23 MARS 2021 | PAR MÉRÔME JARDIN | BLOG : VENDEUR-SES DE HAINE
Dans le silence quasi total des médias, politiques et grandes organisations antiracistes, le ministre de l’Intérieur a écrit des propos antisémites sur lesquels il fonde son actuelle loi contre le séparatisme visant les musulman-es.
© Gezelin GREE, CC BY-SA 4.0
Samedi 20 mars, la journaliste Sarah Benichou relaie sur Twitter des photos de passages antisémites du livre du ministre de l’Intérieur Le séparatisme islamiste – Manifeste pour la la laïcité paru en février aux éditions de l’Observatoire
Grâce à @NoEmmanuel1 qui feuillette à la FNAC, on apprend dc que ce gd moment de l’antisémitisme d’Etat napoléonien (cf.⬆️) sert de boussole à notre min. de l’intérieur qui affirme, ds son dernier livre, que la présence de « milliers de Juifs » en Fr. fût une « difficulté à régler » pic.twitter.com/8aHdBfRF25
— Sarah Benichou (@sarahbenichou82) March 20, 2021
On peut y lire que « Napoléon [….] s’intéressa à régler les difficultés touchant à la présence de dizaine de milliers de Juifs en France. Certains d’entre eux pratiquaient l’usure et faisaient naître troubles et réclamations. »
Pour le ministre de l’Intérieur d’Emmanuel Macron, les Juifs étaient donc des corps étrangers qui posaient problème du fait de leur rapport à l’argent. Les discriminations, violences et pogroms dont ils faisaient l’objet sont appelés par Gérald Darmanin « troubles et réclamations » dont seuls les Juifs sont responsables, puisque ce sont eux qui les « faisaient naître » .
@JJR_JJR_JJR
— Noé Emmanuel (@NoEmmanuel1) March 20, 2021
Sur la même page, tout est dit. Darmanin cite les propos antisémites de Napoléon à son ministre de l’intérieur pour illustrer « une lutte pour l’intégration avant l’heure » pic.twitter.com/dz1WDBzIAt
L’ancien compagnon de route de l’Action française poursuit en citant une lettre de Napoléon à son ministre de l’Intérieur en date du 22 juillet 1806 : « Notre but est de concilier la croyance des Juifs avec les devoirs des Français et de les rendre citoyens utiles, étant résolu de porter remède au mal auquel beaucoup d’entre eux se livrent au détriment de nos sujets. » La lettre de Napoléon exclut les Juifs des Français et les accuse de se livrer au mal au détriment de ces derniers, au point qu’il faille trouver un remède. Les Juifs sont donc implicitement comparé à une maladie qui menace le corps national. Seul commentaire de Gérald Darmanin : « Une lutte pour l’intégration avant l’heure. »
Il valide donc toute l’argumentation antisémite de Napoléon, et sa politique (qu’Antoine Perraud a synthétisée pour Mediapart et dont Sarah Bénichou a donné un exemple sur Twitter). Il en fait un modèle de sa politique à l’égard des musulmans aujourd’hui.
L’antisémitisme, relié à l’islamophobie n’est pas chose nouvelle chez Gérald Darmanin. Ancien compagnon de route de l’Action Française, le ministre de l’Intérieur avait pris comme exemple d’un « communautarisme » les rayons halal et casher des hypermarchés. La virulence antisémite des propos relevés dans son dernier livre est un nouveau cap franchi qui engage la responsabilité de l’intéressé, du Premier ministre Jean Castex, et du Président de la République – qui n’était par ailleurs pas réticent à nommer Gérald Darmanin malgré ses croisades homophobes, son refus affiché d’appliquer la loi sur le mariage pour tous, son passage à l’extrême-droite monarchiste et sa reconnaissance de faits pouvant être assimilés à des viols. Emmanuel Macron envoie un signe très clair sur sa conception de la République en maintenant un tel individu au gouvernement.
Les passages antisémites engagent aussi la responsabilité de l’éditeur. Aux éditions de l’Observatoire, on estime anodin d’écrire que le rapport des Juifs à l’argent a posé problème et on trouve normal de les présenter comme des étrangers qu’il a fallu intégrer par des mesures violentes.
On est enfin troublé par le silence des médias (en dehors de Médiapart et d’Edwy Plenel qui a pu lire les passages antisémites hier à l’émission C Ce soir), des partis politiques, de la Licra, de SOS Racisme, du Printemps républicain, de tous ceux et celles qui ont défendu l’idée d’un « Nouvel antisémitisme » qui serait l’apanage des seul-es musulman-es ou considéré-es comme tel-les. L’antisémitisme est-il donc toléré quand il est le fait d’u membre d’un gouvernement ? Quand il permet de justifier l’islamophobie d’État d’aujourd’hui ?