-Unis. Dans cette même ordonnance, on peut lire que les États-Unis ont choisi de ne pas participer à une réunion convoquée par le Président de la CIJ avec les deux États, prévue le 5 novembre 2018. Il n’y a pas eu d’autres informations sur cette affaire depuis lors, ce qui soulève quelques interrogations.  

Au-delà du manque d’information de la CIJ sur les suites données à la requête présentée par l´Etat palestinien contre les Etats-Unis depuis plus de trois ans, et qui devrait susciter des questions chez certains observateurs, on notera que l´Australie a décidé récemment de ne plus reconnaître Jérusalem comme capitale d´Israël (voir communiqué officiel du 18 octobre 2022). 

En guise de conclusion

Pour la deuxième fois, par le biais de la procédure consultative, la cause de la Palestine frappe à la porte du Palais de la Paix de Carnegieplein, qui abrite la plus haute juridiction des Nations Unies, au vu des violations du droit international que les autorités israéliennes ne cessent de commettre depuis de trop nombreuses années. A cet égard, nous recommandons la lecture des considérants de la résolution A/C.4/77/L.12/Rev.1 susmentionnée, qui énumèrent les différents rapports et résolutions des Nations Unies adoptés au cours des années précédentes, qu’Israël ignore dans ses actions ou cherche à discréditer, à sa manière.  

La procédure consultative prévoyant la possibilité pour les Etats et les organisations de présenter leurs opinions juridiques à la CIJ (voir liste des avis reçus en 2004 par la CIJ), ce nouvel exercice permettra de vérifier la portée de la reconnaissance par certains Etats des normes internationales dont la violation est dénoncée dans le cas de l’Ukraine (et devrait l’être également dans le cas de la Palestine). Si l’on considère ceux qui ont voté pour et contre cette résolution (et ceux qui ont considéré l´abstention comme une option), il est très probable que les services juridiques de certains appareils diplomatiques cherchent déjà à nous expliquer que ces règles s’appliquent dans un cas, mais pas nécessairement dans l´autre : un bel exercice de cohérence juridique s´annonce pour ceux tentés de justifier la position d’Israël devant le juge international de La Haye.

En ce qui concerne une autre juridiction internationale également située dans la capitale néerlandaise, la Cour Pénale Internationale (CPI), qui juge des individus (et non des Etats) d’un point de vue pénal, et qui a également été sollicitée en 2022 par l’Ukraine (voir hyperlien officiel de la CPI), nous avons eu l’occasion d’analyser la portée d’une décision de la Chambre préliminaire de la CPI du 5 février 2021 concernant la Palestine (voir texte en Anglais et en Français). Dans cette décision, il a été déclaré que la CPI est compétente pour examiner une requête présentée par la Palestine pour concernant les actions menées par Israël dans tous les territoires palestiniens occupés, sans exclusion d’aucune sorte : voir notre note intitulée « Palestine / Cour Pénale Internationale (CPI) : à propos de la décision de la Chambre préliminaire du 5 février 2021 ».  Dans ces réflexions, dans lesquelles nous avons également fait référence à plusieurs Etats qui se sont sentis obligés de justifier juridiquement la position défendue par Israël devant les juges de la CPI (sans succès), nous avions conclu que : 

« … cette décision ouvre la voie à la justice pénale internationale pour examiner tout ce qui a été observé, documenté et dénoncé provenant du territoire palestinien (et ce depuis juin 2014) et qui a plongé dans le deuil nombre de familles palestiniennes.

Le fait qu’une juridiction internationale telle que la CPI, pour la première fois dans l’histoire du droit international public, se prononce sur le statut de la Palestine en tant qu’État, et accepte d’examiner ce qui se passe à l’intérieur de son territoire, donne à cette décision une portée non seulement juridique, mais aussi hautement symbolique et pleine d’espoir « .

On notera qu´au mois de juin 2020, les États-Unis ont officiellement pris des sanctions contre le personnel de la CPI: un geste assez original et somme toute inédit dans toute l´histoire du droit international, et fort peu analysé. On rappellera que ce geste insolite de l´administration nord-américaine fut célébré par un seul Etat au monde, Israël (voir article du Times of Israel, du 11 juin 2020)5. Au mois d’avril 2021, les États-Unis ont révoqué ces sanctions, un geste salué par la CPI (voir communiqué officiel). 

La résolution adoptée le 11 novembre 2022 au siège des Nations Unies à New York par la Quatrième Commission de l’Assemblée générale devra faire l’objet d’un nouveau vote, cette fois par l’Assemblée générale en tant que telle dans les prochains jours. 

En soi, il s’agit déjà du premier pas d’une procédure qui rapprochera sans doute un peu plus la justice internationale du drame humain qui se déroule depuis de trop nombreuses années dans le territoire palestinien en raison de violations ouvertes et flagrantes de nombreuses règles du droit international.

Document : le texte de la résolution adoptée A/C.4/77/L.12/Rev.1 par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 11 novembre 2022 est disponible dans les différentes langues officielles ici.

Source : https://www.pressenza.com/fr/2022/11/situation-en-territoire-palestinien-et-justice-internationale-breves-reflexions-sur-seconde-tentative-en-cours-aupres-de-la-cour-international-de-justice-cij/


Note-s
  1. Sur le conflit entre l´Ukraine et la Russie, voir notre analyse sur la non comparution de la Russie devant le juge de La Haye: BOEGLIN N., « Droit de la force ou force du droit: l´impasse russe« , publiée sur le site UPMagazine, édition du 4 avril 2022, et disponible ici ; ainsi qu´en langue espagnole BOEGLIN N. « La fuerza del derecho ante el derecho a la fuerza. A propósito de la no comparecencia de Rusia ante la Corte Internacional de Justicia (CIJ) »,  Site de la Universidad de Costa Rica (UCR), Section « Voz Experta« , édition du 23 Mars 2022. Texte disponible ici. Plus généralement, nous renvoyons nos lecteurs à cet hyperlien de la Société Française pour le Droit International (SFDI) recensant les nombreuses opinions de divers spécialistes sur l´action de la Russie contre l´Ukraine au regard du droit international public. []
  2. Sur la portée juridique de ce vote du 29 novembre 2012, voir notre analyse:  BOEGLIN N. « Le nouveau statut de membre de la Palestine : une perspective latinomaméricaine« , Sciences-Po Paris (OPALC), Janvier 2013. Texte disponible sur ce lien del OPALC.  En ce qui concerne l´adhesion de la Palestine au Statut de Rome en 2015, voir BOEGLIN N. « La reciente accesión de Palestina al Estatuto de Roma y a otros instrumentos internacionales: breve puesta en perspectiva« , Revista de Pensamiento Penal, 2015. Texte disponible ici.  Dans cette récente note de ArabNews du 21 Novembre 2022, les efforts des diplomates de la Palestine se poursuivent afin d´obtenir le statut d´Etat Membre de la Palestine aux Nations Unies à part entière. []
  3. La résolution A/Res/76/82 de Décembre 2021 intitulée « Israeli practices and settlement activities affecting the rights of the Palestinian People and other Arabs of the occupied territories » peut être consultée ici et son contenu peut être comparé avec celui de la résolution de 2022  A/C.4/77/L.12/Rev.1/. Le détail du vote de la résolution de 2021 (147 votes pour, 17 contre et 20 abstentions) est disponible ici. En 2021, ont voté pour en Amérique Latine les Etats suivants: l´Argentine, la Bolivie, le Chili, le Costa Rica, Cuba, El Salvador, le Mexique, le Nicaragua, le Panama, le Paraguay, le Pérou, la République Dominicaine et le Venezuela. Se sont abstenus le Brésil, la Colombie, l´Equateur, le Guatemala, Haiti et le Honduras. Une comparaison similaire peut être faite pour la résolution de 2021,  A/Res/76/89 et intitulée « Palestine refugees’ properties and their revenues » adoptée avec 159 votes pour, 5 contre et 8 abstentions (voir détail du vote) et la résolution qui sera votée en 2022. Ainsi que la résolution de 2021  A/Res/76/150 (voir texte) intitulée « The right of the Palestinian people to self-determination » adoptée avec 168 votes pour, 5 contre et 10 abstentions: voir détails du vote enregistré disponible ici.[]
  4. Le juge Thomas Buergenthal, en désaccord avec la conclusion d’illégalité du mur, est néanmoins d’accord pour déclarer que les colonies israéliennes sont illégales :  voir sa déclaration,  paragraphe 9.   Plus généralement, sur la portée juridique de cet avis consultatif de la CIJ de 2004, voir en particulier ABI-SAAB R. « Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé » quelques réflexions préliminaires sur l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice« , Revue Internationale de la Croix Rouge (RICR), 2004, pp. 633-657. Texte complet disponible ici; ainsi que  BADIA MARTÍ A., « La opinión consultiva de la Corte Internacional de Justicia sobre las consecuencias jurídicas de la construcción de un muro en ele territorio palestino ocupado del 9 de julio del 2004« , Revista Electrónica de Estudios Internacionales (www.reei.org). Texte disponible sur la toile ; FALK R. A., « Toward Authoritativeness: The ICJ Ruling on Israel’s Security Wall« , American Journal of International Law (AJIL), 2005, pp. 42-52 et également RIVIER R., « Conséquences juridiques de l´édification d´un mur dans le territoire palestinien occupé. Cour Internationale de Justice. Avis du 9 juillet 2004« , Annuaire Français de Droit International (AFDI) 2004, pp. 292-336. Texte complet disponible ici.[]
  5. Sur ce sujet, nous renvoyons aussi a notre note « BOEGLIN N., « Les sanctions annoncées par les États-Unis contre le personnel de la Cour pénale internationale: brèves réflexions« , DiplomatMagazine (La Haye), édition du 5 juillet 2020, texte disponible ici.[]
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